Chez les oiseaux actuels, un muscle particulier s’étend entre la ceinture scapulaire et le poignet. Il s’agit du muscle propatagial (musculus propatagialis) qui se trouve dans le patagium de l’aile. Cette structure constitue le bord d’attaque de l’aile et représente une caractéristique typique du vol chez les oiseaux. Le muscle propatagial permet l’extension du poignet tout en maintenant le coude plié. Combiné au système de glissement de l’ulna et du radius qui plie le poignet, cela permet d’avoir un contrôle du battement de l’aile avec une quantité réduite de muscles. Parmi les nombreuses adaptations au vol battu des oiseaux, l’évolution du propatagium et du muscle propatagial au sein des dinosaures reste floue. Uno et Hirasawa étudient ainsi cette évolution, afin de combler cette lacune dans notre compréhension de l’évolution du vol battu.

Chez les dinosaures non-aviens, seuls deux spécimens ont été décrits avec des tissus mous de propatagium : il s’agit de l’holotype de Microraptor gui (IVPP V 13352) et un spécimen référé à Caudipteryx sp. (IVPP V 12430). Cette rareté rend l’étude du propatagium d’autant plus compliquée que le muscle propatagial est trop mince pour laisser un site d’attache musculaire visible sur les fossiles. Uno et Hirasawa notent qu’il n’est pas envisageable de déduire l’évolution du muscle propatagial en se basant uniquement sur des analyses morphologiques classiques. Pour cette raison, ils ont utilisé la relation entre l’angle formé par les articulations du membre antérieur avec la présence ou non de propatagium. Ils ont comparé les mesures pour les théropodes non-aviens avec celles prises pour les oiseaux qui possèdent un patagium et avec celles prises pour des diapsides non-dinosauriens qui n’en possèdent pas.

L’analyse statistique des mesures d’angles prises par Uno et Hirasawa révèle que l’angle formé par l’articulation du coude est plus petit chez les oiseaux que chez les diapsides non-dinosauriens. Il en est de même pour l’angle formé par l’articulation du poignet, plus petit chez les oiseaux que chez les diapsides non-dinosauriens. Uno et Hirasawa en déduisent que la présence de patagium est corrélée avec des angles faibles pour les articulations du coude et du poignet.

Uno et Hirasawa ont ensuite comparé les mesures prises pour les théropodes non-aviens avec celles prises pour les oiseaux et les diapsides non-dinosauriens. Ils ont placé leurs résultats dans un arbre phylogénétique afin de reconstruire l’évolution du patagium au sein des théropodes. Uno et Hirasawa remarquent que les angles des articulations du coude et du poignet ont commencé a avoir des mesures proches de celles des oiseaux au niveau de Maniraptora. Il en résulte que le patagium semble être apparu chez les Maniraptora, et donc que le muscle propatagial a été développé dans ce clade. Les propatagia observé sur les spécimens de Caudipteryx et Microraptor sont donc homologues avec ceux des oiseaux. Les mesures de Uno et Hirasawa soutiennent également le fait que le propatagium est devenu bien développé au sein des paraviens, avec des mesures d’angles très proches de celles prises pour les oiseaux.

Uno et Hirasawa notent que la diminution de l’angle formé par l’articulation du poignet est présente plus tardivement dans l’évolution des théropodes que celle du coude. Cette diminution est observée au sein d’Avialae, chez les oiseaux pygostyliens ainsi que chez Sapeornis. Un angle faible pour l’articulation du poignet est également un témoin de la présence du système de glissement de l’ulna et du radius. Cela suggère que les théropodes Maniraptora non-pygostyliens possédaient des membres antérieurs à la morphologie intermédiaire, avec un propatagium mais sans le système de glissement de l’ulna et du radius. Ces Maniraptora non-pygostyliens avaient donc un patagium tout en ayant l’usage de leurs membres antérieurs pour la préhension.

Référence : Uno, Y.; Hirasawa, T., 2023, Origin of the propatagium in non-avian dinosaurs. Zoological Letters. 9: 4.
Toutes les images proviennent de Uno et Hirasawa, 2023