Redescription de Saltoposuchus

Saltoposuchus est un genre de crocodylomorphe qui a été érigé en 1921 par Huene, sur la base de deux spécimens découverts dans le Norien de la formation géologique de Löwenstein (Baden-Württemberg, Allemagne). Il s’agit de SMNS 12597, qui a été désigné holotype de S. connectens (l’espèce-type) et de SMNS 12596, qui a été désigné holotype de S. longipes. Huene a également référé un autre spécimen, SMNS 55009, à S. longipes, et a classé Saltoposuchus chez les ornithosuchidés (un clade alors considéré comme un clade de transition entre les théropodes et les crocodylomorphes) .

Photographies de l’holotype (SMNS 12597a-d) de Saltoposuchus connectens

Dans sa thèse de doctorat de 1980, Crush signale que les deux espèces de Saltoposuchus sont indiscernables, et que S. longipes est un synonyme junior de S. connectens. Il crée la famille des Saltoposuchidae pour y classer Saltoposuchus avec Terrestrisuchus au sein de Crocodylomorpha. En 1984, il publie officiellement ses résultats dans une version abrégée. Crush déclare également que les spécimens SMNS 12591 et SMNS 12352 appartiennent peut-être à Saltoposuchus.

Photographies de l’holotype (SMNS 12596) de Saltoposuchus longipes, désormais référé à S. connectens

SMNS 12591 et SMNS 12352 étaient des spécimens jusque là considérés comme appartenant au théropode Procompsognathus triassicus. En 1913, Fraas a fait de SMNS 12591 l’holotype de P. triassicus et en 1921, Huene lui a référé SMNS 12352. La particularité de SMNS 12591 est qu’il s’agit d’un spécimen sur plusieurs blocs, et qu’il est impossible de savoir si le crâne et le squelette postcrânien sont bien associés. Une redescription de P. triassicus par Ostrom en 1981 a révélé que SMNS 12352 n’était pas référençable à ce taxon, mais que l’entièreté de l’holotype représentait bien un théropode.

Photographies du crâne SMNS 12591a, initialement assigné à l’holotype de Procompsognathus triassicus et désormais référé à Saltoposuchus connectens

Dans sa thèse de doctorat de 1986, Clark synonymise Terrestrisuchus gracilis à S. connectens. En 1992, Sereno et Wild réfèrent le crâne de SMNS 12591 (numéroté SMNS 12591a) et SMNS 12352 à S. connectens. De plus, ils rejettent la synonymie entre T. gracilis et S. connectens. En 2003, Allen suggère que que Terrestrisuchus est une forme juvénile de Saltoposuchus, mais rejette cette hypothèse en 2010. En 2008, Knoll a mis en doute les attributions de SMNS 12591a, SMNS 12352 et du bassin de SMNS 1259 à Saltoposuchus connectens. Il considérait plutôt ces spécimens comme des crocodylomorphes indéterminés. En 2013, Irmis et ses collègues en arrivent à la conclusion que Terrestrisuchus est bien distinct de Terrestrisuchus.

Photographies du spécimen SMNS 12352, initialement référé à Procompsognathus triassicus et désormais référé à Saltoposuchus connectens

Malgré de nombreuses études traitant de la taxonomie de Saltoposuchus, aucun diagnostic précis du genre n’a jamais été fourni. Les attributions de certains spécimens restent floues et les relations phylogénétiques de Saltoposuchus ne sont pas encore bien nettes. Spiekman révise ainsi en détail le matériel de Saltoposuchus, afin d’en faire une redescription détaillée. Pour lui, l’holotype (SMNS 12597a–d) de S. connectens se compose du crâne partiel et d’une grande partie du squelette postcrânien. Il note qu’un angulaire gauche isolé (SMNS 12597e) et un calcanéum droit isolé (SMNS 12597f) n’appartiennent pas à l’holotype.

Photographies de l’angulaire (SMNS 12597e) et du calcanéum (SMNS 12597f) référés à Saltoposuchus connectens

Spiekman réfère l’angulaire SMNS 12597e et le calcanéum SMNS 12597f à S. connectens. Il confirme l’attribution de SMNS 12596 (l’holotype de S. longipes, un squelette désarticulé comprenant plusieurs éléments crâniens) et SMNS 55009 (plusieurs vertèbres et une partie du membre postérieur droit) à S. connectens. De plus, Spiekman confirme que le crâne de SMNS 12591 (SMNS 12591a) et que SMNS 12352 (un museau et une main gauche) sont bien des spécimens de S. connectens.

