Les placodontes sont un groupe de sauropterygiens basaux connus du trias d’Europe, d’Asie et d’Afrique. Ils se subdivisent en deux groupes principaux : les Placodontoidea et les Cyamodontoidea. Les placodontes se caractérisent par une dentition spécialisées pour un régime alimentaire durophage, et par la présence d’une armure plus ou moins développée recouvrant leur corps. Ils vivaient près des côtes, dans des eaux peu profondes. Gere et ses collègues analysent ainsi les caractéristiques dentaires ainsi que la micro-usure dentaire de plusieurs placodontes afin de connaître leur écologie alimentaire.

La micro-usure dentaire est une usure qui résulte notamment de l’abrasion entre la dent et les aliments. Son étude donne donc des informations précieuses sur l’alimentation et le mode de traitement de la nourriture du propriétaire des dents. Gere et ses collègues ont analysé les surfaces des dents de Placodus gigas, Paraplacodus broilii, Cyamodus rostratus, Cyamodus hildegardis, Cyamodus kuhnschnyderi, Cyamodus sp., Placochelys placodonta, Henodus chelyops, Psephoderma alpinum et Macroplacus raeticus. Les résultats obtenus ont ensuite été comparés avec les micro-usures dentaires d’animaux marins durophages actuels.

Gere et ses collègues ont d’abord analysé Placodus gigas qui est un Placodontoidea. P. gigas présente trois paires de dents prémaxillaires, quatre paires de dents maxillaires et trois paires de dents palatines. La micro-usure dentaire de Placodus gigas se caractérise par un faible nombre de rayures et un grand nombre de fosses, avec des rayures assez courtes et des fosses de grande taille. Gere et ses collègues n’ont pas trouvé de similitudes avec un animal marin durophage actuel. Placodus se nourrissait peut-être d’une grande proportion d’invertébrés à carapace et à coquille, avec quelques invertébrés à corps plus mou.

Gere et ses collègues ont ensuite analysé Paraplacodus broilii, un autre Placodontoidea. P. broilii présente trois paires de dents prémaxillaires, au moins sept paires de dents maxillaires et quatre paires de dents palatines. La micro-usure dentaire de Paraplacodus broilii présente plus de rayures que de fosses, avec des rayures longues et étroites et des fosses de petite taille. Gere et ses collègues notent que cette micro-usure est proche de celle de la loutre de mer actuelle. Ils supposent donc que Paraplacodus se nourrissait de coquillages, d’oursins et de crabes.

Gere et ses collègues ont ensuite analysé les espèces du genre Cyamodus (C. rostratus, C. hildegardis et C. kuhnschnyderi), qui est un membre de Cyamodontoidea. C. rostratus présente deux paires de dents prémaxillaires, deux paires de dents maxillaires et trois paires de dents palatines. C. kuhnschnyderi présente deux paires de dents prémaxillaires, deux paires de dents maxillaires et deux paires de dents palatines. Enfin, C. hildegardis présente deux paires de dents prémaxillaires, trois paires de dents maxillaires et trois paires de dents palatines. Cyamodus possède un museau assez allongé et une région temporale large, indicatrice de la présence de puissants muscles de la mâchoire.

Gere et ses collègues notent qu’au cours de l’évolution du genre Cyamodus, le museau s’est raccourci et la région temporale s’est élargie. De la même manière, ils observent une évolution de la micro-usure dentaire au sein du genre. Alors que C. hildegardis présente des rayures plus nombreuses que des fosses, C. rostratus présente un peu plus de fosses que de rayures, avec des fosses plus grandes. Enfin, C. kuhnschnyderi présente de très grandes fosses et très peu de rayures. Cette évolution morphologique combinée à celle de la micro-usure dentaire indique que Cyamodus s’est nourri d’aliments de plus en plus gros et plus durs au cours de son évolution.

Placochelys placodonta est l’un des autres Cyamodontoidea analysés par Gere et ses collègues. Il présente une large région temporale comme Cyamodus et Psephoderma. Son museau est très allongé et édenté, une caractéristique également présente chez Psephoderma. Placochelys présente trois paires de dents maxillaires et deux paires de dents palatines. La micro-usure dentaire de Placochelys se compose de nombreuses rayures de taille moyenne ainsi que d’un faible nombre de fosses de petite taille. Gere et ses collègues notent que cette micro-usure est proche de celle de la loutre de mer actuelle. Ils supposent donc que Placochelys se nourrissait de coquillages, d’oursins et de crabes.

Gere et ses collègues ont également analysé le Cyamodontoidea Psephoderma alpinum. Il présente une large région temporale comme Cyamodus et Placochelys. Son museau est très allongé et édenté, une caractéristique également présente chez Placochelys. Psephoderma présente deux paires de dents maxillaires et deux paires de dents palatines. La micro-usure dentaire de Psephoderma se compose de nombreuses rayures de taille moyenne ainsi que d’un faible nombre de fosses de petite taille. Gere et ses collègues notent que cette micro-usure est proche de celle de la loutre de mer actuelle. Ils supposent donc que Psephoderma se nourrissait de coquillages, d’oursins et de crabes.

Henodus chelyops est un genre de Cyamodontoidea très spécialisé, qui se caractérise par son museau en forme de spatule, une seule paire de dents postérieures concaves écrasantes et des denticules antérieures avec des dents plates. De plus, il a pu posséder des structures lamellaires dans les mâchoires, similaires à des fanons. La micro-usure dentaire d’Henodus présente plus de rayures que de fosses, avec des rayures longues et étroites et des fosses de petite taille. Par sa morphologie et l’analyse morphométrique de sa micro-usure dentaire, Gere et ses collègues rapprochent l’écologie alimentaire d’Henodus avec celle du dugong. Il se serait donc nourri d’algues, d’herbes marines et de petits invertébrés aquatiques.

Macroplacus raeticus est un Cyamodontoidea dérivé analysé par Gere et ses collègues. Il se caractérise par deux paires de dents maxillaires et deux paires de dents palatines, avec des dents palatines distales très développées. Macroplacus présente une large région temporale comme et museau est allongé et édenté. Sa micro-usure dentaire est composée de très peu de rayures et de peu de fosses, mais dont les fosses sont de très grande taille. Gere et ses collègues n’ont pas trouvé de similitudes avec un animal marin durophage actuel. Ils supposent que Macroplacus se nourrissait d’aliments très durs et de grande taille, peut-être spécialisé dans l’alimentation à base de gros coquillages.

Références : Gere, K.; Nagy, A.L.; Scheyer, T.M.; Werneburg, I.; Ősi, A., 2024, Complex dental wear analysis reveals dietary shift in Triassic placodonts (Sauropsida, Sauropterygia). Swiss Journal of Palaeontology. 143: 4.y
Diedrich, C.G., 2010, Palaeoecology of Placodus gigas (Reptilia) and other placodontids—Middle Triassic macroalgae feeders in the Germanic Basin of central Europe—and evidence for convergent evolution with Sirenia. Palaeogeography, Palaeoclimatology, Palaeoecology. 285(3-4): 287-306.
Toutes les images proviennent de Gere et al., 2024, à l’exception de la première qui provient de Diedrich, 2010 et de la sixième qui est une oeuvre de NGZver