Analyse du crâne d’Acynodon adriaticus

Acynodon est un genre de crocodylomorphe hylaeochampsidé connu du crétacé supérieur d’Europe. Trois espèces sont actuellement connues : A. iberoccitanus (l’espèce-type trouvée en France et en Espagne), A. lopezi (Espagne) et A. adriaticus (Italie). Acynodon adriaticus a été décrit en 2008 par Delfino et ses collègues, sur la base de deux squelettes partiels (MCNST 57248 et MCNST 57032) découverts dans le Campanien de la formation géologique de Liburnia (Friuli Venezia Giulia, Italie). Muscioni et ses collègues décrivent ainsi en détail l’anatomie crânienne d’A. adriaticus.

Photographies du crâne de l’holotype (MCNST 57248) d’Acynodon adriaticus

Muscioni et ses collègues ont analysé le crâne de l’holotype (MCNST 57248) d’Acynodon adriaticus. Afin de visualiser les régions du crâne dissimulées par le chevauchement entre les os et le sédiment, ils ont effectué un scan CT du spécimen. Ce scan permet à Muscioni et ses collègues d’effectuer une description complète du crâne d’A. adriaticus, de reconstituer les muscles de ses mâchoires, d’étudier les pathologies affectant le spécimen MCNST 57248, mais aussi d’analyser la dentition et le mode de remplacement dentaire d’A. adriaticus.

Scans CT du crâne de l’holotype (MCNST 57248) d’Acynodon adriaticus

L’holotype (MCNST 57248) d’Acynodon adriaticus est un individu adulte âgé pour lequel une pathologie a déjà été décrite. Lors de sa description initiale, Delfino et ses collègues ont mentionné que l’ulna gauche de MCNST 57248 présente les signes de cicatrisation d’une fracture. Muscioni et ses collègues constatent que le carré gauche et l’articulaire droit de MCNST 57248 possèdent des processus pathologiques issus d’une hyperossifiation causée par l’arthrite. L’arthrite affectant MCNST 57248 était probablement due à son grand âge et devait affecter l’efficacité de ses mâchoires tout en lui causant des douleurs.

Scans CT du carré gauche de l’holotype (MCNST 57248) d’Acynodon adriaticus, montrant une hyperossifiation pathologique (hp) causée par l’arthrite

Acynodon adriaticus présente 5 dents prémaxillaires, 13 dents maxillaires et 16 dents dentaires de chaque côté de la mâchoire. Sa dentition est hétérodonte : les dents antérieures sont subconiques tandis que les dents postérieures sont molariformes, bulbeuses et élargies. Muscioni et ses collègues constatent que peu de dents de remplacement sont présentes pour les dents antérieures subconiques, alors que presque tous les dents molariformes ont au moins une dent de remplacement bien développée. Cette particularité indique que ce sont les dents molariformes qui étaient le plus utilisées et usées par l’alimentation, ce qui nécessitait leur remplacement fréquent.

Scans CT de la dentition supérieure et inférieure (a) de l’holotype (MCNST 57248) d’Acynodon adriaticus ; on remarque que les dents antérieures sont subconiques tandis que les dents postérieures sont molariformes

La dentition hétérodonte d’Acynodon adriaticus, avec une combinaison de dents subconiques et de dents molariformes est répandue chez les sauropsides. Elle se retrouve à la fois chez des taxons spécialisés dans la durophagie, mais aussi chez des prédateurs généralistes incluant une portion d’animaux à corps dur dans leur régime alimentaire. Pour déterminer l’écologie alimentaire d’A. adriaticus, Muscioni et ses collègues ont comparé l’épaisseur de son émail avec celle des autres sauropsides présentant la même morphologie dentaire. L’émail d’A. adriaticus présente une épaisseur qui n’est présente que chez les placodontes et quelques mosasaures, ichthyosaures et squamates teiidés, tous durophages spécialisés.

Résultats de l’analyse morphométrique de Muscioni et ses collègues, comparant l’épaisseur de l’émail de plusieurs sauropsides, montrant que l’émail d’Acynodon adriaticus présente une épaisseur qui n’est présente que chez les placodontes, les mosasaures et ichthyosaures durophages et quelques squamates teiidés

Acynodon adriaticus était donc un crocodylomorphe durophage spécialisé avec plusieurs convergences évolutives avec les sauropterygiens placodontes. Cette écologie alimentaire sollicitait beaucoup ses dents molariformes qui servaient à écraser les exosquelettes et les coquilles, alors que les dents antérieures subconiques servaient à saisir les proies. A. adriaticus se nourrissait principalement de proies à carapace dure comme les mollusques et les crustacés, mais pouvait compléter son régime alimentaire avec des arthropodes, des petits vertébrés et peut-être des végétaux.

Références : Muscioni, M.; Chiarenza, A.A.; Haro Fernandez, D.B.; Dreossi, D.; Bacchia, F.; Fanti, F., 2024, Cranial anatomy of Acynodon adriaticus and extreme durophagous adaptations in Eusuchia (Reptilia: Crocodylomorpha). The Anatomical Record.

Delfino, M.; Martin, J.E.; Buffetaut, E., 2008, A new species of Acynodon (Crocodylia) from the Upper Cretaceous (Santonian-Campanian) of Villaggio del Pescatore, Italy. Palaeontology. 51(5): 1091–1106.

Toutes les images proviennent de Muscioni et al., 2024

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