Synonymisation de Huaxiapterus à Sinopterus

Actuellement, 15 spécimens de tapejaridés ont été décrits en provenance de l’Aptien de la formation géologique de Jiufotang. En 2003, Wang et Zhou décrivaient le premier d’entre eux, un squelette partiel, comme l’holotype du nouveau genre Sinopterus, avec S. dongi pour espèce. La même année, Li et ses collègues décrivaient la seconde espèce Sinopterus gui. En 2005, Lü et Yuan décrivaient le genre Huaxiapterus avec H. jii pour espèce. En 2006, Lü et ses collègues ont nommé la deuxième espèce Huaxiapterus corollatus. Wang et Zhou ont synonymisé H. jii à S. dongi mais Kellner et Campos (2007) ont préféré en faire une espèce de Sinopterus : S. jii, tout en synonymisant S. gui à S. dongi. Les études suivantes n’ont pas su s’accorder sur le statut taxonomique de H. jii, sa synonymie rendant le nom Huaxiapterus potentiellement invalide.

En 2007, Lü et ses collègues décrivaient la troisième espèce Huaxiapterus benxiensis puis en 2008, Wang et ses collègues créaient le troisième genre Nemicolopterus, avec N. crypticus pour espèce. En 2013, Witton proposa que tous les tapejaridés de la formation géologique de Jiufotang formaient une série ontogénique d’un unique taxon : Sinopterus dongi. En 2016, Lü et ses collègues ont rejeté toutes les synonymies précédemment proposées, et ont décrit les deux nouvelles espèces Huaxiapterus atavismus et Sinopterus lingyuanensis. En 2019, Zhang et ses collègues ont révisé la taxonomie des espèces de tapejaridés de Jiufotang, mais sans explications détaillées. Ils en ont conclu que seules cinq espèces étaient valides, appartenant toutes à Sinopterus : S. dongi, S. corollatus, S. benxiensis, S. atavismus et S. lingyuanensis.

Les dernières études sur la taxonomie des tapejaridés de la formation géologique de Jiufotang ont soutenu en grande majorité l’hypothèse de Witton (2013). En revanche, elles ont noté que même si la plupart des espèces forment une série ontogénique, Huaxiapterus corollatus peut en être exclu. En 2021, Naish et ses collègues ont ainsi déterminé que si la majorité des espèces appartenaient à Sinopterus, H. corollatus représentait probablement un deuxième taxon distinct. C’est pour résoudre la taxonomie des tapejaridés de la formation géologique de Jiufotang que Pêgas et ses collègues redécrivent ainsi l’ensemble des 15 spécimens connus et décrivent de nouveaux spécimens.

Pêgas et ses collègues ont redécrit chacun des spécimens de tapejaridé de la formation géologique de Jiufotang, en leur donnant une nouvelle interprétation taxonomique. Ils ont pris en compte le stade ontogénique des spécimens, qui influe sur plusieurs caractères et notamment la morphologie des crêtes crâniennes. En plus de ces descriptions anatomiques, ils ont également procédé à des analyses statistiques et morphométriques afin de corroborer leurs résultats. Pêgas et ses collègues décrivent six nouveaux spécimens, qu’ils ont également incorporés dans leurs analyses afin de connaître leur attribution taxonomique.

L’holotype (IVPP V 13363) de Sinopterus dongi est squelette assez complet d’un juvénile proche du stade subadulte. L’holotype (BPV-077) de Sinopterus gui est un squelette assez complet mal conservé d’un très jeune juvénile. L’holotype (GMN-03-11-001) de Huaxiapterus jii est un squelette presque complet d’un juvénile proche du stade subadulte. L’holotype (JPM-2014-005) de Sinopterus lingyuanensis est un squelette presque complet d’un juvénile. L’holotype (XHPM 1009) de Huaxiapterus atavismus est un squelette presque complet d’un juvénile. Le squelette assez complet IVPP V 23388 a été référé à Sinopterus atavismus en 2019, par Zhang et ses collègues, et représente un individu subadulte. D3072 est un squelette postcrânien partiel d’un juvénile proche du stade subadulte, référé à S. dongi par Shen et ses collègues en 2021. SDUST-V1014 est un membre antérieur gauche référé à Sinopterus sp. par Zhou et ses collègues en 2022. Pêgas et ses collègues ont considéré que les spécimens BPV-077, GMN-03-11-001, JPM-2014-005, XHPM 1009, IVPP V 23388, D3072 et SDUST-V1014 sont indiscernables de S. dongi.

