Les archosauromorphes sont un groupe de sauropsides très divers, regroupant des groupes bien connus comme les tortues, les crocodiliens et les dinosaures. Nombreux sont les groupes d’archosauromorphes qui se sont adaptés à la vie aquatique ou semi-aquatique au cours du Mésozoïque. On compte notamment les sauropterygiens, les crocodylomorphes, les choristodères, les phytosaures ou encore certains spinosauridés. Parmi les adaptations à la vie aquatique ou semi-aquatique, ces groupes ont développé une morphologie caudale spécialisée. La queue joue en effet un rôle très important dans la nage, en servant de moyen de propulsion ou de direction. Sennikov analyse ainsi les différentes adaptations de la queue des archosauromorphes à la vie aquatique ou semi-aquatique.

Chez les archosauromorphes, les genres spécialisés dans un mode de vie aquatique présentent très souvent une queue haute comprimée latéralement. Ils nageaient donc en utilisant des mouvements horizontaux de la queue. L’archosauromorphe basal Protorosaurus, les phytosaures, les crocodylomorphes, le poposauroidé Qianosuchus ou encore le théropode Spinosaurus en sont de bons exemples. En revanche, les tanystropheidés possédaient une queue large et plate à l’avant, suggérant une nage basée sur des mouvements verticaux de la queue. Il est possible d’observer l’évolution progressive des mouvements horizontaux de la queue vers des mouvements verticaux chez ce groupe. Macrocnemus, tanystropheidé basal, présente une morphologie caudale de transition entre ces deux modes de mouvements.

Sennikov indique que chez les premiers sauropterygiens, les adaptations morphologiques de la queue indiquent une natation par mouvements horizontaux de la queue. En revanche, les eusauropterygiens, les placodontes et les saurosphargidés montrent des queues aplaties horizontalement. Cette morphologie caudale soutient l’hypothèse que ces groupes utilisaient des mouvements verticaux de la queue pour nager. Les plésiosaures présentent même une sorte de « pygostyle » caudal, qui permettait se supporter une nageoire caudale rhomboïdale. Malgré une nage caudale basée sur des mouvements verticaux, les sauropterygiens ont pu utiliser des mouvements horizontaux afin de manœuvrer.

Sennikov note que chez certains choristodères comme Champsosaurus ou Irenosaurus, la base de la queue était large et plate, comme leur tronc. Cela permettait principalement la mobilité verticale et limitait les mouvements horizontaux à la base de la queue. Cependant, la partie médiane de la queue était légèrement comprimée latéralement chez certains choristodères comme Champsosaurus et Khurendukhosaurus. Cela pourrait être la preuve d’une mobilité horizontale de la queue pendant la nage. Sennikov en conclut que le mode de nage au niveau de la queue des choristodères était très spécialisé. Il indique que sa nature et son fonctionnement pourraient être l’objet de futures études.

Sennikov analyse en profondeur la morphologie caudale des membres de Proterochampsia, car il s’agit d’archosauromorphes semi-aquatiques spécialisés. Chez les doswelliidés, la queue était horizontalement aplatie et large, mais cet élargissement diminuait en allant vers l’extrémité de la queue. La morphologie des vertèbres caudales des doswelliidés indique une flexibilité latérale limitée et la possibilité de courbures verticales de la queue. A l’origine, ces caractéristiques étaient supposées permettre aux doswelliidés de se recroqueviller comme un tatou. Sennikov pense plutôt que les doswelliidés utilisaient cette morphologie pour nager à l’aide des courbures verticales de leur queue. Il note que les doswelliidés Litorosuchus et Vancleavea font figure d’exception, car leur queue est haute et aplatie latéralement. Ces deux genres nageaient donc par des mouvements caudaux horizontaux.

Pour ce qui est des proterochampsidés, Sennikov indique que l’écologie de ce groupe est encore débattue, car ils ont un crâne spécialisé pour la vie semi-aquatique, mais des membres spécialisés pour la course. Il note que la queue des proterochampsidés était longue, large et aplatie horizontalement jusqu’à son extrémité, formant une nageoire horizontale. C’est selon lui un argument en faveur d’une écologie semi-aquatique des proterochampsidés. Ils auraient nagé grâce à des mouvements verticaux de la queue, et manœuvré avec des mouvements horizontaux. Sennikov compare le mode de nage des proterochampsidés avec celui de la loutre géante actuelle. En effet, cette loutre est une excellente nageuse, mais elle se déplace aussi très habilement sur terre.

Référence : Sennikov, A.G., 2023, Some Morphofunctional Features of the Tail of Early Archosaurs Related to Swimming Adaptations. Paleontological Journal. 57: 432–451.
Toutes les images proviennent de Sennikov, 2023