Au sein de Crocodylomorpha, trois lignées principales ont évolué pour coloniser le milieu marin : Thalattosuchia, Dyrosauroidea et Crocodylia. Les thalattosuchiens comprennent les teleosauroidés et les metriorhynchoidés, et ont vécu du jurassique au crétacé inférieur. Les dyrosauroidés ont vécu du crétacé supérieur au paléogène. Bien que les similitudes au niveau du crâne entre ces groupes aient déjà été étudiées, les similitudes du squelette postcrânien n’ont jusque là pas fait l’objet de comparaisons détaillées. Scavezzoni et Fischer analysent ainsi le degré de convergence évolutive au niveau du squelette postcrânien entre les thalattosuchiens et les dyrosauroidés.

Scavezzoni et Fischer ont analysé les os des membres, de la ceinture scapulaire et du bassin de 36 spécimens de thalattosuchiens et 5 de dyrosauroidés. Ils ont ensuite comparé ces résultats avec le crocodilien Mecistops cataphractus (Faux-Gavial d’Afrique). Pour analyser ces spécimens, Scavezzoni et Fischer en ont réalisé des modèles 3D grâce à leur scan par CT. Ils ont ensuite analysé leurs résultats obtenus dans des analyses morphométriques, afin de visualiser le degré de ressemblance morphologique entre les clades.

Les analyses morphométriques de Scavezzoni et Fischer révèlent que la morphologie des membres, de la ceinture scapulaire et du bassin des thalattosuchiens est différente de celle des dyrosauroidés. Ainsi, malgré des conditions écologiques similaires, ces deux groupes ont développé des morphologies différentes. Il en résulte que la convergence évolutive entre ces deux groupes est très faible. Au sein même de Thalattosuchia, une divergence de morphologie s’observe entre les teleosauroidés et les metriorhynchoidés. Scavezzoni et Fischer en concluent qu’en colonisant le milieu marin, les crocodylomorphes ont fait preuve de diversité morphologique, avec peu de convergence entre les clades.

Dans leur étude, Scavezzoni et Fischer ont analysé l’évolution de la morphologie des membres au sein de chaque clade de crocodylomorphes marins fossiles. Les membres de Metriorhynchoidea ont développé une réduction de leurs membres antérieurs, mais aussi un allongement de leurs membres postérieurs. Ces adaptations pour la vie marine sont également apparues chez les oiseaux hesperonithiformes et les thalattosaures. Pour Scavezzoni et Fischer, les membres antérieurs réduits ont permis une diminution de la trainée, et une amélioration de l’hydrodynamisme. En revanche, l’augmentation de la taille des membres postérieurs a permis de leur donner un rôle de propulsion supplémentaire en plus de la queue.

Scavezzoni et Fischer constatent qu’au cours de leur évolution, les teleosauroidés ont également développé des membres antérieurs réduits et des membres postérieurs plus allongés. Toutefois, ces processus se sont produit indépendamment des metriorhynchoidés, et sont moins marqués que dans ce groupe. Cela s’explique par le fait que les teleosauroidés sont moins spécialisés pour la vie en haute mer que les metriorhynchoidés. En effet, contrairement aux metriorhynchoidés les teleosauroidés auraient pu s’aventurer sur terre, ce qui leur est permis par la spécialisation moindre de leurs membres.

Enfin, Scavezzoni et Fischer notent que les dyrosauroidés présentent une évolution de leurs membres relativement conservative au niveau des proportions. Des changements légers dans la morphologie des os sont observables, mais les membres des dyrosauroidés ne se sont pas particulièrement allongés ou raccourcis. Cela peut aussi s’expliquer par le fait que l’histoire évolutive des dyrosauroidés est plus courte que celle des thalattosuchiens, ce qui ne leur a pas laissé le temps de développer des membres plus spécialisés.

Référence : Scavezzoni, I.; Fischer, V., 2023, Limited convergence in the postcranium of aquatic Crocodylomorpha. Palaeontology. e12678.
Toutes les images proviennent de Scavezzoni et Fischer, 2023, à l’exception de la première qui est une œuvre de Tosha Hollmann