Diopecephalus est un genre de ptérosaure pterodactyloidé décrit à l’origine sous le nom d’Ornithocephalus kochi par Wagner, en 1837. En 1860, von Meyer transféra cette espèce au genre Pterodactylus (Ornithocephalus est un synonyme junior de ce dernier). En 1871, Seeley créa le genre Diopecephalus pour accueillir l’espèce Pterodactylus kochi. La décision de créer un genre distinct pour P. kochi fut longtemps mise en doute, et en 1970, Wellnhofer déclara que Diopecephalus était un synonyme de Pterodactylus, gardant P. kochi comme une espèce valide.
Par la suite, Pterodactylus kochi fut largement considéré comme une espèce valide, mais certaines études comme Bennett (1996) synonymisèrent P. kochi à P. antiquus (l’espèce-type de Pterodactylus). En 2014, Vidovic et Martill identifièrent deux morphotypes au sein même de l’espèce P. kochi : un correspondant à P. kochi au sens strict, et un autre appartenant au nouveau genre Aerodactylus. En 2018, Vidovic et Martill allèrent plus loin et ressuscitèrent le nom Diopecephalus, considérant que P. kochi était bien distinct de Pterodactylus.
Depuis cette décision, la communauté paléontologique est divisée quant au statut taxonomique de Diopecephalus. La taxonomie complexe de P. kochi a également eu un rôle sur les spécimens qui lui ont été référencés, et il est nécessaire de bien définir les spécimens qui appartiennent bien à cette espèce. Smyth et Unwin redécrivent ainsi en détail Diopecephalus et établissent qu’il s’agit bien d’un genre distinct de Pterodactylus. Ce faisant, ils constatent que le genre Aerodactylus est en réalité un synonyme de Pterodactylus antiquus.
L’holotype (SNSB-BSPG AS XIX 3/SMF R 404) de Diopecephalus kochi est un squelette presque complet conservé sous forme d’empreinte et contrempreinte. Smyth et Unwin identifient 8 autres spécimens appartenant sans aucun doute à D. kochi. Il s’agit des squelettes presque complets de juvéniles SNSB-BSPG 1967 I 276 et WDC-CSG non cat., des squelettes plus ou moins complets d’individus juvéniles à subadultes DMA-JP-2014/004, SMF R 4072, NHMUK PV R 3949/OUMNH JZ 1609 et SNSB-BSPG 1878 VI 1, ainsi que des squelettes de subadultes/adultes MHNLR 2011.0.1 et BMMS non cat. Tous ces spécimens sont connus du Kimméridgien-Tithonien des formations géologiques de Painten et Altmühltal (Bayern, Allemagne).
L’analyse phylogénétique de Smyth et Unwin classe Diopecephalus comme un membre basal de Pterodactyloidea, plus dérivé que Douzhanopterus et Propterodactylus. En ce qui concerne Pterodactylus, ce dernier est positionné en taxon-soeur de Ctenochasmatidae, au sein du clade Euctenochasmatia. A noter que les germanodactylidés (Altmuehlopterus et Germanodactylus) sont classés comme un grade paraphylétique de ptérosaures proches de Dsungaripteridae + Azhdarchoidea, c’est-à-dire du clade Tapejaroidea.
Smyth et Unwin identifient des différences clés entre Diopecephalus et Pterodactylus, au niveau du crâne, des vertèbres cervicales, du bassin et des membres. Les dents de Diopecephalus sont ainsi plus robustes, plus espacées et plus hétérodontes que celles de Pterodactylus. Son crâne est aussi plus court, plus robuste que celui de Pterodactylus, et son cou est plus court que chez ce dernier. Ces différences traduisent des écologies alimentaires différentes, Diopecephalus chassant des proies plus robustes et plus rapides.
