Les thalattosuchiens sont un groupe de crocodylomorphes divisés en deux superfamilles : les Teleosauroidea et les Metriorhynchoidea. Ce groupe comprend des genres semi-aquatiques et entièrement aquatiques, et les metriorhynchoidés dérivés sont les seuls genres de crocodylomorphes connus vivant en haute mer. L’Italie était recouverte par l’océan Téthys au cours du jurassique, mais les restes de thalattosuchiens qui y ont été découverts sont rares. La plupart des découvertes ont été faites dans le jurassique moyen-supérieur de la formation géologique de Rosso Ammonitico Veronese (Friuli-Venezia Giulia, Italie).

En 1787, un crâne partiel (MGP-PD 26552) de crocodylomorphe fut découvert dans l’Oxfordien de la formation géologique de Rosso Ammonitico Veronese. Il s’agit de la première mention d’un thalattosuchien du jurassique italien. En 1883, De Zigno baptisa ce spécimen Steneosaurus barettoni, mais ne le décrivit pas. Dans la même étude, De Zigno donna le nom de Plesiosaurus italicus à deux vertèbres (MGP-PD 6761 et MGP-PD 6572) de l’Oxfordien-Kimméridgien de la formation géologique de Rosso Ammonitico Veronese. Ces deux noms n’étant pas accompagnés de description, il s’agit de deux nomen nudum.

En 1890, Omboni décrivit Steneosaurus barettoni, rendant ainsi ce nom valide. Cette espèce italienne de Steneosaurus fut ensuite longtemps considérée valide. La description d’un nouveau spécimen de thalattosuchien italien remonte ensuite à 1956, quand Leonardi décrivit un crâne partiel associé à des vertèbres (MGGC 8846/1UCC123a-b, MPPPL 35–39) du Bajocien-Bathonien de la formation géologique de Rosso Ammonitico Veronese. Leonardi attribua alors ce spécimen à Metriorhynchus. En 1994, Sirna décrivit un squelette postcrânien partiel (MGP-PD 27566) comme un spécimen de Steneosaurus sp. Ce spécimen provient du Bajocien de la formation géologique de Rosso Ammonitico Veronese.

En 1996, Bizzarini remit en question l’attribution de Steneosaurus barettoni au genre Steneosaurus, et suivit l’avis de Sirna en référant MGP-PD 27566 à Steneosaurus sp. Bizzarini décrivit également une mandibule partielle (FOS03839) trouvée dans le Bajocien-Callovien de la formation géologique de Rosso Ammonitico Veronese. Il référa alors FOS03839 à Metriorhynchidae indet. En 2009, Young et Andrade attribuèrent MGGC 8846/1UCC123a-b, MPPPL 35–39 à Geosaurus. En 2011, ce spécimen fut désigné par Cau et Fanti comme l’holotype du nouveau genre de metriorhynchidé Neptunidraco, avec N. ammoniticus pour espèce.

En 2014, Cau assigna à Neptunidraco sp. l’holotype (MGP-PD 26552) de « Steneosaurus » barettoni et la mandibule FOS03839 attribuée à Metriorhynchidae indet par Bizzarini. En 2016, Cau et Fanti attribuèrent l’holotype (MGP-PD 26552) de « Steneosaurus » barettoni à Neptunidraco ammoniticus. Ils assignèrent également les vertèbres MGP-PD 6761 et MGP-PD 6572 (appelées « Plesiosaurus italicus » par De Zigno) à Thalattosuchia indet. De plus, ils notèrent que la vertèbre MGP-PD 6572 est une chimère, constituée d’un centrum de thalattosuchien et d’un arc neural de plésiosaure.

