Le mode de nage thunniforme est un mode de nage rapide qui se base sur une propulsion par une queue en forme de croissant. Les grands vertébrés marins qui ont adopté ce mode de nage présentent tous une convergence évolutive au niveau de leur queue. Les groupes concernés sont les thons, les requins lamnidés, les baleines néocètes et les ichthyosaures thunnosauriens. Les mosasaures et les crocodylomorphes thalattosuchiens sont potentiellement eux aussi des nageurs thunniformes, mais des études supplémentaires sont nécessaires pour le confirmer. Jusque là les études sur la convergence évolutive des nageurs thunniforme ne s’est faite que par paires. Motani et Shimada étudient ainsi la convergence évolutive de la queue de ces quatre grands groupes de nageurs thunniformes.

Motani et Shimada ont analysé un échantillon qui comprend 63 requins actuels, sept cétacés actuels, trois ichtyosaures (la forme basale Chaohusaurus brevifemoralis et les thunnosauriens Ophthalmosaurus icenicus et Stenopterygius quadriscissus) et deux poissons scombridés (famille des thons). Tous les nageurs thunniformes de cet échantillon présentent des convergences évolutives qui ne se retrouvent pas chez les formes non thunniformes. Une modification de la taille des vertèbres caudales se fait notamment au niveau du pédoncule (partie de la queue qui soutient la nageoire caudale), qui permet la présence d’une articulation pédonculaire (articulation supplémentaire entre le pédoncule et la nageoire caudale).

Le plan corporel des nageurs thunniformes présente des caractéristiques communes qui se retrouvent chez les thons, les requins lamnidés, les baleines néocètes et les ichthyosaures thunnosauriens. Cela comprend un corps fusiforme, un pédoncule caudal comprimé qui porte une nageoire caudale lunaire et une articulation pédonculaire. Ces caractéristiques sont toutes liées à l’efficacité de la nage : la forme du corps et de la queue réduisent la traînée, le pédoncule réduit les effets négatifs des tourbillons de l’eau et l’articulation pédonculaire améliorant simultanément l’efficacité propulsive.

Motani et Shimada ont également proposé une explication à l’apparition de la nage thunniforme. En effet, celle-ci se développe pour la première fois dans l’histoire évolutive des vertébrés chez les ichthyosaures, au début du jurassique. Elle apparait ensuite chez les lamnidés au crétacé, puis au Cénozoïque pour les thons et les cétacés. La nage thunniforme permet d’atteindre de grandes vitesses, et de se spécialiser dans la chasse aux espèces rapides : les céphalopodes et les poissons téléostéens. Ces deux clades de proies sont devenus abondants seulement au Jurassique, et avant ça aucune proie n’était très rapide dans le milieu pélagique. L’extinction des ichtyosaures au Cénomanien a d’ailleurs pu libérer une niche écologique de nageur thunniforme pour les requins lamnidés.
Référence : Motani, R.; Shimada, K., 2023, Skeletal convergence in thunniform sharks, ichthyosaurs, whales, and tunas, and its possible ecological links through the marine ecosystem evolution. Science Reports. 13: 16664.
Toutes les images proviennent de Motani et Shimada, 2023 à l’exception de la dernière qui est une œuvre de Scott Hartman