Aérodynamisme de la queue des ptérosaures

Les ptérosaures sont un groupe d’archosauromorphes connus du trias supérieur au crétacé supérieur sur l’ensemble des continents. Il s’agit de l’un des rares groupes de vertébrés ayant développé le vol battu. Les ptérosaures basaux possédaient de longues queues avec une extrémité dotée d’une aile de tissus mous. Ces queues sont ensuite devenues beaucoup plus courtes au sein de Pterodactyloidea. La fonction pour l’aérodynamisme ou de la communication de la longue queue des ptérosaures basaux a longtemps été questionnée. Jagielska et ses collègues analysent ainsi ces points en étudiant des queues très bien préservées de Rhamphorhynchus.

Arbre phylogénétique des ptérosaures montrant l’évolution de la morphologie caudale

Jagielska et ses collègues ont cherché à analyser la structure de la l’aile de tissus mous située à l’extrémité de la queue des ptérosaures. Cette aile se présente sous différentes formes au sein des différents clades mais aussi au cours de l’ontogenèse des taxons. Selon la rigidité de cette aile, sa fonction peut être supposée, mais pas comparée car il n’existe pas d’équivalents actuels à cette aile caudale. Jagielska et ses collègues ont donc étudié sous lumière UV les ailes caudales des spécimens NHMUK PV OR 37003, NHMUK PV OR 37787 et NMS G.1994.13.1 de Rhamphorhynchus muensteri.

Photographies sous lumière UV et dessin interprétatif des ailes caudales des spécimens NHMUK PV OR 37003 (B), NHMUK PV OR 37787 (A) et NMS G.1994.13.1 (C) de Rhamphorhynchus muensteri ; on remarque le réseau de fibres horizontales et verticales

L’aile caudale de Rhamphorhynchus muensteri change morphologiquement selon l’ontogenèse. Elle est ovale chez les juvéniles, devient losangique chez les subadultes, avant d’être triangulaire chez les adultes. Les queues des spécimens analysés par Jagielska et ses collègues sont toutes losangiques et appartiennent à des subadultes. Ces ailes présentent des structures fibreuses formant un treillis rigide. Il existe des fibres verticales tubulaires épaisses, creuses et régulièrement espacées et des fibres horizontales plus fines et plus nombreuses qui croisent les structures verticales épaisses.

Variation de la morphologie caudale chez Rhamphorhynchus, liée à l’ontogénie et/ou à la variation intraspécifique

Jagielska et ses collègues constatent que les fibres verticales ont permis la rigidité de l’aile caudale, alors que les fibres horizontales ont permis de transférer la tension mécanique vers l’extrémité de la queue. Cette structure en treillis évitait ainsi que l’aile soit pliée, étirée ou battue au vent lors du vol. Il s’agissait donc d’un système biomécanique très élaboré permettant la rigidité et l’intégrité de l’aile caudale. Cette rigidité a pu permettre à l’aile caudale de servir de gouvernail en vol, ou de structure de communication très visuelle même en vol.

Schéma anatomique de l’aile caudale de Rhamphorhynchus, montrant le réseau de fibres verticales et horizontales qui rigidifie cette aile

Jagielska et ses collègues notent que l’aile caudale des ptérosaures non-pterodactyloidés était une structure essentielle que ce soit pour le vol ou le comportement social. Chez les pterodactyloidés, les queues sont devenues beaucoup plus réduites, suite au déplacement du centre de gravité et à l’augmentation de la taille de la tête. Les fonctions de direction et de communication ont alors été transférées sur le crâne (voir cet article), notamment à travers les crêtes crâniennes très diversifiées de pterodactyloidés.

Reconstitution du vivant de Rhamphorhynchus, montrant son aile caudale, rigide pour la direction en vol et colorée pour la communication

Référence : Jagielska, N.; Kaye, T.G.; Habib, M.B.; Hirasawa, T.; Pittman, M., 2024, New soft tissue data of pterosaur tail vane reveals sophisticated, dynamic tensioning usage and expands its evolutionary origins. bioRxiv.

Wellnhofer, P., 1978, Pterosauria. In: Kuhn, O. (ed.) Encyclopedia of Paleoherpetology. Part 19. Stuttgart (Gustav Fischer Verlag). 82 pp.

Toutes les images proviennent de Jagielska et al., 2024, à l’exception de la troisième qui provient de Wellnhofer, 1978

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