Temnodontosaurus est un genre d’ichthyosaure temnodontosauridé connu du jurassique inférieur d’Allemagne, d’Angleterre, de France et du Luxembourg. Sept espèces sont actuellement considérées comme valides : T. nuertingensis, T. platyodon (l’espèce-type), T. eurycephalus, T. trigonodon, T. zetlandicus, T. azerguensis et T. crassimanus. Temnodontosaurus présente des carènes aux dents, indiquant que c’était un prédateur de grandes proies. Le genre présente également une variation considérable de la forme du crâne et des contenus stomacaux préservés, ce qui suggère que les espèces de ce genre n’ont pas toutes eu la même écologie alimentaire. Bennion et ses collègues analysent ainsi la morphologie du crâne et des dents des espèces de Temnodontosaurus, afin de connaître leur écologie alimentaire.

Bennion et ses collègues ont analysé la morphologie du crâne et des dents des holotypes de six espèces de Temnodontosaurus (T. eurycephalus, T. platyodon, T. trigonodon, T. nuertingensis, T. zetlandicus et T. crassimanus). Ils ont également analysé des spécimens référés à ces espèces, ainsi que des spécimens d’autres ichthyosaures afin de comparer leurs résultats. Bennion et ses collègues ont noté la nature du contenu stomacal des spécimens de Temnodontosaurus qui en préservaient un. Ils notent que les holotypes de T. zetlandicus et T. crassimanus sont trop mal conservés pour que leurs dents soient analysées. Ils font finalement remarquer que T. azerguensis n’a pas été analysé car aucune dent n’en est connu, et il est possible que cette espèce soit édentée.

Bennion et ses collègues ont identifié la présence de différents morphotypes dentaires parmi les espèces analysées. L’espèce Temnodontosaurus platyodon présente des dents des morphotypes A et B. T. eurycephalus présente uniquement des dents du morphotype B. T. nuertingensis présente uniquement des dents du morphotype C. Enfin, T. trigonodon présente des dents des morphotypes D et E. En guise de comparaison, Ichthyosaurus et Protoichthyosaurus ont des dents du morphotype A. Les morphotypes A, B, D et E sont bien adaptés pour découper, avec des carènes bien développées. En revanche, le morphotype C ne possède pas de carènes, et n’était pas adapté pour couper.

Bennion et ses collègues ont réalisé une analyse morphométrique prenant en compte à la fois la morphologie crânienne et la morphologie dentaire des spécimens analysés de Temnodontosaurus. T. trigonodon présente un morphospace très large, alors que T. eurycephalus possède un morphospace distinct des autres espèces de Temnodontosaurus. T. platyodon présente un morphospace disparate. T. risor possède lui aussi un morphospace distinct, alors que les spécimens de cette espèce étaient considérés comme des juvéniles de T. platyodon. Ces résultats montrent que la morphologie de T. eurycephalus est plus adaptée pour chasser de grandes proies que T. risor, T. trigonodon et T. platyodon.

Sur la base de leurs analyses morphologiques et morphométriques, Bennion et ses collègues suggèrent que Temnodontosaurus eurycephalus était un mégaprédateur. Un mégaprédateur est une taxon carnivore apte à chasser et à découper de grandes proies. T. eurycephalus présente plusieurs adaptations caractéristiques de cette écologie alimentaire. Il présente un museau court et haut, lui permettant de résister à la flexion et à la torsion pouvant être causées par une proie qui se débat. Son museau est également assez large, ce qui lui aurait conféré un bon avantage mécanique, c’est-à-dire une morsure puissante. Le morphotype dentaire de T. eurycephalus est particulièrement bien adapté pour découper efficacement.

Bennion et ses collègues considèrent que Temnodontosaurus trigonodon et T. platyodon sont des prédateurs généralistes. Ils ont des museaux allongés et assez larges, avec une résistance réduite au stress et à la torsion mais permettant un meilleur hydrodynamisme. Le museau allongé de T. trigonodon et T. platyodon leur permettait de capturer des proies rapides de petite taille. Ils présentent toutefois des dents capables de découper efficacement, permettant de chasser des proies plus grandes.

Bennion et ses collègues constatent que T. nuertingensis et T. azerguensis étaient des chasseurs de petites proies. En effet, ces deux espèces présentent des museaux allongés et effilés, avec une musculature mandibulaire plus faible. Ils auraient eu une force de morsure réduite, avec une faible résistance au stress mécanique. T. nuertingensis n’a pas de dents carénées, ce qui indique qu’elles ne pouvaient pas découper, et T. azerguensis était probablement édenté. Ces donnés morphologiques laissent supposer que T. nuertingensis et T. azerguensis chassaient des proies au corps mou, comme des céphalopodes et des petits poissons.

En plus d’évaluer l’écologie alimentaire de plusieurs espèces de Temnodontosaurus, Bennion et ses collègues ont fait des remarques taxonomiques. En effet, leurs résultats montrent que les spécimens de T. risor sont morphologiquement distincts de T. platyodon. Cela vient fragiliser l’hypothèse que T. risor est un synonyme de T. platyodon. Bennion et ses collègues indiquent qu’une révision taxonomique de ces spécimens est nécessaire pour connaitre le statut taxonomique de T. risor.

Référence : Bennion, R.F.; Maxwell, E.E.; Lambert, O.; Fischer, V., 2023, Craniodental ecomorphology of the large Jurassic ichthyosaurian Temnodontosaurus. Journal of Anatomy.
Motani, R., 2016, Palaeobiology: Born and Gone in Global Warming. Current Biology. 26(11): R466-R468.
Martin, J.E.; Fischer, V.; Vincent, P.; Suan, G., 2012, A longirostrine Temnodontosaurus (Ichthyosauria) with comments on Early Jurassic ichthyosaur niche partitioning and disparity. Palaeontology. 55(5): 995–1005.
Toutes les images proviennent de Bennion et al., 2023 à l’exception de la première qui provient de Motani, 2016 et de la septième qui provient de Martin et al., 2012