En 2019, Cau constata que l’holotype (MGP-PD 26552) de « Steneosaurus » barettoni ainsi que la mandibule FOS03839 sont seulement assignables à Metriorhynchoidea indet. En 2022, Serafini et ses collègues décrivirent en détail le spécimen partiel MGP-PD 27566 (voir cet article), attribué à Steneosaurus par Sirna puis Bizzarini. Ils l’identifièrent comme un teleosauridé et l’attribuèrent à Aeolodontinae indet. Serafini et ses collègues redécrivent ainsi en détail tous ces spécimens, et décrivent trois nouveaux spécimens de thalattosuchiens provenant de la formation géologique de Rosso Ammonitico Veronese.

Serafini et ses collègues confirment l’assignation de l’holotype (MGP-PD 26552) de « Steneosaurus » barettoni à Metriorhynchoidea faite par Cau (2019). Ils considèrent que MGP-PD 26552 peut représenter un metriorhynchidé geosauriné, mais que le manque de matériel permet seulement de le référer à Metriorhynchidae indet.

Serafini et ses collègues émettent l’hypothèse que les deux vertèbres MGP-PD 6761 et MGP-PD 6572 (appelées « Plesiosaurus italicus » par De Zigno) soient des vertèbres caudales de metriorhynchidé. Toutefois, ces deux éléments sont mal conservés et isolés, ce qui ne permet pas d’être certain de cette attribution. Serafini et ses collègues réfèrent avec prudence MGP-PD 6761 et MGP-PD 6572 à Sauropsida indet. Ils confirment ensuite l’attribution de la mandibule FOS03839 à Metriorhynchoidea indet. faite par Cau (2019) et l’attribution du squelette MGP-PD 27566 à Aeolodontinae indet. faite par Serafini et al. (2022).

Serafini et ses collègues décrivent ensuite une mandibule partielle (MM 25.5.1078), découverte en 1966 dans le Bajocien de la formation géologique de Rosso Ammonitico Veronese. Ce spécimen était étiqueté “ittiosauro”, mais n’avait jamais été décrit. Cette mandibule présente des caractères permettant de l’attribuer à Metriorhynchoidea. Il semblerait qu’il s’agisse d’un spécimen relativement basal, moins dérivé que Zoneait. Serafini et ses collègues attribuent donc MM 25.5.1078 à Metriorhynchoidea indet.

Serafini et ses collègues décrivent ensuite un squelette partiel (MGP-PD 32438) composé du crâne partiel, de côtes et de vertèbres, découvert dans le Bajocien-Bathonien de la formation géologique de Rosso Ammonitico Veronese. Il a été découvert en 1986 par Francesco Massari, et listé comme un spécimen d’ichthyosaure en 2003 par Bizzarini 2003. MGP-PD 32438 est attribuable à Metriorhynchidae, et ressemble à plusieurs spécimens de Metriorhynchinae. Il présente trop peu de caractères pour être diagnostiqué, mais pourrait représenter un nouveau taxon. Serafini et ses collègues attribuent donc MGP-PD 32438 à Metriorhynchidae indet.

Serafini et ses collègues décrivent ensuite un squelette partiel (MCLSC T2), composé de nombreuses vertèbres, de côtes, d’éléments du bassin et des membres postérieurs. Il a été découvert dans les années 1990 sur un bloc de la digue de la lagune de Venise, un bloc provenant dans le Bajocien de la formation géologique de Rosso Ammonitico Veronese. MCLSC T2 est clairement un spécimen de metriorhynchoidé, mais le squelette postcrânien des metriorhynchoidés est méconnu. Par conséquent, MCLSC T2 ne peut pas beaucoup être comparé aux autres metriorhynchoidés. Serafini et ses collègues assignent donc MCLSC T2 à Metriorhynchoidea indet.

