Hupehsuchus est un genre d’ichthyosauromorphe hupehsuchidé décrit en 1972 par Young et Dong, avec H. nanchangensis pour espèce-type. Il est connu de plusieurs spécimens, tous découverts dans l’Olenekien de la formation géologique de Jialingjiang (Hubei, Chine). Il a parfois été suggéré que Hupehsuchus soit un animal filtreur, mais jusque là son crâne était trop mal connu pour s’en assurer. Fang et ses collègues décrivent ainsi deux nouveaux spécimens de Hupehsuchus trouvés dans la formation géologique de Jialingjiang, qui permettent de clarifier son écologie alimentaire.

Les spécimens décrits par Fang et ses collègues sont un squelette partiel (WGSC 26 007) préservant la partie antérieure du corps, ainsi qu’un squelette quasi-complet (2020-NYF-84-4). Ces deux spécimens présentent des caractéristiques qui les rendent attribuables sans aucun doute à Hupehsuchus nanchangensis. Ils sont préservés en vue dorsale, ce qui permet d’appréhender la morphologie de la mâchoire supérieure de Hupehsuchus.

Fang et ses collègues constatent que le museau de Hupehsuchus est étrangement construit, avec une fente séparant les deux prémaxillaires et une grande partie des nasals. Ils confirment que ses mâchoires sont dépourvues de dents et relativement flexibles. Les prémaxillaires de Hupehsuchus sont allongés et s’affinent de plus en plus vers leur extrémité antérieure. Sa mandibule est également allongée et s’affine de plus en plus vers son extrémité antérieure. Fang et ses collègues constatent également la présence rainures et de renflements autour des marges labiales des mâchoires de Hupehsuchus.

Fang et ses collègues ont réalisé une analyse morphométrique afin de comparer cette morphologie atypique avec des genres actuels. Il s’avère que le crâne de Hupehsuchus se situe dans le morphospace des baleines actuelles (mysticètes et odontocètes). Cela n’est pas surprenant, notamment avec la fente séparant les prémaxillaires de Hupehsuchus qui se retrouve chez les baleines. Fang et ses collègues ont donc cherché à savoir si Hupehsuchus aurait pu chasser des proies par filtration.

Dans ce but, ils ont réalisé une autre analyse morphométrique qui corrèle la morphologie crânienne avec la taille des proies chassées. Hupehsuchus est retrouvé dans le morphospace des prédateurs de proies minuscules à moyennes. Ce résultat est le même que celui des baleines mysticètes, et confirme que Hupehsuchus a pu s’alimenter de petites proies par filtration.

Fang et ses collègues suggèrent que Hupehsuchus s’est nourri grâce à ses mandibules flexibles, en ouvrant en grand les mâchoires tout en les élargissant au niveau de la fente entre les prémaxillaires et les nasals. La cavité buccale ainsi agrandie pouvait alors filtre un maximum d’eau, pour maximiser les chances de capturer des proies. Les rainures et les renflements autour des marges labiales des mâchoires de Hupehsuchus semblent indiquer la présence de tissus mous spécialisés. Ils sont impossible à reconstruire, mais ont certainement joué un rôle dans la filtration de l’eau, à la manière de fanons.

Hupehsuchus aurait été un nageur capable d’accélérer et de manœuvrer grâce à ses membres en forme de pagaie. Toutefois, son tronc rigide et ses rangées d’ostéodermes le long de la colonne vertébrale font qu’il n’était pas capable de nager à de grandes vitesses. Ses os très denses de par leur pachyostose indiquent que Hupehsuchus était un nageur stable, vivant assez profondément dans l’eau. Tous ces caractères morphologiques indiquent que Hupehsuchus était un filtreur qui capturait le zooplancton en nageant lentement avec la bouche ouverte, à la manière des baleines franches actuelles.

Hupehsuchus était donc un filtreur spécialisé, à l’écologie différente de son proche parent Eretmorhipis. En effet, Hupehsuchus avait une meilleure vue, un museau plus fin et une nage plus rapide que ce dernier. Ces deux genres vivaient dans une mer peu profonde en compagnie du sauropterygiforme Hanosaurus, des ichthyosauromorphes Chaohusaurus et Eohupehsuchus, du saurosphargiforme Pomolispondylus, du saurosphargidé Prosaurosphargis, du nothosauridé Lariosaurus et du pachypleurosaure Keichousaurus.
Références : Fang, Z.C.; Li, J.L.; Yan, C.B.; Zou, Y.-R.; Tian, L.; Zhao, B.; Benton, M.J.; Cheng, L.; Lai, X.-L., 2023. First filter feeding in the Early Triassic: cranial morphological convergence between Hupehsuchus and baleen whales. BMC Ecology and Evolution. 23: 36.
Young, C.-C.; Dong, Z.-M., 1972, On the aquatic reptiles of the Triassic in China. Memoir of the Institute of Vertebrate Paleontology and Paleoanthropology. 9: 1-34.
Toutes les images proviennent de Fang et al., 2023, à l’exception de la dernière qui est une oeuvre de Shunyi Shu