L’holotype (ZMNH M813) de Huaxiapterus corollatus est un squelette presque complet d’un subadulte, avec une envergure de 1,6 mètre. Le squelette postcrânien presque complet D2525 a été référé à S. dongi par Lü et ses collègues en 2006, et représente un individu subadulte d’une envergure de 2 mètres. L’holotype (BXGM V0011) de Huaxiapterus benxiensis est un squelette quasi-complet d’un subadulte, d’une envergure estimée à 1,6 mètre. Pêgas et ses collègues ont considéré que les spécimens D2525 et BXGM V0011 sont indiscernables de H. corollatus.

En plus de ces spécimens déjà décrits auparavant, Pêgas et ses collègues ont décrit six nouveaux spécimens provenant également de la formation géologique de Jiufotang. Trois d’entre eux sont similaires à Sinopterus dongi : le squelette presque complet d’un juvénile D4019, le squelette partiel d’un juvénile BPMC 106 et le squelette presque complet d’un subadulte BPMC 107. Les trois autres spécimens sont plus proches de Huaxiapterus corollatus. Il s’agit du squelette partiel d’un jeune subadulte BPMC 103, du squelette assez complet d’un subadulte BPMC 104 et du squelette assez complet d’un juvénile BPMC 105.

Sur la base de leurs interprétations anatomiques, Pêgas et ses collègues ont identifié deux espèces valides : Sinopterus dongi et Huaxiapterus corollatus. Ils ont cherché à valider cette interprétation avec des analyses morphométriques. Ces analyses ont identifié deux morphotypes principaux parmi les spécimens de tapejaridés de la formation géologique de Jiufotang. Pêgas et ses collègues ont baptisé ces deux morphotypes Morphotype I et Morphotype II. Le Morphotype I comprend huit spécimens : les holotypes de Sinopterus dongi, Huaxiapterus jii, Sinopterus lingyuanensis et Huaxiapterus atavismus et les spécimens IVPP V 23388, D4019, D7302 et BPMC 107. Le Morphotype II comprend six spécimens : les holotypes de Huaxiapterus corollatus et Huaxiapterus benxiensis et les spécimens D2525, BPMC 103, BPMC 104 et BPMC 105.

Pêgas et ses collègues ont interprété leur analyse morphométrique comme la preuve de la présence d’une seule espèce par morphotype, et donc de deux espèces. Selon eux, le Morphotype I représente Sinopterus dongi et le Morphotype II représente Huaxiapterus corollatus. Sinopterus gui, Sinopterus dongi, Huaxiapterus jii, Sinopterus lingyuanensis et Huaxiapterus atavismus sont donc synonymes juniors de Sinopterus dongi. De même, Huaxiapterus benxiensis est synonyme junior de Huaxiapterus corollatus. L’espèce type de Huaxiapterus, H. jii, étant synonymisée à Sinopterus dongi, le nom de Huaxiapterus n’est ainsi plus valide. Pour cette raison, Pêgas et ses collègues ont proposé le nom de remplacement Huaxiadraco, afin que l’espèce valide « Huaxiapterus » corollatus reçoive un nouveau nom de genre. La nouvelle combinaison est ainsi Huaxiadraco corollatus, et est traitée en détail dans cet article.

