La forme du cerveau des oiseaux actuels est hautement spécialisée avec une forte encéphalisation (une grande taille relative du cerveau). Cette morphologie cérébrale a été acquise au cours de l’évolution des dinosaures théropodes par un passage progressif d’une morphologie ancestrale vers une morphologie avienne. Il a déjà été proposé que cette évolution soit le fruit d’une pédomorphose, c’est-à-dire de la rétention d’un cerveau de forme juvénile chez les adultes. King et ses collègues sont ainsi en mesure de tester cette hypothèse et analysent ainsi le développement cérébral des dinosaures.

King et ses collègues analysent les données cérébrales de 19 dinosaures non-aviens, de 36 oiseaux ainsi que de l’alligator américain. Ces données incluent notamment une série ontogénique de cerveaux de l’ornithischien cératopsien Psittacosaurus lujiatunensis. Sur la base de ces données, King et ses collègues ont réalisé une analyse morphométrique de ces cerveaux. Ils constatent que la morphologie cérébrale des dinosaures non-aviens est intermédiaire entre celle des oiseaux et celle de l’alligator. Le cerveau des dinosaures non-aviens juvéniles est plus similaire à celui des oiseaux mais au cours de l’ontogenèse, le cerveau des dinosaures non-aviens se rapproche de plus en plus de la morphologie de celui de l’alligator.

King et ses collègues remarquent donc que le développement cérébral des dinosaures non-aviens suit une trajectoire ontogénique unique. Celle-ci est intermédiaire entre celle des oiseaux et des crocodiliens actuels, avec un mélange de caractères crocodiliens mais aussi le développement de caractères qui seront ensuite présents chez les oiseaux. Pour King et ses collègues, ce développement cérébral des dinosaures est ancestral à Dinosauria et a pu se développer à partir du développement cérébral ancestral des archosaures.

Par un phénomène de pédomorphose, le développement cérébral des dinosaures a peu à peu évolué vers le modèle des oiseaux en ne conservant que les caractères juvéniles. Cela explique ainsi la ressemblance entre les cerveaux des dinosaures non-aviens juvéniles et ceux des oiseaux actuels. King et ses collègues confirment donc que la morphologie cérébrale dérivée des oiseaux a été obtenue par la pédomorphose du cerveau des dinosaures plus basaux.
Référence : King, L.; Zhao, Q.; Dufeau, D.L.; Kawabe, S.; Witmer, L.; Zhou, C.-F.; Rayfield, E.J.; Benton, M.J.; Watanabe, A., 2024, Endocranial development in non-avian dinosaurs reveals an ontogenetic brain trajectory distinct from extant archosaurs. Nature Communications. 15(1): 7415.
Toutes les images proviennent de King et al., 2024