Les oiseaux fossiles sont de plus en plus étudiés, et de récentes avancées ont permis de mieux comprendre leur mode de croissance, de reproduction ou encore de locomotion. Toutefois, pour bien comprendre leur rôle dans les écosystèmes, une donnée importante reste obscure : leur alimentation. Les énantiornithes sont un clade intermédiaire entre les néornithes et les Avialae basaux, particulièrement abondants au crétacé. Des études ont commencé à analyser l’alimentation des premiers oiseaux, et l’écologie alimentaire des énantiornithes se clarifie. Miller et ses collègues analysent ainsi l’écologie alimentaire des bohaiornithidés, une famille d’énantiornithes connue du crétacé inférieur de Chine.
La famille des bohaiornithidés comprend actuellement sept genres : Beiguornis, Bohaiornis, Longusunguis, Parabohaiornis, Shenqiornis, Sulcavis et Zhouornis. Bohaiornis, Longusunguis, Parabohaiornis et Zhouornis proviennent du Barrémien de la formation géologique de Yixian. Sulcavis provient de l’Aptien de la formation géologique de Jiufotang, Shenqiornis provient du Barrémien de la formation géologique d’Huajiying et Beiguornis provient de l’Aptien de la formation géologique de Longjiang. De nombreux autres genres appartiennent potentiellement à cette famille, mais leur placement reste incertain. Les bohaiornithidés se caractérisent par leurs dents robustes, leurs grandes griffes et leur grande taille.
Miller et ses collègues ont procédé à l’étude de la masse des pengornithidés car chez les oiseaux, la masse corporelle est un bon indicateur de l’écologie alimentaire. La masse corporelle de la plupart des bohaiornithidés est proche de 265 grammes, correspondant à des régimes frugivore, folivore, carnivore, généraliste, piscivore ou charognard. Les plus grands spécimens de Bohaiornis, Shenqiornis, Sulcavis et Zhouornis ont des masses corporelles supérieures à 265 grammes, ce qui les rapproche des régimes alimentaires carnivore et folivore.
L’analyse morphométrique des pieds des bohaiornithidés de Miller et ses collègues est très révélatrice. Elle place Sulcavis dans le morphospace des rapaces, Parabohaiornis dans celui des oiseaux percheurs, Longusunguis, Bohaiornis et Zhouornis dans un morphospace mélangeant petits rapaces et oiseaux percheurs. L’interprétation de ces résultats permet à Miller et ses collègues d’identifier le rôle fonctionnel joué par les pieds de ces bohaiornithidés. Longusunguis et Sulcavis ont tous deux utilisé leurs pieds pour saisir leurs proies à la manière des rapaces. Zhouornis et Bohaiornis avaient une capacité de préhension plus faible, indiquant qu’ils saisissaient de petites proies ou bien qu’il s’agissait d’oiseaux percheurs. Enfin, Parabohaiornis était un oiseau percheur.
L’analyse morphométrique du crâne des bohaiornithidés est en revanche beaucoup moins informative. Elle place Sulcavis, Shenqiornis et Zhouornis dans des morphospaces occupés par aucun oiseau actuel. Longusunguis, Bohaiornis et Parabohaiornis se retrouvent au milieu des morphospaces des oiseaux actuels folivores, frugivores et généralistes. Ces résultats ne peuvent pas être interprétés, car soit l’écologie des bohaiornithidés est inconnue chez les oiseaux actuels, soit leur crâne est trop modifié pour que l’analyse fonctionne.
La morphologie des mâchoire des bohaiornithidés révèle que leur morsure est plus forte que celle de la plupart des oiseaux actuels. Leur force de morsure les rapproche des granivores mais n’interdit pas un régime alimentaire à base d’aliments moins durs. L’analyse de leur morphologie crânienne et de leur force de morsure indique que Bohaiornis se rapproche des oiseaux folivores et Parabohaiornis des folivores/granivores. Longusunguis, Shenqiornis et Sulcavis se rapprochent des oiseaux généralistes, folivores ou piscivores. Enfin, Zhouornis se rapproche des oiseaux généralistes et frugivores.
La combinaison de ces différentes analyses a pu permettre à Miller et ses collègues de proposer une écologie alimentaire pour les bohaiornithidés. Seul Beiguornis n’a pu être analysé, car il ne préserve ni le crâne ni les pieds. Bohaiornis et Parabohaiornis auraient été des folivores percheurs, qui se nourrissaient dans les arbres à la manière du hoazin actuel. Zhouornis a pu être un frugivore percheur, ou bien un grand prédateur généraliste capable d’attraper des petits vertébrés avec ses pieds. Longusunguis a pu être un petit prédateur attrapant ses proies avec ses pieds. Le régime alimentaire de Sulcavis et de Shenqiornis est indéterminé, et il pourrait s’agir de petits carnivores comme de folivores.
Référence : Miller, C.V.; Pittman, M.; Wang, X.; Zheng, X.; Bright, J.A., 2023, Trophic diversity and evolution in Enantiornithes: a synthesis including new insights from Bohaiornithidae. eLife. 12: RP89871.
O’Connor, J.K.; Zhang, Y.; Chiappe, L.M.; Meng, Q.; Quanguo, L.; Di, L., 2013, A new enantiornithine from the Yixian Formation with the first recognized avian enamel specialization. Journal of Vertebrate Paleontology. 33(1): 1-12.
Zhang, Y.; O’Connor, J.K.; Di, L.; Qingjin, M.; Sigurdsen, T.; Chiappe, L.M., 2014, New information on the anatomy of the Chinese Early Cretaceous Bohaiornithidae (Aves: Enantiornithes) from a subadult specimen of Zhouornis hani. PeerJ. 2: e407.
Wang, M.; Zhou, Z.-H.; O’Connor, J.K.; Zelenkov, N.V., 2014, A new diverse enantiornithine family (Bohaiornithidae fam. nov.) from the Lower Cretaceous of China with information from two new species. Vertebrata PalAsiatica. 52: 31-76.
Toutes les images proviennent de Miller et al., 2023 à l’exception de la seconde qui se compose de figures provenant d’O’Connor et al., 2013, de Zhang et al., 2014 et de Wang et al., 2014
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