Pour tester la position phylogénétique de Sinopterus et Huaxiadraco après ce grand remaniement taxonomique, Pêgas et ses collègues ont réalisé une analyse phylogénétique. Dans cette analyse, Pêgas et ses collègues divisent Tapejaromorpha en deux familles : Tapejaridae et Thalassodromidae. Au sein de Tapejaridae, ils érigent deux nouveaux noms de clade : Caupedactylia pour Caupedactylus et Aymberedactylus ainsi que Eutapejaria pour Tapejarinae + Sinopterinae. Ils classent Sinopterus et Huaxiadraco au sein de Sinopterinae, avec Sinopterus en taxon-sœur d’Eopteranodon et Huaxiadraco en taxon-sœur de Sinopterus + Eopteranodon. Ce classement ne diverge pas beaucoup des autres phylogénies les plus récentes. Le fait important et notable est que Pêgas et ses collègues retrouvent également Afrotapejara et Bakonydraco au sein de Sinopterinae.

Pêgas et ses collègues ont analysé des spécimens moins complets, qui n’ont pas pu être inclus dans leurs analyses morphométriques et phylogénétiques. L’holotype (IVPP V 14377) de Nemicolopterus crypticus est un squelette partiel d’un nouveau-né. Au vu de son stade ontogénique, IVPP V 14377 n’a pu être comparé à Sinopterus ou à Huaxiadraco, et a été référé à Sinopterinae indet. par Pêgas et ses collègues. Il reste toutefois fort probable que Nemicolopterus représente un nouveau-né de l’un de ces deux genres. Le squelette fragmentaire PMOL-AP00030, référé à Tapejaridae indet. par Liu et ses collègues en 2014. Trop fragmentaire, il a été référé à Sinopterinae indet. par Pêgas et ses collègues. SDUST-V1012 est un squelette postcrânien partiel, référé à Sinopterus sp. par Zhou et ses collègues en 2022, mais qui ne présente aucun caractère pour le référer à Sinopterus ou à Huaxiadraco. Pour cette raison, il a été référé à Sinopterinae indet. par Pêgas et ses collègues.

Pêgas et ses collègues ont également analysé les variations anatomiques au niveau des proportions du crâne et des membres chez Huaxiadraco et Sinopterus. Ils remarquent que chez les deux genres, seuls les très jeunes individus n’ont pas de crête prémaxillaire. Cette crête présente des variations de taille et de forme importante entre les individus, ce qui suggère que sa morphologie est sujette à des variations individuelles et/ou sexuelles. Ils en concluent que la crête chez Huaxiadraco comme chez Sinopterus se développe au cours de l’ontogénie, et est sujette à une variation morphologique individuelle et/ou sexuelle. Comme c’est souvent proposé pour les crêtes crâniennes des ptérosaures, il apparaît que ls crêtes prémaxillaires de Huaxiadraco et Sinopterus ont pu être un critère de dimorphisme sexuel.

En raison de la proximité phylogénétique, spatiale et temporelle, Pêgas et ses collègues suggèrent que Eopteranodon et Sinopterus soient une chronoespèce. Il ne s’agit que d’une hypothèse, qui propose qu’Eopteranodon ait évolué vers Sinopterus dans un processus d’anagenèse. L’anagenèse est un processus d’évolution lente, de transformation morphologique sur une longue durée, ici de quelques millions d’années. Malgré leur présence dans la même formation géologique, Sinopterus et Huaxiadraco n’ont pas encore été découvert ensemble dans une même localité. Pêgas et ses collègues pensent qu’une partition de niche est possible entre ces deux genres, mais reste hautement spéculative.

Ils ont estimé l’envergure de la majorité des spécimens étudiés, et ont trouvé une envergure maximale de 2,2 mètres pour Sinopterus et de 2,1 mètres pour Huaxiadraco. Toutefois, ces envergures correspondent à des individus subadultes, dont la croissance n’était pas achevée, et il est possible que l’envergure de ces ptérosaures ait pu atteindre 2,3 à 2,4 mètres. Sinopterus et Huaxiadraco vivaient dans un environnement forestier, avec de nombreux lacs et cours d’eau, où vivaient également une multitude d’oiseaux et d’autres ptérosaures, des choristodères, le tyrannosauroidé Sinotyrannus, le dromaeosauridé Microraptor, l’oviraptorosaure Similicaudipteryx, des sauropodes, l’ankylosaure Chuanqilong et le cératopsien Psittacosaurus.

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Toutes les images proviennent de Pêgas et al., 2023 à l’exception de la seconde qui est une œuvre de Mark Witton