Nouveau nodosauridé : Patagopelta

Au début des années 1990, Juan Sepulveda découvrit un fémur droit d’ankylosaure à Salitral Moreno, dans le Campanien-Maastrichtien de la formation géologique d’Allen (Rio Negro, Argentine). La découverte est mentionnée dans une conférence par Coria en 1994 puis en 1996, Salgado et Coria officialisent la découverte et numérotent le spécimen MPCA-SM-1 et en le référant à Nodosauridae indet. En 2001, Coria et Salgado rapportent du matériel d’ankylosaure provenant de la localité de Salitral Moreno, comprenant une dent (MPCA-SM-77), dix ostéodermes (MPCA-SM-41, MPCA-SM-42, MPCA-SM-43, MPCA-SM-74, MPCA-SM-75, MPCA-SM-76 et MPCA-SM-78), 3 vertèbres dorsales (MPCA-SM-68, MPCA-SM-69 et MPCA-SM-70) et 3 vertèbres caudales (MPCA-SM-71, MPCA-SM-72 et MPCA-SM-73).

Dessins interprétatifs du matériel rapporté par Coria et Salgado (1996), un fémur droit (A), et par Salgado et Coria (2001), une dent, trois vertèbres dorsales et trois ostéodermes (B), représentant les premières découvertes de fossiles de Patagopelta

Dans leur révision des ankylosaures de 2016, Arbour et Currie considèrent que tout ce matériel de Salitral Moreno appartient à un genre unique « Argentinian ankylosaur » qu’ils s’abstiennent de nommer. Ils analysent toutefois sa position phylogénétique et le retrouvent bien au sein des nodosauridés. En 2018, Riguetti rapporte la découverte de quatre nouveaux ostéodermes (MPCA-SM-711, MPCA-SM-712, MPCA-SM-715 et MPCA-SM-725) représentant l’Argentinian ankylosaur. En 2019, Murray et ses collègues rapportent cinq ostéodermes isolés (MACN-PV-RN 1149) découverts à Salitral Moreno comme Anlylosauria indet. La découverte de nouveaux fossiles ont permis à Riguetti et ses collègues de décrire ainsi l’ensemble de ce matériel pour ériger un nouveau genre, Patagopelta (en référence à la région de la découverte), avec P. cristata pour espèce.

Photographies des ostéodermes MACN-PV-RN 1149 référés à Ankylosauria indet. par Murray et al. (2019) et référés à Patagopelta cristata par Riguetti et ses collègues

L’holotype désigné pour Patagopelta cristata est un ostéoderme cervical (MPCA-SM-78) déjà rapporté par Coria et Salgado en 2001. La plupart des autres fossiles ont été désignés comme paratypes et comprennent les spécimens de l’Argentinian ankylosaur précédemment rapportés ainsi que le nouveau matériel découvert. Les paratypes de P. cristata sont donc une corne quadratojugale, une dent, un arc neural cervical, 5 vertèbres dorsales, deux éléments de synsacrum, 7 vertèbres caudales, un fémur gauche, un fémur droit, 5 ostéodermes cervicaux et 21 ostéodermes postcervicaux. Les cinq ostéodermes rapportés par Murray et ses collègues ont simplement été référés à P. cristata. L’association entre les différents spécimens de P. cristata est inconnue, mais Riguetti et ses collègues signalent la présence d’au moins deux individus adultes et d’un juvénile.

Photographies de plusieurs paratypes de Patagopelta cristata, incluant une dent, une corne quadratojugale, un fémur, une vertèbre cervicale, deux vertèbres dorsales, un synsacrum et deux vertèbres caudales

L’analyse phylogénétique de Riguetti et ses collègues a classé Patagopelta dans la famille des nodosauridés, comme les analyses précédentes. Son classement a toutefois pu être affiné, Patagopelta étant classé comme un nodosauriné dérivé proche de plusieurs genres nord-américains comme Texasestes, Borealopelta, Ahshislepelta ou encore Sauropelta. Les tribus Panoplosaurini et Struthiosaurini n’ont toutefois pas été retrouvées par cette analyse. La position de Patagopelta montre que tous les ankylosaures sud-américains ne sont pas tous liés au sein d’un même clade à savoir Parankylosauria. La présence de Patagopelta en tant que nodosauridé sud-américain s’explique, selon Riguetti et ses collègues, par une migration vers le sud des nodosauridés nord-américains, à la fin du crétacé inférieur.

Résultats de l’analyse phylogénétique de Riguetti et ses collègues, classant Patagopelta comme un nodosauridé nodosauriné dérivé

Patagopelta mesurait environ 2 à 2,3 mètres de longueur, ce qui est une taille relativement petite pour un nodosauridé, s’approchant de celle du nodosauridé nain Struthiosaurus. Riguetti et ses collègues expliquent cette petite taille par un nanisme insulaire et/ou par la cause d’une concurrence avec les hadrosauridés et les titanosaures. Il est donc possible que Patagopelta ait vécu sur les îles d’un archipel sud-américain, une hypothèse qui pourrait être appuyée par un nanisme déjà observé chez certains titanosaures et l’ankylosaure Stegouros.

Photographies de plusieurs ostéodermes holotype (F, G et H en haut à gauche) et paratypes (tous les autres) de Patagopelta cristata

Patagopelta était donc un petit nodosauridé au blindage classique pour son groupe, avec toutefois certaines morphologies d’ostéodermes caractéristiques. Il a vécu dans un environnement de plaines inondables à deltaïques, possiblement dans un archipel d’îles. Patagopelta vivait en compagnie de ptérosaures, de sauropodes titanosaures, de nombreux hadrosauridés, des abelisauridés Niebla et Quilmesaurus, du dromaeosauridé Austroraptor, de l’alvarezsauridé Bonapartenykus, d’oiseaux et de sphenodontiens.

Références : Riguetti, F.; Pereda-Suberbiola, X.; Ponce, D.; Salgado, L.; Apesteguía, S.; Rozadilla, S.; Arbour, V., 2022, A new small-bodied ankylosaurian dinosaur from the Upper Cretaceous of North Patagonia (Río Negro Province, Argentina), Journal of Systematic Palaeontology. 20: 1,2137441

Salgado, L.; Coria, R.A., 1996, First evidence of an ankylosaur (Dinosauria, Ornithischia) in South America. Ameghiniana. 33(4): 367–371.

Coria, R.A.; Salgado, L., 2001, South American ankylosaurs. Pp. 159–168 in: Carpenter, K. (ed.) The armored dinosaurs. Indiana University Press, Bloomington and Indianapolis.

Arbour, V.M.; Currie, P.J., 2016, Systematics, phylogeny and palaeobiogeography of the ankylosaurid dinosaurs. Journal of Systematic Palaeontology. 14(5): 385–444.

Riguetti, F.J., 2018, Nuevos restos de Ankylosauria del Salitral Moreno y consideraciones sistematicas sobre su armadura. Pp. 44 in: Libro de Resumenes, Publicacion Electronica de la Asociacion Paleontologica Argentina, Buenos Aires. Volume 19, 1(R).

Murray, A.; Riguetti, F.; Rozadilla, S., 2019, New ankylosaur (Thyreophora, Ornithischia) remains from the Upper Cretaceous of Patagonia. Journal of South American Earth Sciences. 96: 102320.

Toutes les images proviennent de Riguetti et al., 2022 à l’exception de la première qui se compose d’un dessin interprétatif de Salgado et Coria, 1996 et de plusieurs dessins interprétatifs de Coria et Salgado, 2001, ainsi que de la seconde qui provient de Murray et al., 2019

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