En 2004, William Nava découvrit un site fossile riche en restes d’oiseaux énantiornithes à Presidente Prudente, dans le Campanien-Maastrichtien de la formation géologique d’Adamantina (Sao Paulo, Brésil). En 2016, Nava découvrit le squelette partiel d’un nouveau taxon d’énantiornithe, dont le crâne est parfaitement préservé. Chiappe et ses collègues décrivent ainsi ce taxon sous le nom de Navaornis (en hommage à William Nava), avec N. hestiae pour espèce.

L’holotype (MPM-200-1) de Navaornis hestiae est un crâne complet articulé avec les vertèbres cervicales les plus antérieures. Un squelette postcrânien est associé à MPM-200-1 et est supposé appartenir au même individu, mais celui-ci n’a pas été décrit par Chiappe et ses collègues. Une boîte crânienne (MPM-334-1) découverte dans la même localité que l’holotype a été référée à N. hestiae. Celle-ci avait été décrite en 2022 par Chiappe et ses collègues et attribuée alors à Enantiornithes indet. (voir cet article). Il est possible que de nombreux éléments postcrâniens découverts à Presidente Prudente appartiennent aussi à N. hestiae, mais Chiappe et ses collègues n’ont mentionné aucun de ces spécimens.

L’analyse phylogénétique de Chiappe et ses collègues classe Navaornis dans un clade avec Gobipteryx et Yuornis, en taxon-soeur de ce dernier. Bien que Chiappe et ses collègues ne le mentionnent pas, ce clade correspond à Gobipterygidae. Leurs résultats placent les gobipterygidés comme le clade-soeur des cathayornithidés. Navaornis représente donc le premier gobipterygidé découvert en Amérique du Sud.

Le crâne MPM-200-1 de l’holotype de Navaornis hestiae ainsi que son spécimen référé MPM-334-1 présentent une boîte crânienne presque intacte, préservée en 3D. Cela a permis à Chiappe et ses collègues de les scanner pour obtenir un modèle digital de leur cerveau. Il se trouve que la morphologie cérébrale de Navaornis est un intermédiaire entre la morphologie des cerveaux des oiseaux basaux comme Archaeopteryx, et celle des oiseaux plus dérivés comme les Neornithes. Ce résultat était attendu étant donné la position intermédiaire des énantiornithes dans la classification des oiseaux.

Bien que Navaornis soit un énantiornithe, son cerveau présente des similitudes troublantes avec celui des oiseaux actuels. En effet, son cerveau est fléchi ventralement (ce qui lui donne un aspect en « boule »), ses lobes optiques sont situés plus en arrière du cerveau et son oreille interne est sinusoïdale et élargie. Ces caractéristiques sont typiques des oiseaux actuels et sont des adaptations liées à l’optimisation des performances en vol. Chiappe et ses collègues démontrent que les énantiornithes ont développé une configuration cérébrale identique à celle des oiseaux actuels par convergence évolutive. Cela s’explique par une pression évolutive liée à l’optimisation des performances en vol identique et complexe, ne permettant pas le développement d’une autre morphologie.

Comme les autres membres de Gobipterygidae, Navaornis se caractérise par son bec édenté, alors que la plupart des autres énantiornithes ont des dents. Chiappe et ses collègues n’ont pas proposé d’interprétation pour son écologie alimentaire, mais sur la base de ses proches parents, il est probable qu’il se nourrissait fruits, de graines et d’invertébrés. Navaornis vivait dans une région semi-aride, en compagnie de nombreux crocodylomorphes, de tortues, de squamates, d’abelisauridés, de dromaeosauridés et des sauropodes titanosaures Arrudatitan, Gondwanatitan, Maxakalisaurus et Adamantisaurus.


Références : Chiappe, L.M.; Navalón, G.; Martinelli, A.G.; Carvalho, I.S.; Santucci, R.M.; Wu, Y.-H.; Field, D.J., 2024, Cretaceous bird from Brazil informs the evolution of the avian skull and brain. Nature. 635: 376-381.
Chiappe, L.M.; Navalón, G.; Martinelli, A.G.; Nava, W.; Field, D.J., 2022, Fossil basicranium clarifies the origin of the avian central nervous system and inner ear. Proceedings of the Royal Society B: Biological Sciences. 289: 20221398.
Toutes les images proviennent de Chiappe et al., 2024, à l’exception de la deuxième qui provient de Chiappe et al., 2022 et de la dernière qui est une oeuvre de Júlia D’Oliveira