Les ichthyosauromorphes sont un groupe de sauropsides qui ses sont secondairement adaptés à la vie marine. Au cours de leur évolution, ils ont développé des nageoires caudales de plus en plus spécialisées. Ainsi, les membres basaux d’Ichthyosauromorpha ont des queues en forme de pagaies et une nage anguilliforme. Les membres intermédiaires ont quant à eux une queue asymétrique (hypocerque) et une nage sub-carangiforme à carangiforme. Enfin, les ichthyosauromorphes dérivés ont une queue semi-lunaire et une nage thunniforme. Sprumont et ses collègues analysent ainsi le rôle biomécanique de ces différentes morphologies caudales.

Sprumont et ses collègues ont donc analysé la biomécanique de la queue de Cartorhynchus, d’Utatsusaurus, de Mixosaurus, de Guizhouichthyosaurus et d’Ophthalmosaurus. Pour ce faire, ils ont fabriqué des modèles réduits de leurs queues afin de les soumettre à différentes conditions de nage. Sprumont et ses collègues ont ainsi utilisé ces robots-nageoires caudales afin de calculer la force de poussée et l’équilibre des forces mises en jeu par la queue de ces 5 ichthyosauromorphes.

Chez les ichthyosauromorphes, la force de poussée de la queue (notée Fx dans les résultats de Sprumont et ses collègues) est obtenue par l’intéraction physique entre la forme de la queue, la fréquence d’oscillation de la queue et la vitesse d’écoulement de l’eau où ils nagent. Selon les taxons étudiés, la fréquence d’oscillation optimale varie entre 0,5 Hz et 0,7 Hz. A noter que plus la vitesse d’écoulement de l’eau est élevée et plus la force de poussée horizontale de la queue diminue. En revanche, selon la forme de la queue, une augmentation de la poussée verticale de la queue est possible même quand la vitesse d’écoulement de l’eau augmente.

Le dernier paramètre analysé par Sprumont et ses collègues est donc la forme de la queue. Celle-ci influence grandement le comportement de la force de poussée, que ce soit verticalement ou horizontalement. En effet, les queues hétérocerques d’Utatsusaurus, de Mixosaurus et de Guizhouichthyosaurus sont capables de générer une forte poussée verticale lorsqu’elles nagent à une fréquence élevée. Ainsi, la force de la nageoire caudale hétérocerque de ces taxons poussait leur museau vers le bas, ce qui pouvait atténuer la force ascendante générée par leur flottabilité et donc leur permettre de nager horizontalement.

Au contraire, les queues symétriques de Cartorhynchus et d’Ophthalmosaurus avaient une meilleure force de poussée horizontale mais une moins bonne efficacité dans la poussée verticale. La queue en forme de pagaie de Cartorhynchus ne permettait pas de contrebalancer sa flottabilité, ce qui suggère que ce rôle était peut-être assuré par les membres. Ophthalmosaurus est un genre spécialisé dont la morphologie ne générait pas de force ascendante liée à la flottabilité. Par conséquent, sa queue en demi-lune lui conférait une force de poussée considérable lui permettant d’atteindre de grandes vitesses.
Référence : Sprumont, H.; Allione, F.; Schwab, F.; Wang, B.; Mucignat, C.; Lunati, I.; Scheyer, T.; Ijspeert, A.; Jusufi, A., 2024, Asymmetric Fin Shape changes Swimming Dynamics of Ancient Marine Reptiles’ Soft Robophysical Models. Bioinspiration & Biomimetics. 19(4): 046005.
Toutes les images proviennent de Sprumont et al., 2024