Thescelosaurus est un genre de neornithischien thescelosauridé connu du Maastrichtien des Etats-Unis et du Canada. Son classement est controversé, les thescelosauridés étant soit considérés comme des ornithopodes basaux, soit comme des neornithischiens basaux. Plusieurs spécimens de Thescelosaurus sont exceptionnellement bien préservés, mais la paléobiologie de ce genre reste encore peu étudiée. Il a été suggéré qu’il était adapté pour la course, alors que d’autres études en ont fait un dinosaure fouisseur. Pour mieux comprendre la paléobiologie de Thescelosaurus, Button et Zanno ont ainsi analysé sa neuroanatomie.

Button et Zanno ont choisi d’analyser le crâne du spécimen NCSM 15728, découvert dans la formation géologique d’Hell Creek (Dakota du Sud, Etats-Unis) et référé à Thescelosaurus neglectus. Ils ont ainsi scanné le spécimen NCSM 15728 avec un scanner CT, ce qui a permis une modélisation en 3D du spécimen. Sur la base de cette modélisation, il leur a été possible de reconstruire son endocrâne. En effet, chez les sauropsides, le cerveau ne remplit pas l’ensemble de la boîte crânienne, c’est pourquoi le terme d’endocrâne lui est préféré. A partir de l’endocrâne de NCSM 15728, une reconstitution du cerveau de Thescelosaurus a ainsi été possible.

Button et Zanno et ses collègues ont reconstruit en détail la neuroanatomie de Thescelosaurus. Il en résulte que ce genre présente de nombreux caractères répandus au sein des ornithischiens, ce qui n’est pas étonnant au vu de sa position assez basale dans ce groupe. L’analyse de NCSM 15728 leur permet de connaître ses caractéristiques sensorielles. Button et Zanno et ses collègues ont ainsi calculé le ratio olfactif, l’acuité auditive, les capacités cognitives, l’équilibre et la posture de Thescelosaurus.

Le ratio olfactif de Thescelosaurus possède une valeur élevée, similaire à celle des oiseaux et des crocodiliens actuels, des ankylosaures et des théropodes prédateurs. Il est bien plus important que chez les ornithopodes ou les cératopsiens. En mettant ce ratio à l’échelle de la taille et de la masse de Thescelosaurus, il en résulte que son ratio olfactif est parmi les plus élevés mesurés chez les dinosaures. Button et Zanno en concluent que Thescelosaurus avait un odorat très développé, et qu’il s’agissait de la capacité sensorielle la plus importante chez lui.

Button et Zanno ont calculé l’acuité auditive de Thescelosaurus, sur la base du canal cochléaire du labyrinthe endo-osseux, situé dans l’oreille interne. Thescelosaurus avait ainsi une fréquence d’audition optimale de 1 100 à 1 200 Hz et une fréquence moyenne d’audition de 1 854 Hz. Il pouvait donc entendre des fréquences basses, avec une fréquence comprise entre 296 et 3 051 Hz. Sa plage auditive est réduite par rapport aux autres ornithischiens, mais est similaire à celle des crocodiliens actuels et des ceratopsidés.

Les capacités cognitives de Thescelosaurus ont été estimées en calculant son quotient d’encéphalisation reptilien (le QER, ou REQ en anglais). Ce quotient s’obtient en comparant la masse cérébrale par rapport à la masse corporelle. Le QER estimé par Button et Zanno pour Thescelosaurus est compris entre 0,78 et 1,00. Ce QER est proche de celui des sauropsides actuels, mais est bien plus faible que chez les oiseaux et la plupart des autres ornithischiens. Cela suggère que Thescelosaurus avait des capacités cognitives comparables aux sauropsides actuels, avec un faible degré d’interactions sociales.

Button et Zanno ont analysé l’oreille interne de Thescelosaurus, afin de déterminer la posture de sa tête ainsi que son degré d’agilité. Il en résulte qu’en posture dite d’alerte, Thescelosaurus tenait sa tête horizontalement, très légèrement inclinée ventralement. Cette posture de tête diffère des ankylosaures, des cératopsiens et des hadrosauridés, mais se rapproche de celle des dryosauridés. Le degré d’agilité de Thescelosaurus demeure controversé, car selon les caractéristiques de l’oreille interne prises en compte, Button et Zanno obtiennent différents résultats contradictoires.

Thescelosaurus présente des adaptations morphologiques pour un comportement fouisseur, mais sa grande taille et le manque de preuves met en doute cette hypothèse. Plusieurs membres d’Orodrominae, une sous-famille des thescelosauridés, sont sans aucun doute des genres fouisseurs car ils ont été découverts dans des terriers, y compris des genres de taille proche de celle de Thescelosaurus. Button et Zanno constatent que la neuroanatomie de Thescelosaurus soutient l’hypothèse d’une écologie de fouisseur, avec son QER réduit, son odorat performant, sa mauvaise ouïe et sa posture de tête. L’ensemble de ces données conduisent à penser que Thescelosaurus vivait lui aussi dans des terriers, bien que seules des preuves directes permettront de s’en assurer.

Thescelosaurus présente une combinaison unique d’une plage auditive limitée, d’un rapport olfactif élevé et d’un QER réduit. Il a été suggéré que Thescelosaurus se nourrissait en cherchant des végétaux dans le sol. Cela se base sur la robustesse de ses membres antérieurs et la fusion de ses prémaxillaires. Cette écologie est caractéristique d’animaux avec une mauvaise audition mais un très bon odorat. La neuroanatomie de Thescelosaurus semble donc confirmer cette écologie alimentaire suggérée. De plus, la mauvaise audition de Thescelosaurus indique qu’il devait peu vocaliser, ce qui est compatible avec des comportements sociaux limités suggérés par son QER.
Références : Button, D.J.; Zanno, L.E., 2023, Neuroanatomy of the late Cretaceous Thescelosaurus neglectus (Neornithischia: Thescelosauridae) reveals novel ecological specialisations within Dinosauria. Science Reports. 13: 19224.
Boyd, C.A., 2014, The cranial anatomy of the neornithischian dinosaur Thescelosaurus neglectus. PeerJ. 2: e669.
Toutes les images proviennent de Button et Zanno, 2023 à l’exception de la première qui comprend une figure de Boyd, 2014, et de la septième qui est une oeuvre de GetAwayTrike