Evolution du nombre de plumes de vol chez les théropodes

Les plumes sont des structures tégumentaires que l’on retrouve chez les dinosaures, et l’une des adaptations clé ayant mené à l’apparition du vol battu chez les oiseaux. Afin de permettre le vol, la structure des plumes a subi plusieurs modifications au cours de son évolution, au niveau du nombre et de la forme des plumes. Il existe une grande diversité de morphologies de plumages au sein de Pennaraptora, le clade de théropodes où les rémiges sont apparues. Kiat et O’Connor analysent ainsi les plumes fossiles des Pennaraptora, afin de comprendre l’évolution de leur plumage ainsi que leurs modes de locomotion liés à ce plumage.

Photographie d’une aile d’étourneau montrant la terminologie pour les plumes rectrices (divisées en plumes primaires et en plumes secondaires) et le calcul de leur asymétrie

Kiat et O’Connor ont observé et mesuré les plumes fossiles du Pennaraptora basal Caudipteryx, du dromaeosauridé Zhenyuanlong et Microraptor, des anchiornithinés Anchiornis, Serikornis, et Eosinopteryx, des Avialae basaux Archaeopteryx, Sapeornis, Jinguofortis et Jeholornis, des confuciusornithidés Changchengornis, Confuciusornis et Eoconfuciusornis, des énantiornithes Eopengornis, Protopteryx, Cruralispennia, Orienantius, Longirostravis, Eoalulavis, Junornis, Fortunguavis, Parapengornis et Eoenantiornis ainsi que des hongshanornithidés Archaeornithura et Hongshanornis. Ils ont ensuite comparé leurs résultats avec ceux des oiseaux actuels.

Photographie d’une aile du spécimen LPM-B00169 d’Anchiornis huxleyi ; on note qu’il présente 20 plumes primaires

Kiat et O’Connor reconstruisent ainsi l’état ancestral du plumage des théropodes Pennaraptora. Ils supposent que les premiers Pennaraptora présentaient 9 à 11 plumes primaires et 25 paires de plumes rectrices. Les membres d’Anchiornithinae se distinguent de cette condition en présentant 15 à 25 plumes primaires et plus de 50 paires de rectrices. Microraptor présentait quand à lui le même nombre de plumes primaires que la condition ancestrale, mais seulement 9 paires de rectrices.

Arbre phylogénétique des théropodes Pennaraptora montrant l’évolution du nombre de plumes rectrices primaires ; on note que la condition ancestrale est la possession de 9 à 11 plumes primaires

L’asymétrie des plumes est l’une des conditions essentielles pour permettre le vol plané. Kiat et O’Connor ne sont pas certains si la présence d’une asymétrie du plumage est une caractéristique ancestrale de Pennaraptora. Caudipteryx et Anchiornithinae ont des plumes très peu asymétriques, les rendant incapables de voler. Microraptor présente au contraire des plumes très asymétriques, un soutien supplémentaire à l’hypothèse que ce genre était capable de voler.

Photographie d’une aile du spécimen IVPP-V12344 de Caudipteryx dongi ; on note qu’il présente 9 plumes primaires

Les oiseaux présentent eux aussi un nombre de plumes primaires identique à la condition ancestrale de Pennaraptora. En revanche, les membres basaux d’Avialae présentent 20 à 30 paires de plumes rectrices pour certains (Archaeopteryx, Jeholornis) et seulement 1 ou 2 paires de plumes rectrices pour d’autres (Confuciusornithidae, Enantiornithes). Les membres d’Hongshanornithidae ainsi que les oiseaux actuels présentent quand à eux 5 à 6 paires de plumes rectrices.

Photographie d’une aile du spécimen DNHM-D3078 de Sapeornis chaoyangensis ; on note qu’il présente 11 plumes primaires

Les oiseaux basaux (Avialae) présentent tous des plumes asymétriques, ce qui indique que le vol y est apparu très tôt. Parmi tous les oiseaux fossiles étudiés par Kiat et O’Connor, un seul présente des plumes moins asymétriques : Orienantius. Cela pourrait suggérer qu’Orienantius était incapable de voler, ou que le vol était un mode de locomotion peu employé par ce genre.

Photographie sous lumière UV d’une aile du spécimen BMNHC-PH1156 d’Orienantius ritteri ; on note qu’il présente 10 plumes primaires

Les résultats de Kiat et O’Connor semblent suggérer que le vol était une condition ancestrale de Pennaraptora. Par conséquent, les Oviraptorosauria, les Troodontidae, les Anchiornithinae et la plupart des Dromaeosauridae ont secondairement perdu la capacité de voler. Elle se retrouve dans ces groupes uniquement au sein des dromaeosauridés microraptoriens. Chez les oiseaux, le vol battu est une condition ancestrale qui a été perdue chez certains genres, et l’analyse de Kiat et O’Connor révèle qu’Orienantius pourrait lui aussi être un oiseau incapable de voler.

Reconstitution du vivant de l’anchiornithiné Serikornis, par Emily Willoughby

Référence : Kiat, Y.; O’Connor, J., 2024, Functional constraints on the number and shape of flight feathers. PNAS. 121(8): e2306639121.

Toutes les images proviennent de Kiat et O’Connor, 2024, à l’exception de la dernière qui est une oeuvre d’Emily Willoughby

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