Mononykus est un genre de dinosaure théropode alvarezsauridé connu du crétacé supérieur de Mongolie. L’analyse de l’amplitude de mouvement des articulations des animaux fossiles permet de mieux comprendre leur biomécanique et leurs capacités de mouvement. En 2005, Senter avait analysé l’amplitude de mouvement de l’épaule de Mononykus afin de comprendre quels mouvements il pouvait effectuer. Les méthodes de cette analyse étaient alors limitées, et les résultats ne sont pas cohérents avec les découvertes actuelles. Senter entreprend ainsi de recalculer l’amplitude de mouvement de l’épaule de Mononykus à l’aide des techniques actuelles.

Senter a calculé l’amplitude de mouvement (ROM en anglais, soit Range Of Motion) de Mononykus en manipulant des moulages. Il a effectué son étude à l’aide des moulages (YPM 56693) de la scapula gauche, du coracoïde et de l’humérus de l’holotype (MPC-D 107/6) de Mononykus olecranus. Senter a réalisé des photographies et des mesures pour déterminer les angles de l’amplitude de mouvement de l’humérus dans l’articulation de l’épaule.

Senter constate que l’amplitude de mouvement de l’humérus de Mononykus est bien plus importante que celle qu’il avait calculée en 2005. En 2005, Senter avait calculé que l’humérus de Mononykus était incapable ni d’avoir une posture subverticale ni d’avoir une posture subhorizontale à la protraction maximale. Senter revient sur ces résultats, en constatant que l’humérus de Mononykus était capable d’avoir ces postures subhorizontale et subverticale. Ces postures se traduisent par la capacité d’orienter la paume de la main vers le bas, et de rentrer les coudes sur les côtés du corps.

Chez les dinosaures, la capacité d’élever l’humérus à une position subhorizontale a été acquise indépendamment au moins quatre fois : chez les cératopsiens dérivés, chez les ornithomimosaures, chez les paraviens et chez les alvarezsauridés. Chacun de ces groupes était capable de rentrer les coudes sur les côtés du corps. Mononykus, et plus largement les alvarezsauridés, pouvaient également orienter la paume de la main vers le bas. Ces adaptations de l’articulation de l’épaule sont liées à l’écologie alimentaire insectivore des alvarezsauridés.

Senter suppose que l’orientation de la paume de la main vers le bas aurait facilité le creusement de surfaces horizontales, telles que les nids d’insectes ou des morceaux de bois. La possibilité de garder les coudes rentrés sur les côtés pendant le mouvement aurait minimisé la possibilité d’être gêné par l’environnement. Cela aurait aussi facilité le creusement des surfaces diagonales ou verticales. Il en résulte que les alvarezsauridés étaient capables de creuser sur tous les types d’orientations de surfaces. Senter soutient ainsi l’hypothèse que c’était une famille d’insectivores très spécialisés.

Pour supporter ses conclusions, Senter a également analysé d’autres caractéristiques de Mononykus qui appuient cette hypothèse d’une écologie insectivore spécialisée. Il constate que Mononykus et les alvarezsauridés dérivés présentent un doigt spécialisé au niveau de leurs mains. Ce doigt est hypertrophié et porte une griffe proéminente, alors que les autres doigts sont réduis. Cette morphologie des mains se retrouve uniquement chez des animaux insectivores spécialisés, comme les pangolins, les fourmiliers et certains tatous. Senter nomme cette morphologie skalodactylie, afin de désigner la présence d’un doigt spécialisé avec une griffe proéminente.

Senter note que les animaux skalodactyles actuels utilisent leur doigt spécialisé (skalodactyle) pour creuser les plantes et les nids d’insectes résistants pour accéder aux insectes qui s’y trouvent. Aucune autre écologie alimentaire n’est associée à la skalodactylie, ce qui laisse supposer que les alvarezsauridés utilisaient leurs mains de la même manière que les pangolins, les fourmiliers et certains tatous. Ces conclusions font des alvarezsauridés des théropodes skalodactyles spécialisés dans une insectivorie en creusant les plantes et les nids d’insectes résistants.

Références : Senter, P.J., 2023, Restudy of shoulder motion in the theropod dinosaur Mononykus olecranus (Alvarezsauridae). PeerJ. 11: e16605.
Senter, P.J., 2005, Function in the stunted forelimbs of Mononykus olecranus (Theropoda), a dinosaurian anteater. Paleobiology. 31: 373-381.
Perle, A.; Norell, M.A.; Chiappe, L.M.; Clark, J., 1993, Flightless bird from the Cretaceous of Mongolia. Nature. 362: 623-626.
Perle, A.; Chiappe, L.M.; Barsbold, R.; Clark, J.M.; Norell, M.A., 1994, Skeletal morphology of Mononykus olecranus (Theropoda, Avialae) from the late Cretaceous of Mongolia. American Museum novitates. 3105. 29 pp.
Toutes les images proviennent de Senter, 2023 à l’exception de la première qui est une œuvre de Scott Hartman, de la deuxième qui provient de Perle et al., 1994 et de la dernière qui provient de Perle et al., 1993