La pédomorphose est un trait commun chez les organismes adaptés secondairement au milieu aquatique comme par exemple les cétacés ou les sauropterygiens. Cela consiste en une « juvénilisation » des adultes, c’est-à-dire la conservation des caractères juvéniles à l’âge adulte. La pédomorphose au niveau du squelette permet de répondre aux contraintes du milieu aquatique, afin de garantir un bon équilibre hydrostatique. La pédomorphose chez les organismes aquatiques se manifeste chez les sauropterygiens par une baisse du degré d’ossification squelettique. Araújo et Smith étudient ainsi la pédomorphose chez les plésiosaures, afin notamment de déterminer la part d’individus adultes pédomorphiques considérés à tort comme des juvéniles.

Araújo et Smith ont analysé 712 spécimens de plésiosaures, appartenant à tout les groupes connus (Microcleididae, Polycotylidae, Leptocleididae, Cryptoclididae, Elasmosauridae, Rhomaleosauridae et Pliosauridae). Ils ont analysé la proportion d’individus considérés comme ostéologiquement juvéniles, subadultes et adultes. Cette analyse a révélé qu’au cours de leur évolution, les plésiosaures ont une proportion de plus en plus importante d’individus ostéologiquement juvéniles. Araújo et Smith remarquent que cette proportion pourrait traduire d’une augmentation du degré de pédomorphose chez les plésiosaures. En effet, ce statut de juvénile ne se base que sur des caractères ostéologiques, et non sur l’ostéohistologie des spécimens.

Araújo et Smith déclarent ainsi que des spécimens considérés comme juvéniles pourraient ainsi en fait être des adultes « juvénilisés », au degré élevé de pédomorphose. En attendant l’analyse ostéohistologique de ces spécimens, il est donc impossible de savoir si ceux-ci sont des juvéniles ou des adultes ayant développé une pédomorphose. Araújo et Smith remarquent que l’augmentation du nombre de spécimens ostéologiquement juvéniles augmente lentement au cours de l’évolution des plésiosaures. Toutefois, ils notent que le pédomorphisme est un caractère ancestral issu des sauropterygiens basaux, qui s’est développé de plus en plus au cours de leur histoire évolutive.

Le fait que des spécimens considérés comme juvéniles pourraient ainsi en fait être des adultes « juvénilisés » a de nombreuses implications pour l’interprétation du comportement des plésiosaures. Des sites où une forte proportion de juvéniles ostéologiques a été mise au jour, interprétée comme une zone de développement des juvéniles, pourrait n’être qu’un point de passage pour des adultes « juvénilisés ». Araújo et Smith viennent également mettre en cause la considération en tant que nomen dubium pour certains spécimens considérés comme des juvéniles impossibles à classer du fait de leur immaturité (par exemple Leurospondylus). Ces spécimens pourraient en réalité être des adultes, et ainsi être comparés aux autres genres de plésiosaures sans se préoccuper de leur immaturité.
Référence : Araújo, R.; Smith, A.S., 2023, Recognising and quantifying the evolution of skeletal paedomorphosis in Plesiosauria. Fossil Record. 26(1): 85-101.