Evolution de la quadrupédie chez les ornithischiens

Chez les dinosaures, la posture bipède est la posture ancestrale et la posture quadrupède n’est apparue que secondairement, chez les sauropodes et plusieurs clades d’ornithischiens. Cette posture quadrupède ne s’est pas développée qu’une seule fois et cela s’est produit de manière indépendante chez les sauropodes, les thyreophores, les ornithopodes et les cératopsiens. Au sein de ces clades, la posture quadrupède est très similaire, avec un fort degré de convergence, mais la morphologie et les proportions des membres sont très disparates à la fois au sein et entre les principaux clades ornithischiens. Ces différences indiquent des postures quadrupèdes légèrement différentes, liées à l’écologie et à la position phylogénétique. Dempsey et ses collègues étudient ainsi le degré de convergence de ces postures quadrupèdes afin de comprendre l’influence de ces deux paramètres sur celles-ci.

Représentation des différents clades d’ornithischiens quadrupèdes (a et b) ainsi que des différents mouvements musculaires étudiés par Dempsey et ses collègues (c et d)

Pour ce faire, Dempsey et ses collègues ont analysé la morphologie et les caractéristiques biomécaniques des membres antérieurs de ces clades d’ornithischiens. Ils ont réalisé des reconstructions musculosquelettiques de leurs membres antérieurs, afin de visualiser en détail les différences ostéologiques mais aussi musculaires entre les différents genres. Ils ont analysé 17 genres d’ornithischiens, comprenant les thyreophores Lesothosaurus, Scelidosaurus, Kentrosaurus, Stegosaurus, Peloroplites et Animantarx, les ornithopodes Hypsilophodon, Tenontosaurus, Dysalotosaurus, Mantellisaurus, Brachylophosaurus et Iguanodon, et les cératopsiens Psittacosaurus, Protoceratops, Avaceratops, Chasmosaurus et Triceratops.

Arbre phylogénétique présentant les relations de parenté entre les différents genres étudiés par Dempsey et ses collègues

Dempsey et ses collègues ont étudié les mouvements effectués par les membres antérieurs de ces différents genres d’ornithischiens. Ils ont également réalisé des analyses morphométriques analysant l’amplitude des membres antérieurs, la musculature gléno-humérale (au niveau de l’articulation scapula-humérus) et la musculature du coude. Cette analyse morphométrique permet de constater que les membres bipèdes basaux de chaque clade d’ornithischiens sont assez éloignés les uns des autres. La fonction de leurs membres antérieurs était donc différente en fonction du clade, en étant utilisés pour creuser, se nourrir…

Résultats des analyses morphométriques réalisées par Dempsey et ses collègues selon plusieurs paramètres de l’amplitude des membres antérieurs et la musculature gléno-humérale (a) et la musculature du coude (b) ; on note le fait que le morphospace de chacun des clades est assez regroupé, avec seulement les taxons bipèdes qui élargissent celui-ci

Les membres postérieurs ainsi que le bassin des ornithischiens présentent des fonctions similaires chez tous les clades. Dempsey et ses collègues remarquent que les membres antérieurs des ornithischiens quadrupèdes présentent une grande diversité de capacités fonctionnelles. Cette diversité serait le résultat de fonctions différentes des membres antérieurs des membres bipèdes basaux de chaque clade. La musculature différente pour chaque clade d’ornithischiens, en raison de fonctions écologiques différentes, suggère que l’évolution vers une posture quadrupède s’est faite de manière différente pour chaque clade. Le passage d’une posture bipède à une posture quadrupède s’est fait avec les contraintes musculaires imposées par ces fonctions différentes, ce qui se traduit encore dans la musculature des genres plus dérivés.

Exemple d’une des reconstitutions musculosquelettique réalisée par Dempsey et ses collègues, avec ici celle de l’ornithopode quadrupède Tenontosaurus

Malgré des différences ostéologiques, les mouvements des muscles pectoraux chez les hadrosaures sont similaires à ceux des neornithischiens et ornithopodes basaux. Dans plusieurs des analyses morphométriques effectuées par Dempsey et ses collègues, Brachylophosaurus et plusieurs autres ornithopodes se regroupent assez étroitement autour de Lesothosaurus. En guise d’exception, Iguanodon a été séparé des autres ornithopodes quadrupèdes alors qu’il présente des similitudes anatomiques avec ces taxons. Ses membres antérieurs sont proportionnellement distincts et plus massivement construits que ceux des autres ornithopodes quadrupèdes, et peuvent avoir été soumis à des exigences mécaniques considérablement différentes pendant la locomotion.

Graphiques présentant les différentes mesures de proportion des membres antérieurs des ornithischiens étudiés ; on peut noter un certain regroupement des genres en fonction de leur groupe

Les différences de musculature des membres antérieurs des différents ornithischiens quadrupèdes sont multiples, et ces différences suggèrent que si les mouvements autour de leurs articulations sont similaires, leur efficacité mécanique devait varier en fonction des clades. En conclusion, Dempsey et ses collègues notent que la musculature des ornithischiens quadrupèdes varie principalement en fonction de la phylogénie, de la fonction des membres antérieurs de l’ancêtre bipède. Cela contraste avec la musculature des membres postérieurs des ornithischiens quadrupèdes, qui semble varier davantage en fonction de la fonction que des contraintes phylogénétiques.

Référence : Dempsey, M.; Maidment, S.C.R.; Hedrick, B.P.; Bates, K.T., 2023, Convergent evolution of quadrupedality in ornithischian dinosaurs was achieved through disparate forelimb muscle mechanics. Proceedings of the Royal Society B: Biological Sciences. 290(1992): 20222435.

Toutes les images proviennent de Dempsey et al., 2023

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