En 1983, le squelette partiel d’un pliosaure fut découvert par des fouilles menées dans le Bajocien de la formation géologique des Marnes de Gravelotte (Lorraine, France). Le spécimen a reçu le numéro de catalogue MNHNL BU159 et a été brièvement décrit en 1994 par Godefroit, qui en a fait l’holotype de la nouvelle espèce Simolestes keileni. Cette espèce a ensuite reçu très peu d’attention, à l’exception de Noè qui a remis en cause son attribution au genre Simolestes dans sa thèse en 2001. Sachs et ses collègues redécrivent ainsi cette espèce et constatent qu’elle doit recevoir son propre genre : Lorrainosaurus (« lézard de la Lorraine »), avec la nouvelle combinaison L. keileni.

L’holotype (MNHNL BU159) de Lorrainosaurus keileni est un squelette partiel qui se compose d’un fragment de maxillaire, de la mâchoire inférieure presque complète, de 4 dents, d’une côte cervicale, de fragments de côtes dorsales et de gastralias, d’un élément mésopodial, d’une phalange, du coracoïde gauche et de fragments osseux non identifiables. Sachs et ses collègues notent que les éléments de MNHNL BU159 présentent une bioérosion faite par des vers serpulidés et des bivalves, indiquant que le cadavre est resté quelques temps exposé au fond de l’eau.

L’analyse phylogénétique de Sachs et ses collègues a classé Lorrainosaurus chez les pliosauridés, mais dans une position très éloignée de Simolestes. En effet, alors que Simolestes est un Thalassophonea basal, Lorrainosaurus se trouve dans une position plus dérivée. Sachs et ses collègues ont placé Lorrainosaurus à la base de Brachaucheninae, en taxon-soeur d’un spécimen de Suisse, PIMUZ A/III0521. Ils n’ont pas exploré la relation entre PIMUZ A/III0521 et Lorrainosaurus, PIMUZ A/III0521 pouvant représenter un genre distinct ou bien un spécimen référable à Lorrainosaurus.

Lorrainosaurus se caractérise par une symphyse mandibulaire élargie et légèrement allongée, en forme de spatule. Cette morphologie se retrouve chez d’autres pliosauridés comme Simolestes et Acostasaurus. Les surfaces externes des dentaires de Lorrainosaurus sont perforées de nombreux petits foramens, qui sont les témoins de la présence d’un système sensoriel dermique. Ce système sensoriel était un atout supplémentaire pour chasser, et est courant chez les pliosauridés, et se retrouve chez les ichthyosaures ou les crocodylomorphes. Sachs et ses collègues notent que le crâne de Lorrainosaurus était allongé et peu résistant au stress mécanique, ce qui améliorait son hydrodynamisme et lui permettait des morsures précises rapides.

Sachs et ses collègues ont également réalisé une analyse morphométrique des dents des pliosauroidés, afin de déterminer l’écomorphologie de Lorrainosaurus. Cela permet de savoir avec quels taxons Lorrainosaurus présente le plus de similitudes au niveau des dents, et donc au niveau de l’écologie alimentaire. Il en résulte que parmi les dents des pliosauridés, les dents de Lorrainosaurus ont une morphologie similaire à celles de Brachauchenius, Pachycostasaurus et un taxon sans nom (« Maryevka pliosaurid »). Ces quatre taxons possèdent des dents coniques, leur permettant de se nourrir de gros poissons et de petits sauropsides marins.

Lorrainosaurus était un pliosauridé d’assez grande taille, puisqu’il mesurait un peu plus de 4,5 mètres de longueur. Cela fait de lui l’un des premiers pliosauridés à atteindre des dimensions de grand prédateur. De plus, il s’agit du plus vieux représentant des brachaucheninés. Lorrainosaurus était probablement le plus grand prédateur de son environnement, et cohabitait avec des plésiosaures et des crocodylomorphes thalattosuchiens.

Références : Sachs, S.; Madzia, D.; Thuy, B.; Kear, B.P., 2023, The rise of macropredatory pliosaurids near the Early-Middle Jurassic transition. Science Reports. 13: 17558.
Godefroit, P., 1994, Simolestes keileni sp. nov., un Pliosaure (Plesiosauria, Reptilia) du Baiocien supérieur de Lorraine (France). Bulletin des Académie et Société Lorraines des Sciences. 33: 77–95.
Noè, L.F., 2001, A taxonomic and functional study of the Callovian (Middle Jurassic) Pliosauroidea (Reptilia, Sauropterygia). Chicago.
Toutes les images proviennent de Sachs et al., 2023 à l’exception de la quatrième qui comporte une image du Muséum d’Histoire Naturelle du Luxembourg