Les griffes de Diopecephalus sont plus grandes et plus recourbées que celles de Pterodactylus. Alors que les phalanges distales de Diopecephalus sont très allongées par rapport aux phalanges proximales et aux métapodes, la condition inverse s’observe chez Pterodactylus. Ces différences sont notables car elles impliquent que Diopecephalus aurait été un taxon arboricole alors que Pterodactylus aurait été un taxon beaucoup plus terrestre (voir cet article). Les griffes et les phalanges de Diopecephalus auraient été spécialisées pour s’agripper dans les arbres, alors que celles de Pterodactylus auraient été adaptées à la marche.
Un autre argument qui soutient l’hypothèse de Smyth et Unwin est la disposition des métatarsiens et des tissus mous. En effet, les métatarsiens de Diopecephalus sont resserrés, sans trace de préservation de tissus mous particuliers. En revanche, les métatarsiens de Pterodactylus sont écartés entre eux, et de la peau est préservée entre chaque doigt, ce qui représente probablement une palmure. Il est donc probable que Diopecephalus ait chassé des invertébrés et de petits vertébrés dans les arbres, alors que Pterodactylus se serait nourri de proies plus molles au bord de mer, à la manière d’un échassier.
Bien qu’aucune suggestion de synonymie entre Altmuehlopterus et Diopecephalus n’ait jamais été suggérée, ces deux genres sont très similaires. Smyth et Unwin identifient plusieurs caractères crâniens pour les distinguer. Il s’agit de différences au niveau de l’orbite, de la taille du museau et de la dentition. La niche écologique de Diopecephalus était donc plus proche de celle d’Altmuehlopterus que de celle de Pterodactylus. Smyth et Unwin notent en revanche qu’Aerodactylus (anciennement inclus dans « P.« kochi) est un en réalité connu uniquement par des individus juvéniles de P. antiquus, et synonymisent donc Aerodactylus scolopaciceps à Pterodactylus antiquus.
Références : Smyth, R.S.H.; Unwin, D.M., 2024, Re-evaluation of Pterodactylus antiquus and Diopecephalus kochi: two troublesome taxonomic concepts. Journal of Systematic Palaeontology. 22(1): 2421845.
Wagner, A., 1837, Beschreibung eines neuentdeckten Ornithocephalus, nebst allgemeinen Bemerkungen über die Organisation dieser Gattung. Abhandlungen der koniglichen bayerischen Akademie der Wissenschaften. 2: 163-198.
von Meyer, H., 1860, Zur Fauna der Vorwelt: Reptilien aus dem lithographischen Schiefer des Jura in Deutschland und Frankreich. In: Bronn, H.G., (Ed.), Briefwechsel Mittheilungen an Professor Bronn. Neues Jahrburch für Mineralogie, Geognosie, Geologie und Petrefakten Kunde. 1-84.
Seeley, H.G., 1871, III. Additional evidence of the structure of the head in Ornithosaurs from the Cambridge Upper Greensand; being a supplement to ‘The Ornithosauria’. Journal of Natural History. 7: 20-36.
Wellnhofer, P., 1970, Die Pterodactyloidea (Pterosauria) der Oberjura-Plattenkalke Süddeutschlands. Bayerische Akademie der Wissenschaften, Mathematisch-Naturwissenschaftliche Klasse, Abhandlungen. 141: 133 pp.
Bennett, S.C., 1996, Year-classes of pterosaurs from the Solnhofen Limestone of Germany: Taxonomic and systematic implications. Journal of Vertebrate Paleontology. 16(3): 432-444.
Vidovic, S.U.; Martill, D.M., 2014, Pterodactylus scolopaciceps Meyer, 1860 (Pterosauria, Pterodactyloidea) from the Upper Jurassic of Bavaria, Germany: The problem of cryptic pterosaur taxa in early ontogeny. PloS ONE. 9(10): e110646.
Vidovic, S.U.; Martill, D.M., 2018, The taxonomy and phylogeny of Diopecephalus kochi (Wagner, 1837) and ‘Germanodactylus rhamphastinus’ (Wagner, 1851). Geological Society, London, Special Publications. 455(1): 125-147.
Toutes les images proviennent de Smyth et Unwin, 2024
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