Pathologies chez des sauropterygiens du trias des Pays-Bas

L’étude des pathologies affectant les os fossiles permet de connaitre le mode de vie de leurs propriétaires ainsi que les maladies qui pouvaient les affecter. Malheureusement, peu d’études paléopathologiques ont été menées sur les sauropsides marins du Mésozoïque. Les sauropterygiens sont le groupe pour lequel les pathologies affectant ses membres sont les moins connues. Surmik et ses collègues entreprennent ainsi de décrire les pathologies affectant différents sauropterygiens de la formation géologique de Vossenveld (Gelderland, Pays-Bas), qui date de l’Anisien.

Reconstitution du vivant de Nothosaurus par Gabriel Ugueto

Surmik et ses collègues étudient la formation géologique de Vossenveld car son contenu fossile est riche en sauropterygiens et présente une bonne diversité de taxons. Quatre spécimens provenant de cette formation ont été étudiés : l’humérus d’un eosauropterygien indéterminé (Wijk06-63), une côte d’un eosauropterygien indéterminé (Wijk13-135), un os indéterminé (Wijk13-124) et une mâchoire inférieure du nothosaure Nothosaurus marchicus (TWE A623) déjà mentionnée dans la littérature scientifique par Oosterink et ses collègues en 2003.

Photographies et modélisations 3D de l’humérus Wijk06-63, appartenant à un eosauropterygien indéterminé juvénile atteint de rachitisme

L’humérus Wijk06-63 présente une morphologie disproportionnée avec une extrémité proximale bien plus grosse que la diaphyse. La surface de l’os présente par ailleurs plusieurs fissures, de tailles différentes, et son analyse par microtomographie a révélée la présence d’autres fissures osseuses. L’analyse ostéohistologique de l’humérus Wijk06-63 montre qu’il appartient à un individu juvénile. Surmik et ses collègues ont déterminé que les fissures de l’os sont liées à un processus taphonomique et ne sont donc pas liées à une pathologie. En revanche, la morphologie disproportionnée de Wijk06-63 combinée à son stade ontogénique juvénile suggèrent que cet individu était atteint de rachitisme. Le rachitisme est une pathologie qui se traduit par des os mous et faibles chez les individus juvéniles.

Coupes ostéohistologiques de l’humérus Wijk06-63, montrant l’absence de lignes de croissance et la forte vascularisation de l’os, ce qui est caractéristique d’un os appartenant à un individu juvénile

L’os indéterminé Wijk13-124 est un os de grande taille à la morphologie altérée, ce qui empêche son identification. Cet os est inhabituellement épais et présente une morphologie avec des courbures qui ne sont pas naturelles. Surmik et ses collègues supposent que cet épaississement est lié à une malformation ou bien au fait que cet os soit recouvert par un autre. Leur analyse microtomographique de Wijk13-124 confirme ces deux possibilités car l’os présente deux cavités médullaires bien distinctes. C’est très inhabituel car un os présente naturellement une seule cavité médullaire. Une telle anomalie est le signe d’une co-ossification de deux os. Selon Surmik et ses collègues, cet os est une co-ossification d’éléments de la mâchoire ou bien de la ceinture scapulaire d’un grand eusauropterygien.

Photographies et modélisations 3D de l’os indéterminé Wijk13-124, résultat d’une co-ossification osseuse affectant un grand eusauropterygien

La côte dorsale Wijk13-135 présente une forme bulbeuse dans sa région médiane, dont l’origine est pathologique. Surmik et ses collègues ont étudié l’ostéohistologie de ce spécimen, ce qui a révélé qu’il ne s’agit pas d’une cicatrisation osseuse d’une fracture. Ils ont comparé les caractéristiques de Wijk13-135 avec des dizaines de pathologies osseuses afin de déterminer laquelle l’affectait. Selon eux, la pathologie affectant Wijk13-135 était une dysplasie ostéofibreuse, une forme de lésion osseuse liée à la présence d’une tumeur ostéolytique, c’est à dire un cancer de l’os.

Photographies et modélisations 3D de la côte Wijk13-135, appartenant à un eosauropterygien indéterminé atteint d’un cancer de l’os

La mâchoire inférieure TWE A623 présente une forme bulbeuse au niveau du dentaire droit, d’origine pathologique. Des traces de vaisseaux sanguins sur la surface de l’os indique une réaction osseuse face à cette pathologie. La mâchoire présente également son dentaire droit séparé en deux parties distinctes. Selon Surmik et ses collègues, cette déformation osseuse est le résultat d’une cicatrisation osseuse suite à une fracture. Le déplacement du dentaire en deux parties suggère que la fracture a été causée par un traumatisme violent causé lors de la chasse ou bien lors d’un combat intraspécifique. L’absence de signes de pathologies infectieuses sur l’os est intrigante et peut s’expliquer de deux manières. La première affirme que les sauropterygiens étaient résistants à ces infections et n’étaient donc pas affectés par celles-ci. La seconde, plus plausible, suggère que les sauropterygiens n’étaient pas capables de répondre immunitairement à ces infections et n’y survivaient donc pas.

Photographies de la mâchoire inférieure TWE A623, appartenant à un Nothosaurus marchicus dont le dentaire gauche a été fracturé lors d’une collision aux causes indéterminées

Parmi la centaine de spécimens analysés par Surmik et ses collègues, seuls ces os isolés présentent des signes de pathologies. Ils remarquent notamment l’absence de marques de prédations ou de charognage sur l’ensemble de l’échantillon de spécimens analysés. Selon eux, cette absence de traces de prédation, malgré un réseau trophique plutôt bien représenté dans la formation géologique de Vossenveld, pourrait être le signe d’un comportement spécifique de prédation. D’après Surmik et ses collègues, la stratégie d’alimentation des sauropterygiens consisterait à uniquement sélectionner des proies ou des charognes pouvant être digérées en entier.

Références : Surmik, D.; Szczygielski, T.; Słowiak-Morkovina, J.; Sander, P.M.; Rothschild, B.; Duda, P.; Klein, N., 2022, Bone abnormalities in the middle Anisian marine sauropsids from Winterswijk. Journal of Morphology.

Oosterink, H.W.; Berkelder, W.; Jong, C.; de, Lankamp, J.; Winkelhorst, H., 2003, Sauriërs uit de Onder-Muschelkalk van Winterswijk. Staringia 11. Vol. 57.

Toutes les images proviennent de Surmik et al., 2022 à l’exception de la première qui est une œuvre de Gabriel Ugueto

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