Les thalattosuchiens redécrits et décrits par Serafini et ses collègues sont tous des formes vivant en pleine mer. En plus de Neptunidraco, au moins quatre autres taxons sont présents : l’aeolodontiné MGP-PD 27566, le metriorhynchoidé basal MM 25.5.1078, le geosauriné potentiel MGP-PD 26552 (holotype de « Steneosaurus » barettoni et le metriorhynchiné MGP-PD 32438. Des comparaisons plus détaillées et de nouvelles découvertes permettront de donner des noms à ces taxons. Ils vivaient dans les eaux chaudes de l’océan Téthys, en compagnie de plésiosaures, du pliosauridé Anguanax et d’ichthyosaures.
Références : Serafini, G.; Foffa, D.; Young, M.T.; Friso, G.; Cobianchi, M.; Giusberti, L., 2023, Reappraisal of the thalattosuchian crocodylomorph record from the Middle-Upper Jurassic Rosso Ammonitico Veronese of northeastern Italy: Age calibration, new specimens and taphonomic biases. PLoS ONE. 18(10): e0293614.
De Zigno, A., 1883, Sui vertebrati fossili dei terreni mesozoici delle Alpi Venete. Nuovi saggi della Regia Accademia di Scienze Lettere ed Arti di Padova. 9: 315–326.
Omboni, G., 1890, Il coccodrillo fossile (Steneosaurus Barettoni, Zigno) di Treschè, nei Sette Comuni. Atti del Reale Istituto veneto di scienze lettere e arti, VIII. 1: 987–1006.
Leonardi, P., 1956, Notizie preliminari sul “Coccodrillo di Portomaggiore”. Bollettino della Società Geologica Italiana. 75: 88–90.
Sirna, G.; Dalla Vecchia, F.M.; Muscio, G.; Piccoli, G., 1994, Catalogue of Paleozoic and Mesozoic vertebrates and vertebrate localities of the Tre Venezie area (North Eastern Italy). Memorie di Scienze Geologiche. 46: 255–281.
Bizzarini, F., 1996, Sui resti di coccodrillo del Rosso Ammonitico Veronese di Sasso di Asiago (Altopiano dei Sette Comuni, Prealpi Venete). Annali del Museo Civico di Rovereto, Sezione: Archeologia, Storia, Scienze Naturali. 11: 339–348.
Bizzarini, F., 2003, L’ittiosauro del Museo Civico della Laguna Sud. Chioggia. Rivista di Studi e Ricerche, Chioggia. 23: 117–124.
Young, M.T.; Andrade, M.B., 2009, What is Geosaurus? Redescription of Geosaurus giganteus (Thalattosuchia, Metriorhynchidae) from the Upper Jurassic of Bayern, Germany. Zoological Journal of the Linnean Society. 157: 551–585.
Cau, A.; Fanti, F., 2011, The oldest known metriorhynchid crocodylian from the Middle Jurassic of north-eastern Italy: Neptunidraco ammoniticus gen. et sp. nov. Gondwana Research. 19: 550–565.
Cau, A., 2014, The affinities of ‘Steneosaurus barettoni’ (Crocodylomorpha, Thalattosuchia), from the Jurassic of Northern Italy, and implications for cranial evolution among geosaurine metriorhynchids. Historical Biology. 26: 433–440.
Cau, A.; Fanti, F., 2016, High evolutionary rates and the origin of the Rosso Ammonitico Veronese Formation (Middle–Upper Jurassic of Italy) reptiles. Historical Biology. 28: 952–962.
Cau, A., 2019, A revision of the diagnosis and affinities of the metriorhynchoids (Crocodylomorpha, Thalattosuchia) from the Rosso Ammonitico Veronese Formation (Jurassic of Italy) using specimen-level analyses. PeerJ. 7: e7364.
Serafini, G.; Gordon, C.M.; Foffa, D.; Cobianchi, M.; Giusberti, L., 2022, Tough to digest: first record of Teleosauroidea (Thalattosuchia) in a regurgitalite from the Upper Jurassic of northeastern Italy. Papers in Palaeontology. 8(6): e1474.
Toutes les images proviennent de Serafini et al., 2023, à l’exception de la première qui provient de Cau et Fanti, 2016, et de la troisième et de la sixième qui proviennent de Serafini et al., 2022