Nouveau proterosuchidé : Samsarasuchus

En 1860, William Blanford et Ambrose Tween mirent au jour de nombreux restes fossiles dans l’Induen de la formation géologique de Panchet (Bengale occidental, Inde). En 1865, Huxley décrivit ces fossiles et parmi eux, un fragment de mâchoire (GSI 2259) qu’il désigna comme l’holotype du nouveau genre Ankistrodon, avec A. indicus pour espèce. Il classa alors Ankistrodon chez les dinosaures. Huxley décrivit également plusieurs vertèbres cervicales, dorsales, sacrales et caudales qu’il considéra comme appartenant à une seule espèce énigmatique. Il nota des similitudes avec les vertèbres de l’archosauromorphe Protorosaurus, mais préféra les référer au cynodonte Dicynodon.

Dessin interprétatif de l’holotype (GSI 2259) d’Ankistrodon indicus, par Lydekker (1888)

En 1885, Lydekker remplaça le nom Ankistrodon par Epicampodon, car il pensait que le nom d’Ankistrodon était déjà employé. Ainsi vu le jour la nouvelle combinaison E. indicus. Il s’est toutefois avéré par la suite qu’il n’en était rien, et que le nom d’Ankistrodon utilisé par Huxley était bien valide, faisant d’Epicampodon un nomen vanum. En 1888, Lydekker a classé Ankistrodon chez les anchisauridés (alors considérés comme des dinosaures carnivores). En 1906, von Huene synonymisa le genre avec Thecodontosaurus (lui aussi alors considéré comme un théropode), créant ainsi la combinaison T. indicus.

Photographies de l’holotype (GSI 2259) d’Ankistrodon indicus, référé à cf. Proterosuchidae indet. par Ezcurra et ses collègues et appartenant très probablement à Samsarasuchus pamelae

En 1942, von Huene préféra synonymiser Ankistrodon au genre de proterosuchidé Chasmatosaurus, créant la combinaison C. indicus. Alors que la synonymie d’Ankistrodon avec Thecodontosaurus n’avait pas beaucoup été suivie dans la littérature scientifique, celle d’Ankistrodon avec Chasmatosaurus fut acceptée par les études suivantes. von Huene a également redécrit les vertèbres attribuées à Dicynodon par Huxley, qu’il a référé à Chasmatosaurus indicus. En 1970, Charig et Reig ont déclaré que l’holotype d’Ankistrodon indicus ne possédait pas de caractères diagnosticables, et était par conséquent un nomen dubium. Ils ont donc attribué les vertèbres redécrites par von Huene à Chasmatosaurus sp.

Photographies de plusieurs vertèbres référées à Dicynodon par Huxley, et désormais référées à : Samsarasuchus pamelae (A- vertèbre cervicale GSI 2110 ; B- vertèbre cervicale GSI 2111 ; C- vertèbre dorsale GSI 2116 ; D- vertèbre dorsale GSI 2117 ; I- vertèbre dorsale GSI 2261), à Chasmatosuchinae indet. (E- vertèbre caudale GSI 2121 ; F- vertèbre caudale GSI 2122 ; G- vertèbre caudale GSI 2123) et à cf. Proterosuchidae indet. (H- vertèbre caudale GSI 2119) par Ezcurra et ses collègues

En 1957, une équipe de paléontologues dirigée par Pamela Robinson effectua des fouilles dans la formation géologique de Panchet. En 1963, Hughes mentionna que cette expédition avait mis au jour des éléments de Chasmatosaurus indicus. En 1964, Satsangi a décrit un dentaire droit et un dentaire gauche associés (GSI 18123 et GSI 18124) et un ilion (GSI 18125) provenant de a formation géologique de Panchet. Il a alors référé ces trois spécimens à Chasmatosaurus sp. Des études suivantes ont mis en évidence le fait que Chasmatosaurus était en réalité un synonyme junior de Proterosuchus. Les spécimens précédemment mentionnés ont alors été considérés comme des spécimens de Proterosuchus.

Photographies des spécimens référés à Chasmatosaurus sp. par Satsangi (1964) (h-g : dentaire GSI 18123 ; a-f : dentaire GSI 18124 ; à droite : ilium GSI 18125) ; l’ilium GSI 18125 a été référé à Proterosuchidae indet. et les dentaires GSI 18123 et GSI 18124 à cf. Proterosuchidae indet. par Ezcurra et ses collègues. Ils appartiennent très probablement à Samsarasuchus pamelae

En 2021, Pal décrivit une vertèbre cervicale (PGRU/GL/M/VF-002), une vertèbre caudale (PGRU/GL/M/VF-003) et l’extrémité distale d’un humérus gauche (PGRU/GL /M/VF-001) de la formation géologique de Panchet. Il référa ces spécimens à Proterosuchus sp.

