En 1994, Sues et ses collègues mentionnèrent la présence de plusieurs fragments de mâchoire assignables à Lepidosauria indet. (en figurant le spécimen USNM PAL 770104) du Carnien de la formation géologique de Vinita (Virginie, Etats-Unis). En 2021, Sues et Kligman déclarèrent que ces fragments représentaient un nouveau taxon encore sans nom de lepidosauromorphe, caractérisé par sa dentition pleurodonte. Kligman et ses collègues décrivent ainsi ce nouveau taxon et lui donnent le nom Idiosaura (« lézard particulier »), avec I. virginiensis pour espèce.

L’holotype (USNM PAL 770102) d’Idiosaura virginiensis est un dentaire gauche partiel. Kligman et ses collègues ont référé un fragment de dentaire (USNM PAL 770104) à I. virginiensis. Ils notent que ces deux spécimens sont trop incomplets pour pouvoir déterminer leur stade ontogénique.

L’analyse phylogénétique de Kligman et ses collègues classe Idiosaura dans une vaste polytomie au sein de Neodiapsida, comprenant les lepidosauromorphes et des neodiapsides basaux. Ces résultats sont dus à la nature fragmentaire des spécimens connus d’Idiosaura. Kligman et ses collègues notent toutefois que la combinaison de caractéristiques d’Idiosaura se rapproche seulement des kuehneosauridés. Par conséquent, ils assignent Idiosaura à Kuehneosauridae avec prudence.

Kligman et ses collègues ont réalisé un scan CT de l’holotype (USNM PAL 770102) d’Idiosaura virginiensis. Cela leur permet de constater que ce spécimen présente 13 dents conservées, et que ces dents sont homodontes (toutes de même morphologie). Le type d’implantation dentaire d’Idiosaura est pleurodonte, c’est-à-dire que la partie labiale des dents est ankylosée au dentaire alors que la partie linguale est implantée au dentaire par des tissus mous parodontaux comme des ligaments.

Le scan CT de USNM PAL 770102 révèle également une forte vascularisation du dentaire chez Idiosaura. Kligman et ses collègues notent que cette vascularisation est unique mais se rapproche beaucoup de celle du lepidosauromorphe Sophineta. Il est impossible de savoir si elle est présente chez les kuehneosauridés car aucun scan CT de mâchoires de cette famille n’a été réalisé. Pour Kligman et ses collègues, le réseau vasculaire dense du dentaire d’Idiosaura peut témoigner de la présence de nombreux neurorécepteurs, jouant le rôle de récepteurs somatosensoriels pour accroître la sensibilité de son toucher.

La petite taille corporelle et la dentition conique homodonte d’Idiosaura sont des indicateurs d’une écologie alimentaire insectivore. Si Idiosaura est bien un kuehneosauridé, il possédait des côtes allongées soutenant un patagium, lui permettant de planer d’arbres en arbres sur de courtes à moyennes distances. Le système de neurorécepteurs d’Idiosaura aurait alors été un atout pour chasser des insectes en vol ou dans les arbres. Il vivait dans un environnement boisé ponctué de lacs, en compagnie d’autres lepidosauromorphes, de procolophonidés, de phytosaures, de Loricata, de l’aetosauriforme Euscolosuchus et de l’archosauriforme Uatchitodon et du doswelliidé Doswellia.

Références : Kligman, B.T.; Sues, H.-D.; Melstrom, K.M., 2024, A new lizard-like reptile with unusual mandibular neurovasculature from the Upper Triassic of Virginia. Journal of Vertebrate Paleontology. 44: e2353636.
Sues, H.-D.; Olsen, P.E.; Kroehler, P.A., 1994, Small tetrapods from the Upper Triassic of the Richmond basin (Newark Supergroup), Virginia. In: Fraser, N.C.; Sues, H.-D., (Eds.), In the shadow of the dinosaurs: Early Mesozoic tetrapods. Cambridge University Press. 161-170.
Sues, H.-D.; Kligman, B.T., 2021, A new lizard-like reptile from the Upper Triassic (Carnian) of Virginia and the Triassic record of Lepidosauromorpha (Diapsida, Sauria). Journal of Vertebrate Paleontology. 40(6): e1879102.
Toutes les images proviennent de Kligman et al., 2024