Nouveau sauropode : Sidersaura

En 2012, le squelette partiel d’un sauropode fut découvert dans le Cénomanien-Turonien de la formation géologique de Huincul (Neuquén, Argentine). Des fouilles ont ensuite été menées jusqu’en 2017, mettant au jour d’autres spécimens de sauropodes et l’holotype du carcharodontosauridé Meraxes. En 2021, Lerzo et ses collègues annoncèrent en conférence la découverte de ces spécimens, notamment MMCh-PV 70, en déclarant qu’ils appartenaient à un nouveau taxon de rebbachisauridé. Lerzo et ses collègues décrivent ainsi ce taxon, qu’ils baptisent Sidersaura (« lézard étoilé », en référence à la forme de ses chevrons), avec S. marae pour espèce.

Photographies de plusieurs éléments postcrâniens de l’holotype (MMCh-PV 70) de Sidersaura marae

L’holotype (MMCh-PV 70) de Sidersaura marae est le squelette partiel d’un adulte, composé de la boîte crânienne, de deux fragments de vertèbres dorsales, de 14 vertèbres caudales, de 5 chevrons, d’un fragment de scapula gauche, d’un fragment de pubis, des tibias, des extrémités distales des deux fibulas, des deux métatarsiens I, des extrémités proximales des métatarsiens II et III gauches, des extrémités distales des métatarsiens II, III et IV droits, de l’extrémité distale du métatarsien V gauche, des phalanges unguéales I-1 et I-2 droite et gauche, de la phalange unguéale I-3 droite et des unguéaux I et III droit.

Photographies de plusieurs éléments du paratype MMCh PV 236 de Sidersaura marae

Lerzo et ses collègues ont désigné trois paratypes pour Sidersaura marae. Le plus complet est le squelette partiel d’un adulte (MMCh PV 236), composé d’une vertèbre dorsale, de trois sacrales partielles et de huit caudales, d’une côte dorsale, d’un fragment d’ilium, des ischiums, des pubis partiels, d’un métacarpien IV, d’un métacarpien V, des fémurs, du tibia gauche, des fibulas et du métatarsien IV. Certains éléments de MMCh PV 236 n’ont pas encore été préparés. Les deux autres paratypes de S. marae sont une extrémité proximale d’une fibula gauche (MMCh PV 307) d’un individu adulte et un centrum dorsal (MMCh PV 309) d’un individu juvénile.

Photographies du centrum dorsal MMCh PV 309, paratype de Sidersaura marae

L’analyse phylogénétique de Lerzo et ses collègues classe Sidersaura comme un membre basal des rebbachisauridés, dans un clade avec Zapalasaurus et Itapeuasaurus. Avec son âge Cénomanien-Turonien, Sidersaura représente l’un des rebbachisauridés les plus récents connus. Toutefois, Lerzo et ses collègues notent qu’il s’agit d’un membre basal de cette famille, ce qui indique que plusieurs lignées de rebbachisauridés ont survécu jusqu’à leur extinction.

Résultats de l’analyse phylogénétique de Lerzo et ses collègues, classant Sidersaura comme un membre basal des rebbachisauridés, dans un clade avec Zapalasaurus et Itapeuasaurus

Sidersaura présente plusieurs caractéristiques qui le rendent particulier au sein de la famille des rebbachisauridés et même au sein des sauropodes. Lerzo et ses collègues font remarquer que les processus proximaux des chevrons de Sidersaura forment un motif en étoile en vue transversale. Cette caractéristique est unique au sein des sauropodes, à l’exception de chez le spécimen de rebbachisauridé MMCh-PV 47. La morphologie étoilée des chevrons de Sidersaura suppose une morphologie musculaire particulière, avec des attaches musculaires plus nombreuses sur l’extrémité proximale des chevrons.

Photographies d’une vue transversale d’un chevron du rebbachisauridé MMCh-PV 47 (A) et de l’holotype (MMCh-PV 70) de Sidersaura marae ; on remarque leur morphologie étoilée caractéristique qui vaut son nom à Sidersaura

Lerzo et ses collègues remarquent également que Sidersaura présente un foramen frontopariétal, aussi appelé foramen pinéal. La présence de ce foramen n’était jusque là documentée que chez quelques sauropodes et notamment les dicraeosauridés. Elle était jusque là inconnue chez les rebbachisauridés. Sidersaura est donc le seul rebbachisauridé à présenter un foramen frontopariétal, ce qui laisse supposer que la présence de ce foramen est un caractère ancestral au sein de Diplodocoidea. Chez la plupart des sauropsides, le rôle de ce foramen est de détecter la luminosité à l’aide de la glande pinéale du cerveau. Son rôle est toutefois encore à déterminer chez les sauropodes.

