Evolution des mains et des pieds des ptérosaures

Les ptérosaures sont un groupe d’archosauromorphes connus du trias supérieur au crétacé supérieur sur l’ensemble des continents. Il s’agit de l’un des rares groupes de vertébrés ayant développé le vol battu et pour cette raison, la locomotion au sol des ptérosaures a été peu étudiée. Lorsqu’ils se déplacent au sol, les ptérosaures sont des quadrupèdes avec des mains digitigrades et des pieds plantigrades. L’étude de la morphologie des mains et des pieds permet de comprendre la locomotion et le milieu de vie. Pour cette raison, Smyth et ses collègues étudient l’évolution des mains et des pieds des ptérosaures.

Arbre phylogénétique des ptérosaures montrant les relations entre les différents groupes selon Smyth et ses collègues ; A noter que Douzhanopterus est considéré ici comme un Monofenestrata plus basal que Propterodactylus, et que Propterodactylus est considéré comme un pterodactyloidé

Smyth et ses collègues ont étudié la morphologie des mains et des pieds d’un peu plus de 60 taxons de ptérosaures, au travers d’une analyse morphométrique. Cette analyse révèle que les mains des ptérosaures non-pterodactyloidés et les mains des ptérosaures pterodactyloidés occupent chacun un morphospace différent. Au contraire, les pieds des ptérosaures semblent tous occuper le même morphospace, mais cela est biaisé par des groupes particuliers. Sans ces groupes, les pieds des ptérosaures non-pterodactyloidés et les pieds des ptérosaures pterodactyloidés occupent chacun un morphospace différent.

Résultats des analyses morphométriques de Smyth et ses collègues, plaçant les mains des ptérosaures non-pterodactyloidés (en vert) et les mains des ptérosaures pterodactyloidés (en orange) dans un morphospace différent, alors que les pieds des ptérosaures semblent tous occuper le même morphospace

Les mains et les pieds des ptérosaures non-pterodactyloidés ont des phalanges distales plus allongées que les phalanges proximales ainsi que de grandes griffes recourbées. Au contraire, les ptérosaures pterodactyloidés ont des phalanges distales plus courtes que les phalanges proximales, des métatarsiens très allongés et des griffes de petite taille moins courbées. Les tapejaridés, l’euctenochasmatien Diopecephalus et les boreopteridés sont des exceptions qui présentent la même morphologie que les ptérosaures non-pterodactyloidés. De même, les anurognathidés et les rhamphorhynchinés ont des métatarsiens allongés comme les pterodactyloidés.

Comparaison entre un ptérosaure arboricole grimpeur spécialise (le scaphognathiné Scaphognathus) et un ptérosaure spécialisé pour se déplacer au sol (le ctenochasmatidé Balaenognathus) ; On remarque que les phalanges distales de Scaphognathus sont très allongées, alors qu’elles sont courtes chez Balaenognathus. Par ailleurs, le doigt V du pied de Balaenognathus est très court, ce qui permet à son cruropatagium de libérer les mouvements de ses membres postérieurs (C)

En se basant sur la morphologie des oiseaux actuels, le rapport entre la longueur des phalanges distales et la longueur des phalanges proximales permet d’estimer l’écologie. En effet, des phalanges distales très allongées par rapport aux phalanges proximales sont typiques des taxons arboricoles grimpeurs. L’inverse est au contraire typique des taxons terrestres et la condition intermédiaire se retrouve chez des taxons pouvant se déplacer sur terre comme dans les arbres. Smyth et ses collègues considèrent que ce rapport est applicable à la fois pour les mains et les pieds des ptérosaures.

Graphique montrant le rapport entre la longueur des phalanges distales et la longueur des phalanges proximales chez les pieds des oiseaux actuels, qui permet de prédire leur écologie de locomotion

En utilisant ce rapport, Smyth et ses collègues constatent que les ptérosaures non-pterodactyloidés étaient spécialisés pour se percher dans les arbres. Les formes basales comme les dimorphodontidés, Campylognathoides ou Dorygnathus avaient un pied très proche de celui des archosaures basaux et devaient être moins adaptés pour se percher. Les anurognathidés et les scaphognathinés étaient quant à eux spécialisés pour grimper aux arbres et se déplacer sur des surfaces verticales. Ce mode de vie arboricole des ptérosaures non-pterodactyloidés peut expliquer leur petite taille corporelle, de par la nécessite de garder des dimensions adaptées à ce mode de vie.

Graphique montrant rapport entre la longueur des phalanges distales et la longueur des phalanges proximales des mains et des pieds des ptérosaures, permettant de déduire leur écologie de locomotion (arboricole, intermédiaire ou terrestre) ; on remarque le statut de taxons de transition de Douzhanopterus et Propterodactylus, entre les ptérosaures non-pterodactyloidés et les ptérosaures plus dérivés

Le pterodactyloidé basal Propterodactylus et le Monofenestrata basal Douzhanopterus sont des formes de transition entre les ptérosaures non-pterodactyloidés et les ptérosaures plus dérivés. Smyth et ses collègues notent que les proportions de leurs mains et de leurs pieds sont typiques d’une écologie plus intermédiaire. De plus, l’atrophie du doigt V du pied apparaît chez les premiers pterodactyloidés. Cette atrophie aurait fait bifurquer la forme du cruropatagium, ce qui aurait permis le mouvement indépendant des deux membres postérieurs. Douzhanopterus et Propterodactylus étaient donc bien plus agiles en marchant au sol par rapport aux ptérosaures non-pterodactyloidés.

Arbre phylogénétique des ptérosaures, montrant leur écologie de locomotion supposée en se basant sur le rapport entre la longueur des phalanges distales et la longueur des phalanges proximales des mains

Les pterodactyloidés montrent une augmentation de leurs adaptations pour une locomotion terrestre, notamment chez les ctenochasmatidés, les azhdarchidés, les chaoyangoptéridés et les dsungaripteridés qui étaient avaient des écologies alimentaires spécialisées avec des ressources disponibles au sol (zooplancton, vertébrés terrestres, coquillages…). Les pteranodontidés ont également des mains et des pieds adaptés pour la locomotion terrestre, malgré leur écologie piscivore supposée. Au contraire, les tapejaridés et les ornithocheiromorphes ont développé un retour à la locomotion intermédiaire, ce qui leur aurait permis de se percher dans les arbres.

Arbre phylogénétique des ptérosaures, montrant leur écologie de locomotion supposée en se basant sur le rapport entre la longueur des phalanges distales et la longueur des phalanges proximales des pieds

Référence : Smyth, R.S.H.; Breithaupt, B.H.; Butler, R.J.; Falkingham, P.L.; Unwin, D.M., 2024, Hand and foot morphology maps invasion of terrestrial environments by pterosaurs in the mid-Mesozoic. Current Biology.

Toutes les images proviennent de Smyth et al., 2024

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