Nouvelle tortue : Gehennachelys

En 2012, Noto et ses collègues mentionnent les restes d’un nouveau taxon de tortue dans dans le Cénomanien de la formation géologique de Lewisville (Texas, Etats-Unis). Certains de ses spécimens présentent par ailleurs des marques de morsure de crocodylomorphe. En 2019, Adrian et ses collègues décrivent ce taxon comme une nouvelle espèce de Trinitichelys : « T. » maini. Ils notent alors que « T. » maini diffère de l’espèce-type T. hiatti et que son attribution au genre Trinitichelys est provisoire et incertaine, d’où les guillemets. La découverte de nouveaux spécimens depuis 2013 a permis à Adrian et ses collègues de redécrire « T. » maini dans son propre genre, qu’ils baptisent ainsi Gehennachelys (« tortue de Géhenna », un lac de feu et de soufre dans la Bible et qui fait référence au soufre présent dans les sédiments où Gehennachelys a été découvert).

Photographies et dessins interprétatifs de l’holotype (DMNH 2013-07-0712) de Gehennachelys maini

L’holotype (DMNH 2013-07-0712) de Gehennachelys maini est un morceau de plastron. Les spécimens référés à G. maini comprennent ceux qui ont été référés à « Trinitichelys » maini ainsi que ceux nouvellement référés par Adrian et ses collègues. Les spécimens référés en 2019 par Adrian et ses collègues comprennent une dossière partielle (DMNH 2013-07-0784), une plaque périphérique isolée (DMNH 2013-07-0499), une plaque nucale isolée (DMNH 2013-07-1711), des fragments de dossière (DMNH 2013-07-0696, DMNH 2013-07-0704, et DMNH 2013-07-0873) et deux fragments de plastron (DMNH 2013-07-1703 et DMNH 2013-07-1717).

Photographies et dessins interprétatifs du spécimen DMNH 2013-07-0784, référé à « Trinitichelys » maini par Adrian et al., 2019 et désormais référé à Gehennachelys maini

En 2023, Drumheller et ses collègues réfèrent à « Trinitichelys » maini plusieurs éléments mentionnés par Noto et ses collègues en 2012, qui n’avaient pas été mentionnés en 2019 par Adrian et ses collègues. Il s’agit de deux dossières partielles (DMNH 2013-07-0675 et DMNH 2013-07-0568), des fragments isolés de carapace (DMNH 2013-07-0783 et DMNH 2013-07-0710), plusieurs plaques périphériques (DMNH 2013-07-0560) et un fragment de plastron (DMNH 2013-07-0690). Ils mentionnent également une dossière partielle (DMNH 2013-07-0687) et un fragment de dossière (DMNH 2013-07-0685) sous le nom de « Trinitichelys » sp., qui représentent très probablement « T ». maini. Tous ces spécimens sont désormais référés à Gehennachelys maini.

Photographies des fragments de carapace DMNH 2013-07-0710 (A) et DMNH 2013-07-0783 (B), référés à « Trinitichelys » maini par Drumheller et al., 2023 et désormais référés à Gehennachelys maini ; les flèches blanches indiquent des marques de morsures faites par un crocodylomorphe (probablement Woodbinesuchus)

Les spécimens nouvellement référés à Gehennachelys maini par Adrian et ses collègues sont un squelette relativement complet (DMNH 2013-07-1942), une carapace complète (HMNS-10-TM), une carapace partielle (DMNH 2013-07-0784), une plaque costale isolée (DMNH 2013-07-0588), un coracoïde droit (DMNH 2013-07-1431), trois scapulas droites (DMNH 2013-07-0601, DMNH 2013-07-2005 et DMNH 2013-07-1369), une scapula gauche partielle (DMNH 2013-07-0533), une scapula gauche partielle associée à des fragments (DMNH 2013-07-0681) et une vertèbre cervicale (DMNH 2013-07-1924).

Photographies de plusieurs éléments du spécimen DMNH 2013-07-1942, référé à Gehennachelys maini

Adrian et ses collègues ont réalisé une analyse ostéohistologique de deux spécimens (DMNH 2013-07-0588 et DMNH 2013-07-1703) de Gehennachelys maini. Elle révèle que l’ostéohistologie de Gehennachelys est globalement similaire à celle des autres baenidés. Adrian et ses collègues notent que DMNH 2013-07-0588 est un spécimen adulte présentant au maximum 25 lignes d’arrêt de croissance. Ils signalent que DMNH 2013-07-1703 est un juvénile présentant au maximum 10 lignes d’arrêt de croissance.

