Allométrie de croissance des ailes de plusieurs ptérosaures

Tous les ptérosaures ont commencé leur vie en tant que nouveau-nés de quelques dizaines de centimètres d’envergure. Cette uniformité de la taille des très jeunes ptérosaures est liée aux contraintes de taille des œufs. En effet, les œufs de ptérosaures ont une coquille parcheminée, relativement fragile, et l’ouverture pelvienne des adultes était réduite, ce qui ne permettait pas de pondre des œufs trop gros. Malgré ces contraintes, les ptérosaures ont atteint des envergures géantes. On a longtemps pensé que l’augmentation de taille des ptérosaures était liée à une amélioration des performances de vol au cours de leur évolution. Yang et ses collègues cherchent ainsi à tester cette hypothèse en modélisant la croissance de plusieurs ptérosaures, et l’évolution de leurs performances de vol au cours de leur ontogénèse.

Photographie d’un œuf du ptérosaure Hamipterus et reconstitution squelettique de son embryon, par SassyPaleoNerd ; Reconstitution squelettique d’un Hamipterus adulte en comparaison de taille, par Dean Schnabel

Yang et ses collègues ont reconstruit la forme et la surface qu’ont pris les ailes de plusieurs ptérosaures au cours de leur croissance. Avec ces reconstitutions, ils ont construit un modèle biophysique permettant de déterminer leurs performances de vol. Yang et ses collègues ont étudié les performances de vol des anurognathidés et des genres Rhamphorhynchus, Pterodactylus, Sinopterus et Pteranodon. Ils ont débuté leur modélisation avec des juvéniles de 30 centimètres d’envergure, se terminant avec des adultes de 7 mètres d’envergure. Bien que seul Pteranodon atteint 7 mètres à l’âge adulte, cela permet d’uniformiser les résultats en hypothétisant des adultes de cette taille pour les autres genres.

Reconstitution des ailes des anurognathidés et des genres Rhamphorhynchus, Pterodactylus, Sinopterus et Pteranodon

Yang et ses collègues ont d’abord analysé les changements de proportion dans les différents os des ailes au cours de la croissance de ces ptérosaures. Ces changements de proportion au cours de la croissance se désignent sous le nom d’allométrie. Ils ont remarqué qu’il existe une différence de croissance entre Pteranodon et les autres ptérosaures de plus petite taille. La partie proximale du membre antérieur ainsi que le fémur des petits ptérosaures présente une croissance allométrique négative, diminuant ainsi la proportion de ces éléments. Au contraire, Ptéranodon montre une allométrie positive dans tous ces éléments, augmentant ainsi leur proportion au cours de sa croissance.

Reconstitution squelettique des ptérosaures étudiés par Yang et ses collègues, montrant les changements de proportion dans les différents os des ailes au cours de leur croissance ; une baisse de proportion est une allométrie négative, une proportion stable est une isométrie et une augmentation de proportion est une allométrie positive

Au cours de l’ontogénèse, Ptéranodon est le ptérosaure étudié par Yang et ses collègues qui montre le plus grand changement dans la forme de l’aile. Sinopterus montre également un changement frappant dans la forme de l’aile mais les autres ptérosaures au corps plus petit montrent des changements plus faibles. Ces changements de morphologie alaire peuvent indiquer que les juvéniles n’avaient pas la même écologie que les adultes. Au contraire, les autres petits ptérosaures qui gardaient la même morphologie tout au long de leur croissance devaient avoir une écologie similaire tout au long de leur vie.

Reconstitution squelettique d’un Sinopterus adulte et d’un Sinopterus nouveau-né (basé sur l’holotype de Nemicolopterus)

Au niveau de leurs performances de vol, les ptérosaures étudiés par Yang et ses collègues ont un vol de plus en plus rapide au cours de leur croissance, mais ont tendance à perdre plus rapidement de la hauteur en vol. Cette perte de hauteur est due à une augmentation de la masse qui n’est pas entièrement compensée par l’augmentation de la taille des ailes. Yang et ses collègues comparent le vol des ptérosaures juvéniles à celui des oiseaux de proie, et le vol des adultes à celui des oiseaux de mer.

Graphiques montrant les différentes caractéristiques des ailes et du vol des ptérosaures étudiés par Yang et ses collègues au cours de leur croissance (a- Rapport hauteur/largeur de l’aile ; b- surface alaire ; c- masse corporelle ; d- charge alaire ; e, f, g- performances de vol) ; On constate que Pteranodon et Sinopterus sont les ptérosaures qui changent le plus de morphologie alaire (a) et que les performances de vol de Pteranodon ne sont pas meilleures que celles des autres ptérosaures au cours de la croissance (e-g)

Yang et ses collègues ont constaté qu’au cours de sa croissance, les performances de vol de Pteranodon ne sont pas meilleures que celles des autres ptérosaures plus petits. Cela vient contredire l’hypothèse stipulant que sa grande taille avait été acquise grâce à de meilleures performances de vol. Yang et ses collègues proposent une autre explication. En effet, chez les oiseaux et les mammifères actuels, les soins parentaux permettent aux espèces nidicoles d’avoir des taux de croissance plus élevés que leurs homologues précoces. Les ailes grandissent alors plus vite, illustrant une croissance allométrique positive.

Reconstitution squelettique de Pteranodon, par Scott Hartman

L’allométrie positive dans la croissance des ailes de Pteranodon serait donc expliquée par une stratégie de développement différente de celle des petits ptérosaures. Pour permettre cette allométrie, Pteranodon aurait été un genre nidicole, profitant de soins parentaux sur une longue période. Ces soins parentaux présents chez les grands ptérosaures auraient donc augmenté leurs taux de croissance et donc induit une allométrie positive dans la croissance des ailes. Yang et ses collègues ont montré que dès son plus jeune âge, Ptéranodon était capable de voler. La présence de soins parentaux n’empêchait donc pas les ptérosaures géants juvéniles de voler très tôt après leur naissance, contrairement aux oiseaux nidicoles actuels.

Référence : Yang, Z.; Jiang, B.; Benton, M.J.; Xu, X.; McNamara, M.E.; Hone, D.W.E., 2023, Allometric wing growth links parental care to pterosaur giantism. Proceedings of the Royal Society B. 290(2003): 29020231102.

Naish, D.; Witton, M.P.; Martin-Silverstone, E., 2021, Powered flight in hatchling pterosaurs: evidence from wing form and bone strength. Scientific Reports. 11(1): 13130.

Toutes les images proviennent de Yang et al., 2023 à l’exception de la première qui est une oeuvre de Dean Schnabel, de la quatrième qui provient de Naish et al., 2021 et de la dernière qui est une œuvre de Scott Hartman

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