En 2021, un spécimen de crocodylomorphe fut découvert dans le Valanginien-Hauterivien de la formation géologique de Sao Khua (Sakon Nakhon, Thaïlande). En 2023, deux autres spécimens furent découvert dans la même localité, et il s’avéra que ces trois spécimens représentaient un nouveau taxon d’atoposauridé. Pochat-Cottilloux et ses collègues décrivent ainsi ce taxon sous le nom de Varanosuchus (en référence à sa similitude morphologique avec un varan), avec V. sakonnakhonensis pour espèce.

L’holotype (SM-2021-1-97/101) de Varanosuchus sakonnakhonensis est un squelette presque complet auquel il ne manque que les membres antérieurs, une partie des ceintures pectorales et pelviennes ainsi qu’une partie des membres postérieurs. Les paratypes de V. sakonnakhonensis sont un crâne presque complet (SM-2023-1-16) et un toit crânien avec quelques éléments postcrâniens associés (SM-2023-1-17).

»Goniopholis » phuwiangensis est une espèce décrite à l’origine en 1983 par Buffetaut et Ingavat, sur la base d’un dentaire partiel (DMR THF 2558 1 00177). Par la suite, cette espèce a été incluse dans le genre Sunosuchus, puis synonymisée à Siamosuchus phuphokensis. Pochat-Cottilloux et ses collègues notent que l’holotype de »Goniopholis » phuwiangensis est un nomen dubium. Selon eux, il est plausible que »G. » phuwiangensis appartienne à Varanosuchus sakonnakhonensis, mais l’absence de caractéristiques chez DMR THF 2558 1 00177 empêche son attribution à V. sakonnakhonensis.

L’analyse phylogénétique de Pochat-Cottilloux et ses collègues a classé Varanosuchus au sein d’Atoposauridae. Il y est retrouvé comme le taxon-soeur d’Aprosuchus. Pochat-Cottilloux et ses collègues notent l’existence d’un clade monophylétique liant les bernissartiidés, les paralligatoridés et les atoposauridés. Ils s’abstiennent de nommer ce clade car les relations phylogénétiques au sein de ces familles et au sein même d’Eusuchia sont encore instables.

Varanosuchus se caractérise par une morphologie crânienne dite altirostrale, c’est-à-dire avec un museau relativement haut. Ses narines et ses orbites sont orientées vers l’avant, lui conférant une vision stéréoscopique binoculaire. Varanosuchus présente des membres allongés et étroits, leur donnant une morphologie gracile. La position des membres postérieurs de Varanosuchus indique qu’il avait une posture érigée, avec les membres situés sous le corps. Selon Pochat-Cottilloux et ses collègues, toutes ces caractéristiques sont indicatives d’une écologie terrestre pour Varanosuchus.

Pochat-Cottilloux et ses collègues notent que les ostéodermes de Varanosuchus sont ornementés, tout comme les autres atoposauridés. D’après une étude en 2022 de Pochat-Cottilloux et ses collègues (voir cet article), l’ornementation des ostéodermes facilite la thermorégulation en milieu aquatique en augmentant la vascularisation. L’ornementation des ostéodermes de Varanosuchus serait donc un indicateur d’un mode de vie semi-aquatique. Pochat-Cottilloux et ses collègues supposent donc que Varanosuchus pouvait également vivre dans les cours d’eau.

Toutefois, une étude de de Araújo Sena et Cubo (voir cet article) a soulevé l’hypothèse que les petits crocodylomorphes supposément terrestres pouvaient avoir des ostéodermes ornementés. L’ornementation aurait ainsi augmenté la vascularisation pour stocker la chaleur avant d’entamer de longues périodes de recherche de nourriture dans des zones fraîches. Pochat-Cottilloux et ses collègues n’ont pas pris en compte cette hypothèse, qui correspond bien au profil morphologique de Varanosuchus. Varanosuchus n’aurait donc pas été semi-aquatique, mais bien exclusivement terrestre et capable de chasser dans des zones fraîches.

La vision binoculaire, la morphologie gracile et les membres allongés de Varanosuchus suggèrent qu’il était un prédateur agile et rapide, capable de pourchasser des proies difficiles à capturer. Il avait des mâchoires assez robustes avec des dents coniques, semblant indiquer qu’il pouvait se nourrir d’une large variété de petits vertébrés rapides, comme les mammifères ou les squamates par exemple.

Varanosuchus vivait dans des plaines inondables au climat semi-aride, traversées par les méandres d’un fleuve. Dans cet environnement vivaient des tortues, des crocodylomorphes, des oiseaux, le spinosauridé Siamosaurus, les Megaraptora Vayuraptor et Phuwiangvenator, un carcharodontosauridé, l’ornithomimosaure Kinnareemimus, le metriacanthosauridé Siamotyrannus et plusieurs sauropodes, dont l’euhelopodidé Phuwiangosaurus.
Références : Pochat-Cottilloux, Y.; Lauprasert, K.; Chanthasit, P.; Manitkoon, S.; Adrien, J.; Lachambre, J.; Amiot, R.; Martin, J.E., 2024, New Cretaceous neosuchians (Crocodylomorpha) from Thailand bridge the evolutionary history of atoposaurids and paralligatorids. Zoological Journal of the Linnean Society. zlad195.
Buffetaut, E.; Ingavat, R., 1983, Goniopholis phuwiangensis nov. sp., a new mesosuchian crocodile from the Mesozoic of north-eastern Thailand. Geobios. 16: 79-91.
de Araújo Sena, M.V.; Cubo, J., 2023, Inferring the lifestyles of extinct Crocodyliformes using osteoderm ornamentation. The Science of Nature. 110: 41.
Pochat-Cottilloux, Y.; Martin, J.E.; Amiot, R.; Cubo, J.; de Buffrénil, V., 2022, A survey of osteoderm histology and ornamentation among Crocodylomorpha: A new proxy to infer lifestyle? Journal of Morphology. 284(1): e21542.
Toutes les images proviennent de Pochat-Cottilloux et al., 2024