Photographies des spécimens référés à Proterosuchus sp. par Pal (2021) (a- humérus gauche PGRU/GL /M/VF-001 ; b- vertèbre caudale PGRU/GL/M/VF-003 ; c- vertèbre cervicale PGRU/GL/M/VF-002) ; la vertèbre cervicale PGRU/GL /M/VF-002 a été référée à Samsarasuchus pamelae tandis que l’humérus PGRU/GL /M/VF-001 et la vertèbre caudale PGRU/GL /M/VF-003 ont été référés à cf. Proterosuchidae indet. par Ezcurra et ses collègues. Ils appartiennent très probablement aussi à Samsarasuchus pamelae

Dans les années 1990 et en 2015, de nouvelles fouilles dans la formation géologique de Panchet mirent au jour d’autres fossiles de proterosuchidés. Ezcurra et ses collègues redécrivent ainsi les spécimens de proterosuchidés de la formation géologique de Panchet ainsi que ces nouveaux spécimens. Cette redescription leur permet ainsi de baptiser le nouveau genre Samsarasuchus ( » crocodile du Saṁsāra », Saṁsāra étant le nom du cycle de renaissance des êtres dans l’hindouisme, faisant ainsi référence à la renaissance des écosystèmes après la crise Permien-Trias), avec S. pamelae pour espèce.

Photographies de la vertèbre cervicale holotype (ISIR 1091) de Samsarasuchus pamelae

L’holotype (ISIR 1091) de Samsarasuchus pamelae est une neuvième vertèbre cervicale presque complète. Ezcurra et ses collègues ont désigné un paratype (ISIR 1080), une quatrième vertèbre cervicale complète. Ils ont ensuite référé plusieurs éléments isolés à S. pamelae. Il s’agit des vertèbres cervicales isolées GSI 2109-2111 et GSI 2115 (référées à Dicynodon par Huxley), des vertèbres cervicales isolées NHMUK PV R37578, NHMUK PV R37587, NHMUK PV R37580, PGRU/GL/M/VF-002 (décrite par Pal en 2021), ISIR 1081-1090, des épines neurales isolées ISIR 1108 et ISIR 1100, des vertèbres dorsales GSI 2116, GSI 2117, GSI 2261 et GSI 2260 (référées à Dicynodon par Huxley), des vertèbres dorsales ISIR 1092-1099, ISIR 1101–1104, NHMUK PV R37583 et NHMUK PV R37577.

Photographies de la vertèbre cervicale paratype (ISIR 1080) de Samsarasuchus pamelae

Ezcurra et ses collègues ont ensuite décrit de nombreux éléments isolés ne pouvant pas directement être référés à Samsarasuchus pamelae du fait de l’absence de chevauchement anatomique. Toutefois, il est presque certain que l’ensemble de ce matériel représente S. pamelae. Un carré droit (ISIR 1077), deux humérus gauche (ISIR 1127 et ISIR 1128) et deux iliums gauche (GSI 18125, décrit par Satsangi en 1964, et NHMUK PV R10149) ont été attribués à Proterosuchidae indet. Les vertèbres caudales GSI 2121-2123 (référées à Dicynodon par Huxley) ainsi que les vertèbres caudales ISIR 1113, ISIR 1114, ISIR 1115, ISIR 1117, NHMUK PV R37576 et NHMUK PV R37581 ont été attribuées à Chasmatosuchinae indet.

Photographies de plusieurs spécimens référés à Proterosuchidae indet. (a- humérus ISIR 1128 ; b- humérus ISIR 1127 ; c- ilium NHMUK PV R10149 ; d- carré GSI 2190 ; e- vertèbre ISIR 1117 ; f- vertèbre NHMUK PV R37581 ; g- vertèbre ISIR 1113) et à Chasmatosuchinae indet. par Ezcurra et ses collègues, représentant très probablement Samsarasuchus pamelae

Ezcurra et ses collègues ont référé plusieurs spécimens crâniens à cf. Proterosuchidae indet. Il s’agit de l’holotype (GSI 2259) d’Ankistrodon indicus, de fragments de maxillaires (GSI 2190, ISIR 1075 et ISIR 1076), des fragments de dentaires GSI 18123 et GSI 18124 (décrits par Satsangi en 1964) et d’un morceau de carré gauche (ISIR 1078).

Photographies de plusieurs spécimens crâniens référés à cf. Proterosuchidae indet. par Ezcurra et ses collègues (b- maxillaire ISIR 1076 ; c- maxillaire ISIR 1075 ; d- maxillaire GSI 2190 ; e- carré ISIR 1078), représentant très probablement Samsarasuchus pamelae ; Dessin interprétatif du maxillaire reconstitué à partir des spécimens de proterosuchidés (très probablement Samsarasuchus pamelae) de la formation géologique de Panchet (a)

Enfin, Ezcurra et ses collègues ont référé plusieurs spécimens postcrâniens à cf.  Proterosuchidae indet. Il s’agit de deux axis (ISIR 1079 et NHMUK PV R37582), de vertèbres dorsales (NHMUK PV R37584, NHMUK PV R37586, ISIR 1105-1107 et ISIR 1112), de vertèbres sacrales (GSI 2118, GSI 2120, ISIR 1109-1111, NHMUK PV R37579 et ISIR 1116), d’une côte sacrale (NHMUK PV R37585), des vertèbres caudales GSI 2124-2126 et GSI 2119 (référées à Dicynodon par Huxley), ISIR 1118-1123 et PGRU/GL/M/VF-003 (décrite par Pal en 2021), de centrums (ISIR 1124-1126), des humérus partiels PGRU/GL/M/VF-001 (décrit par Pal en 2021) et ISIR 1129, d’une extrémité distale de métatarsien IV gauche (ISIR 1130) et d’une phalange unguéale (ISIR 1131).