Photographies du spécimen SMNS 55009, référé à Saltoposuchus connectens

Spiekman a réalisé une analyse ostéohistologique du fémur droit de SMNS 12596, le deuxième plus grand spécimen connu de Saltoposuchus connectens. Les caractéristiques de sa structure osseuse révèlent qu’il s’agissait d’un individu subadulte et qu’il avait une croissance rapide. Le fait que SMNS 12596 soit un subadulte à la croissance rapide montre que Saltoposuchus a maintenu des taux de croissance relativement élevés tout au long de son ontogénèse. Cela traduit un métabolisme rapide pour ce crocodylomorphe basal.

Coupes ostéohistologiques du fémur droit du spécimen SMNS 12596 de Saltoposuchus connectens ; on voit notamment deux lignes d’arrêt de croissance (D-E : flèches)

Spiekman fournit une description très détaillée de Saltoposuchus qui lui permet d’exclure définitivement toute idée de synonymie avec Terrestrisuchus. Cette description lui permet de tester dans une analyse phylogénétique l’impact qu’ont nouvelles données obtenues sur le classement de Saltoposuchus. Spiekman retrouve Saltoposuchus dans un clade de crocodylomorphes basaux avec Litargosuchus et Terrestrisuchus. Il définit ce clade comme représentant Saltoposuchidae et lui donne pour la première fois une définition. Ce clade de saltoposuchidés avait déjà été mis en évidence en 2017 par Leardi et ses collègues, mais nécessitait l’appui d’une redescription de Saltoposuchus pour confirmer son existence.

Résultats de l’analyse phylogénétique de Spiekman, qui retrouve Saltoposuchus dans un clade de crocodylomorphes basaux avec Litargosuchus et Terrestrisuchus : Saltoposuchidae

Spiekman constate que le métabolisme rapide et la morphologie gracile adaptée à la course de Saltoposuchus (et plus généralement des saltoposuchidés) est convergente avec la morphologie et la physiologie des premiers théropodes. Il est donc possible que théropodes et saltoposuchidés aient été en concurrence lors de la recherche de proies par exemple. Saltoposuchus était donc un petit prédateur vivant dans un environnement assez sec. Il cohabitait avec le pseudosuchien Teratosaurus, les théropodes Procompsognathus, Dolichosuchus et Halticosaurus, le sauropodomorphe Plateosaurus, le phytosaure Nicrosaurus et l’aetosaure Paratypothorax.

Reconstitution squelettique de Terrestrisuchus, un saltoposuchidé comme Saltoposuchus, par Jaime A. Headden

Références : Spiekman, S.N.F., 2023, A revision and histological investigation of Saltoposuchus connectens (Archosauria: Crocodylomorpha) from the Norian (Late Triassic) of south-western Germany. Zoological Journal of the Linnean Society. zlad035.

Huene, F.R., 1921, Neue Pseudosuchier und Coelurosaurier aus dem Württembergischen Keuper. Acta Zoologica. 2: 329–403.

Crush, P.J., 1980, An early, terrestrial, crocodile from South Wales. Unpublished Ph.D. Thesis. University College London.

Crush, P.J., 1984, A late Upper Triassic sphenosuchid crocodilian from Wales. Palaeontology. 27: 131–57.

Fraas, E., 1913, Die neuesten Dinosaurierfunde in der schwäbischen Trias. Naturwissenschaften. 1: 1097–100.

Ostrom, J.H., 1981, Procompsognathus—Theropod or Thecodont? Palaeontographica A. 175: 179–95.

Clark, J.M., 1986, Phylogenetic relationships of the crocodylomorphs archosaurs. Unpublished Ph.D. Thesis, University of Chicago.

Sereno, P.C.; Wild, R., 1992, Procompsognathus: theropod, ‘thecodont’ or both? Journal of Vertebrate Paleontology. 12: 435–58.

Allen, D.J., 2003, Ontogenetic determination of a new specimen confirms Terrestrisuchus to be a junior synonym of Saltoposuchus. Palaeontological Association Newsletter. 53: 72–4.

Allen, R.C., 2010, The anatomy and systematics of Terrestrisuchus gracilis (Archosauria, Crocodylomorpha). Unpublished Ph.D. Thesis, Northern Illinois University.

Knoll, F., 2008, On the Procompsognathus postcranium (Late Triassic, Germany). Geobios. 41: 779–86.

Irmis, R.B.; Nesbitt, S.J.; Sues, H.-D., 2013, Early Crocodylomorpha. Geological Society, London, Special Publications. 379: 275–302.

Leardi, J.M.; Pol, D.; Clark, J.M., 2017, Detailed anatomy of the braincase of Macelognathus vagans Marsh, 1884 (Archosauria, Crocodylomorpha) using high resolution tomography and new insights on basal crocodylomorph phylogeny. PeerJ. 5: e2801.

Toutes les images proviennent de Spiekman, 2023 à l’exception de la dernière qui est une oeuvre de Jaime A. Headden

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