Coupes ostéohistologiques des spécimens DMNH 2013-07-0588 (B) et DMNH 2013-07-1703 (A) de Gehennachelys maini ; on remarque les lignes d’arrêt de croissance de DMNH 2013-07-0588 (C- flèches bleues)

L’analyse phylogénétique réalisée par Adrian et ses collègues place Gehennachelys dans une position plus dérivée que Trinitichelys. Gehennachelys se retrouve au sein de Baenidae, dans une grande polytomie non résolue à la base de Baenodda avec Edowa, Plesiobaena et des genres de Palatobaeninae. Ce classement confirme les soupçons d’Adrian et ses collègues en 2019 qui avaient déjà classé « Trinitichelys » maini dans une position plus dérivée que Trinitichelys hiatti. Gehennachelys représente donc l’un des baenidés les plus dérivés du début du crétacé supérieur d’Amérique du Nord.

Résultats de l’analyse phylogénétique d’Adrian et ses collègues, classant Gehennachelys comme un baenidé proche de Baenodda et plus dérivé que Trinitichelys

En 2012, Noto et ses collègues ont noté la présence de nombreuses marques de morsures réalisées par des crocodylomorphes sur des éléments de carapace de tortue. Ces éléments sont désormais des spécimens référés à Gehennachelys maini. Les marques de morsure indiquent que Gehennachelys était une proie courante des crocodylomorphes, qui se nourrissaient en mordant les zones fragiles de la carapace. L’auteur de ces marques et donc le prédateur de Gehennachelys est très probablement le goniopholididé Woodbinesuchus.

Dessin de la carapace de la tortue (Gehennachelys) chassée par Woodbinesuchus, montrant les différentes localisations des traces de morsure sur les différents spécimens analysés ; photographies montrant des traces de morsure sur les spécimens DMNH 2013-07-0704 (A) et DMNH 2013-07-0696 (B)

Gehennachelys présente une carapace ovale hydrodynamique, modérément bombée avec un plastron relativement large. Son plastron est presque aussi grand que sa dossière, contrairement à nombreux autres baenidés. Le crâne de Gehennachelys est uniquement connu du spécimen DMNH 2013-07-1942, dont le crâne est écrasé. Les informations anatomiques disponibles sont donc limitées pour en déduire son écologie. Nous pouvons supposer que Gehennachelys était une tortue carnivore, chassant de petits vertébrés et des invertébrés aquatiques.

Reconstitution de la carapace de Gehennachelys maini

A l’âge adulte, Gehennachelys avait une carapace mesurant environ 40 centimètres de longueur, ce qui donne une longueur totale d’environ 70 centimètres. C’était un genre semi-aquatique qui vivait dans des zones de transition entre les zones d’eau douce et les environnements marins côtiers. Gehennachelys vivait dans des marécages et des cours d’eau saumâtres avec peu de courant. Il cohabitait avec d’autres tortues, des crocodylomorphes, des oiseaux, des squamates, l’hadrosauroidé Protohadros, des nodosauridés, des troodontidés, des dromaeosauridés, des carcharodontosauridés, des ornithomimosaures et des tyrannosauroidés.

Références : Adrian, B.; Smith, H.F.; Noto, C.R., 2023, A revision of « Trinitichelys » maini (Testudinata: Baenidae) and additional material of its new genus from the Lewisville Formation (Woodbine Group, Cenomanian), Texas, USA. Palaeontologia Electronica. 26(2): a28.

Noto, C.R.; Main, D.J.; Drumheller, S.K., 2012, Feeding traces and paleobiology of a Cretaceous (Cenomanian) crocodyliform: example from the Woodbine Formation of Texas. Palaios. 27: 105-115.

Adrian, B.; Smith, H.F.; Noto, C.R.; Grossman, A., 2019, A new baenid, « Trinitichelys » maini sp. nov., and other fossil turtles from the Upper Cretaceous Arlington Archosaur Site (Woodbine Formation, Cenomanian), Texas, USA. Palaeontologia Electronica. 22(3): 1-29.

Drumheller, S.K., Maddox, H.; Stocker, M.R.; Noto, C.R., 2023, Differentiating convergent pathologies in turtle shells using computed tomographic scanning of modern and fossil bone. Palaeontologia Electronica. 26(2): a15.

Toutes les images proviennent d’Adrian et al., 2023 à l’exception des deux premières qui proviennent d’Adrian et al., 2019 et de la troisième et de la septième qui proviennent de Noto et al., 2012

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