Photographies de plusieurs spécimens postcrâniens référés à cf. Proterosuchidae indet. par Ezcurra et ses collègues (a- axis NHMUK PV R37582 ; b- axis ISIR 1079 ; c- métatarsien ISIR 1130 ; d- vertèbre caudale ISIR 1120 ; e- vertèbre dorsale NHMUK PV R37586 ; f- vertèbre dorsale ISIR 1105 ; g- vertèbre dorsale 1107 ; h- unguéal ISIR 1131 ; i- vertèbre sacrale NHMUK PV R37579 ; j- vertèbre sacrale ISIR 1111), représentant très probablement Samsarasuchus pamelae

Si l’ensemble de ces spécimens représente bien un unique genre, à savoir Samsarasuchus, alors le nom Ankistrodon indicus pourra être considéré comme un synonyme senior de S. pamelae. Tous ces restes étant isolés, Ezcurra et ses collègues sont prudents et attendant la découverte de spécimens articulés pour porter une conclusion définitive et fiable à ce sujet. L’analyse d’Ezcurra et ses collègues s’est essentiellement concentrée sur l’aspect taxonomique, sans discuter les aspects paléoécologiques des spécimens de Samsarasuchus. Ainsi, une pathologie a été identifiée sur la vertèbre GSI 2111 (référée à S. pamelae), sans toutefois être décrite.

Reconstitution de la partie connue colonne vertébrale de Samsarasuchus pamelae

Ezcurra et ses collègues ont entrepris de réviser la taxonomie des proterosuchidés suite à leurs analyses (voir cet article). Ils ont ainsi identifié une nouvelle sous-famille au sein des proterosuchidés, qu’ils ont baptisé Chasmatosuchinae. L’analyse phylogénétique d’Ezcurra et ses collègues a donc classé Samsarasuchus comme un chasmatosuchiné basal, mais plus dérivé que Vonhuenia.

Résultats de l’analyse phylogénétique d’Ezcurra et ses collègues, classant Samsarasuchus comme un proterosuchidé chasmatosuchiné

Samsarasuchus fait partie des proterosuchidés les plus grands, bien que sa taille exacte ne puisse être estimée avec confiance, elle devait s’approcher des 3 mètres de longueur. C’était un prédateur semi-aquatique qui vivait près de cours d’eau aux flots puissants. Samsarasuchus cohabitait avec des temnospondyles, des cynodontes, des neodiapsides basaux et d’autres archosauromorphes.

Reconstitution du vivant de Samsarasuchus

Références : Ezcurra, M.D.; Bandyopadhyay, S.; Sengupta, D.P., Sen, K.; Sennikov, A.G.; Sookias, R.B.; Nesbitt, S.J.; Butler, R.J., 2023, A new archosauriform species from the Panchet Formation of India and the diversification of Proterosuchidae after the end-Permian mass extinction. Royal Society open science. 10: 230387.

Huxley, T.H., 1865, On a collection of vertebrate fossils from the Panchet Rocks, Ranigunj. Bengal. Memoirs of the Geological Survey of India. 3: 1-24.

Lydekker, R., 1885, The Reptilia and Amphibia of the Maleria and Denwa Groups. Memoirs of the Geological Survey of India, Palaeontologica Indica, Ser. IV, Indian Pretertiary Vertebrata. 1: 1-38.

Lydekker, R., 1888, Catalogue of the fossil reptilia and amphibia in the British museum (natural history): part 1. London, UK: British Museum.

von Huene, F., 1906, Über die Dinosaurier der aussereuropäischen Trias. Geologie und Paläontologie Abhandlungen. 8: 99-156.

von Huene, F., 1942, Die Fauna der Panchet-Schichten in Bengalen. Zentralblatt für Mineralogie, Geologie und Paläontologie. 1942: 354-360.

Charig, A.J.; Reig, O.A., 1970, The classification of the Proterosuchia. Biological Journal of the Linnean Society. 2: 125-171.

Hughes, B., 1963, The earliest archosaurian reptiles. South African Journal of Science. 59: 221-241.

Satsangi, P.P., 1964, A note on Chasmatosaurus from the Panchet Series of Raniganj Coalfield, India. Current Science. 33: 651-652.

Pal, S., 2021, Fossil remains of proterosuchian from the Panchet Formation, Damodar valley of India. Current Science. 120: 1749-1752.

Toutes les images proviennent d’Ezcurra et al., 2023, à, l’exception de la première qui provient de Lydekker, 1888 et de la cinquième qui provient de Pal, 2021

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