Photographies et reconstitution de la boîte crânienne de l’holotype (MMCh-PV 70) de Sidersaura marae ; on note la présence d’un foramen frontopariétal (c- fpf)

Tout comme chez les rebbachisauridés Amazonsaurus et Tataouinea, l’ilium de Sidersaura est pneumatisé, avec une pneumatisation camérée. Cela signifie que de grandes cavités formant des chambres permettaient d’alléger la structure de l’ilium de Sidersaura. Lerzo et ses collègues supposent que la pneumatisation camérée de l’ilium est une caractéristique propre aux rebbachisauridés. Le rôle exact de cette caractéristique reste à déterminer, mais il est probable qu’elle servait à alléger le poids total du corps des rebbachisauridés.

Photographies du fragment d’ilium du paratype MMCh PV 236 de Sidersaura marae ; on note la pneumatisation de cet os avec la présence de chambres pneumatiques (ic)

Lerzo et ses collègues constatent également que les fibulas de Sidersaura sont robustes, avec une surface articulaire marquée en forme de D. Cela contraste avec la plupart des autres sauropodes qui ont des fibulas graciles avec une surface articulaire en ovale. La robustesse des fibulas de Sidersaura est directement liée à la robustesse des os de sa cheville, qui est également très marquée. Toute cette structure plus robuste au niveau des membres postérieurs de Sidersaura aurait permis une plus grande résistance aux forces de compression. Le stress mécanique subi par les membres postérieurs de Sidersaura lors de la locomotion aurait été diminué grâce à la robustesse des os.

Photographies de la fibula gauche MMCh PV 307, paratype de Sidersaura marae ; on note sa robustesse et son extrémité proximale en D

Sidersaura était l’un des plus grands rebbachisauridés connus, avec une taille de 18 à 20 mètres de longueur. Sur la base de ses proches parents, il semble probable qu’il ait été un végétivore se nourrissant près du sol. La morphologie robuste de ses membres postérieurs rendait Sidersaura spécialisé pour se déplacer dans des milieux boueux, au sol instable. Cette spécialisation lui aurait peut-être permis d’exploiter une niche écologique distincte des autres sauropodes de son écosystème.

Reconstitution du vivant de plusieurs Sidersaura

Sidersaura vivait dans des zones arides parcourues de cours d’eau éphémères, ce qui créait des zones temporairement boueuses. Il cohabitait avec les sauropodes titanosaures Argentinosaurus, Chucarosaurus, Bustingorrytitan et Choconsaurus, les rebbachisauridés Cathartesaura et Limaysaurus, des ornithopodes, le noasauridé Huinculsaurus, les carcharodontosauridés Meraxes et Mapusaurus, le Megaraptora Aoniraptor, le théropode indéterminé Gualicho, les abelisauridés Skorpiovenator, Tralkasaurus et Ilokelesia et le dromaeosauridé Overoraptor.

Références : Lerzo, L.N.; Gallina, P.A.; Canale, J.I.; Otero, A.; Carballido, J.L.; Apesteguía, S.; Makovicky, P.J., 2024, The last of the oldies: a basal rebbachisaurid (Sauropoda, Diplodocoidea) from the early Late Cretaceous (Cenomanian–Turonian) of Patagonia, Argentina. Historical Biology.

Lerzo, L.N.; Gallina, P.A.; Otero, A.; Canale, J.I., 2021, Is the frontoparietal foramen present in rebbachisaurid sauropods? new materials from Patagonia shed light on this anatomical feature. 34 Jornadas Argentinas de Peleontología de Vertebrados, Libro de Resúmenes. R. 55-56.

Toutes les images proviennent de Lerzo et al., 2024, à l’exception de la dernière qui est une oeuvre de Gabriel Diaz Yantén

Un avis sur « Nouveau sauropode : Sidersaura »

Laisser un commentaire