Les ichthyosauromorphes et des sauropterygiens sont deux groupes de sauropsides secondairement adaptés à la vie marine qui ont vécu tout le long du Mésozoïque. Ces deux grands groupes ont occupé une grande diversité de niches écologiques avec des milieux de vie (eau douce, côtes, pleine mer…) et des régimes alimentaires (carnivores, piscivores, filtreurs, durophages…) variés. A la limite trias-jurassique, une extinction de masse touche la biodiversité et affecte notamment les ichthyosauromorphes et les sauropterygiens. Laboury et ses collègues analysent ainsi la variation de diversité morphologique et écologique de ces deux groupes au cours de cette crise.

Laboury et ses collègues ont étudié un ensemble de données comprenant plusieurs centaines de spécimens du trias moyen-supérieur et du jurassique inférieur. A noter qu’ils n’ont étudié que les sauropterygiens dérivés (les eosauropterygiens), excluant ainsi les saurosphargiformes et les placodontes de leur étude. Laboury et ses collègues ont réalisé des analyses morphospatiales en fonction de la phylogénie mais aussi en fonction de l’âge des spécimens.

Les résultats de ces analyses montrent que les eosauropterygiens occupent trois morphospaces distincts liés aux affinités phylogénétiques, mais également aux âges des taxons. Le premier est occupé par les pachypleurosaures, le second par les nothosauroidés et Wangosaurus (un pistosauroidé à la morphologie convergente avec les nothosauroidés) et le dernier par les pistosauroidés. Les deux premiers morphospaces forment un ensemble distinct du dernier, marquant une séparation entre morphospace du trias et morphospace du jurassique. Ces morphospaces en fonction de l’âge ne se chevauchent que légèrement.

Les résultats des analyses de Laboury et ses collègues sont très différents pour les ichthyosauromorphes. Pour ce groupe, les morphospaces se chevauchent que ce soit en fonction de la phylogénie ou en fonction de l’âge. Des convergences évolutives sont présentes entre plusieurs taxons, par exemple entre le toretocnemidé Qianichthyosaurus et le leptonectidé Leptonectes, ou encore entre Cymbospondylus et Temnodontosaurus.

Laboury et ses collègues notent que le pic de disparité des eosauropterygiens et des ichthyosauromorphes se trouve au trias moyen. A la fin du trias moyen, plusieurs familles de ces groupes disparaissent, ne laissant place qu’aux ichthyosaures merriamosauriens et diminuant drastiquement le nombre de pachypleurosaures et de nothosauroïdés. Suite à cette disparition, les eosauropterygiens et les ichthyosauromorphes se diversifient à nouveau, ce qui entraîne l’avènement des simosauridés ou des shastasauridés. A la limite trias-jurassique, plusieurs familles disparaissent et ne persistent que les pistosauroidés et les ichthyosaures parvipelviens.

Pour Laboury et ses collègues, la crise trias-jurassique n’a pas entraîné une diminution drastique de la diversité morphologique et écologique des eosauropterygiens et des ichthyosauromorphes. Les ichthyosauromorphes du jurassique vont à nouveau occuper les niches écologiques des taxons du trias, à l’exception de celle des shastasauridés. En effet, après cette extinction, les ichthyosaures n’atteindront plus les tailles gigantesques de cette famille. En ce qui concerne les eosauropterygiens, les taxons du jurassique ne vont pas occuper toutes les niches des taxons du trias, mais se diversifieront pour en occuper d’autres alors inexplorées.
Référence : Laboury, A.; Stubbs, T.L.; Wolniewicz, A.S.; Liu, J.; Scheyer, T.M.; Jones, M.E.H.; Fischer, V., 2024, Contrasting macroevolutionary patterns in pelagic tetrapods across the Triassic–Jurassic transition. Evolution.
Toutes les images proviennent de Laboury et al., 2024, à l’exception de la première qui est une œuvre de Scott Hartman et de la deuxième qui est une oeuvre de Nix