Depuis 2013, des fouilles sont entreprises dans la vallée du Río de las Chinas, dans le Maastrichtien de la formation géologique de Dorotea (Magallanes, Chili). Ce site a livré les restes d’un seul taxon, un ornithopode, dont les fossiles sont préservés sous la forme d’un lit d’os. Alarcón-Muñoz et ses collègues décrivent ainsi ce taxon sous le nom de Gonkoken (« similaire au canard »), avec G. nanoi pour espèce.

Dans le lit d’os de la vallée du Río de las Chinas, 45 éléments squelettiques ont déjà été extraits, et de nombreux autres éléments sont encore en cours de découverte. Alarcón-Muñoz et ses collègues signalent qu’au moins 3 individus sont présents, et qu’ils se sont fossilisés sur le lieu de leur mort. Les fossiles sont tous désarticulés, et il est impossible d’attribuer tel ou tel os à un individu. Pour cette raison, chaque os a été considéré individuellement par Alarcón-Muñoz et ses collègues. L’holotype (CPAP 3054) de Gonkoken nanoi est ainsi un ilium droit. Les 44 autres éléments ont été désignés comme paratypes. Il s’agit de restes crâniens, de vertèbres cervicales, dorsales et caudales, de côtes, de restes des ceintures pectorales et pelviennes et d’éléments des bras et des jambes.

Alarcón-Muñoz et ses collègues ont réalisé une analyse phylogénétique pour classer Gonkoken. Ils l’ont retrouvé au sein d’Hadrosauromorpha, dans une position proche des hadrosauridés, mais moins dérivée que celle des genres Huehuecanauthlus et Lophorhothon. Gonkoken est ainsi un hadrosauromorphe non-hadrosauridé dérivé, ce qui est inhabituel pour un genre d’ornithopode sud-américain. Jusque là, les ornithopodes du crétacé d’Amérique du Sud étaient soit des membres d’Elasmaria, soit d’Hadrosauridae.

La position phylogénétique de Gonkoken est une énigme biogéographique car elle suppose que ses ancêtres proviennent soit d’Europe, soit d’Amérique du Nord. Ces deux trajets de dispersion sont longs et aucun genre d’hadrosauromorphe non-hadrosauridé n’a été découvert le long de ces trajets. Cela peut s’expliquer par un manque de fossiles collectés en Afrique et au nord de l’Amérique du Sud. Alarcón-Muñoz et ses collègues ont testé les deux hypothèses de trajet de dispersion dans une analyse biogéographique, qui soutient une origine nord-américaine pour les ancêtres de Gonkoken. Gonkoken est un hadrosauromorphe non-hadrosauridé survivant car au Maastrichtien, ils avaient déjà disparu en Amérique du Nord, suite à la concurrence avec les hadrosauridés. Pour Alarcón-Muñoz et ses collègues, c’est l’absence d’hadrosauridés dans le Chili subantarctique qui a permis son existence.

Gonkoken était un végétivore quadrupède de taille assez petite, mesurant environ 4 mètres de longueur. Il vivait dans un environnement de plaines côtières inondables, à des latitudes relativement élevées. Gonkoken cohabitait avec des tortues, des oiseaux, des sauropodes titanosaures, l’ankylosaure Stegouros, des dromaeosauridés et des megaraptoridés.

Référence : Alarcón-Muñoz, J.; Vargas, A.O.; Püschel, H.P.; Soto-Acuña, S.; Manríquez, L.; Leppe, M.; Kaluza, J.; Milla, V.; Gutstein, C.S.; Palma-Liberona, J.; Stinnesbeck, W.; Frey, E.; Pino, J.P.; Bajor, D.; Núñez, E.; Ortiz, H.; Rubilar-Rogers, D.; Cruzado-Caballero, P., 2023, Relict duck-billed dinosaurs survived into the last age of the dinosaurs in subantarctic Chile. Science Advances. 9(24): eadg2456.
Toutes les images proviennent d’Alarcón-Muñoz et al., 2023, à l’exception de la dernière qui est une œuvre de Mauricio Alvarez