Les oiseaux fossiles sont de plus en plus étudiés, et de récentes avancées ont permis de mieux comprendre leur mode de croissance, de reproduction ou encore de locomotion. Toutefois, pour bien comprendre leur rôle dans les écosystèmes, une donnée importante reste obscure : leur alimentation. Peu d’études ont traité de l’alimentation des premiers oiseaux, et l’écologie alimentaire des énantiornithes est largement inconnue. Les énantiornithes sont un clade intermédiaire entre les néornithes et les Avialae basaux, particulièrement abondants au crétacé. Récemment, Miller et ses collègues ont proposé une reconstitution de l’écologie alimentaire des longipterygidés, une famille d’énantiornithes connue du crétacé inférieur de Chine. Clark et ses collègues signalent que cette étude présente des fragilités, et analysent ainsi à leur tour l’écologie alimentaire des longipterygidés.

La famille des longipterygidés comprend actuellement cinq genres, répartis dans deux sous-familles : Boluochia et Longipteryx chez les Longipteryginae et Longirostravis, Rapaxavis et Shanweiniao chez les Longirostravinae. Longirostravis et Shanweiniao proviennent du Barrémien de la formation géologique de Yixian tandis que les trois autres genres proviennent de l’Aptien de la formation géologique de Jiufotang. Quelques autres genres pourraient appartenir à la famille, comme Evgenavis, mais leur attribution reste douteuse. Les longipterygidés se caractérisent par des becs proportionnellement plus longs que les autres énantiornithes. Des différences peuvent se noter entre les dents des longipteryginés et des longirostravinés.

Clark et ses collègues ont étudié la morphologie de Longipteryx et Longirostravis et ont comparé leurs résultats avec des mesures prises sur des mammifères et des sauropsides actuels et fossiles. Ils ont analysé l’épaisseur de l’émail des dents, la masse, les morphologies dentaires et la longueur totale du crâne et du museau des oiseaux. Clark et ses collègues ont placé leurs mesures dans des analyses morphométriques, afin de déduire l’écologie de Longipteryx et Longirostravis.

Clark et ses collègues notent que Longipteryx présente un émail des dentaire exceptionnellement épais rapport aux autres oiseaux du Crétacé pourvus de dents mais aussi par rapport aux théropodes Anchiornis et Microraptorinae. L’émail des dents de Longipteryx est en revanche similaire à celui des molaires de chauves-souris insectivores. Les dents de Longipteryx sont similaires aux canines de plusieurs mammifères carnivores, aux dents maxillaires des sauropsides carnivores, aux canines de chauves-souris insectivores et aux dents maxillaires du tuatara insectivore. Elle indique également que les dents de Longirostravis sont similaires aux canines de plusieurs mammifères carnivores, aux dents maxillaires des sauropsides carnivores et aux canines de chauves-souris insectivores.

L’analyse morphométrique de Clark et ses collègues révèle que Longipteryx occupe un morphospace proche des taxons carnivores et herbivores, mais recouvert par le morphospace des taxons insectivores. Longirostravis occupe un morphospace inclus dans le morphospace des taxons insectivores et carnivores. Le grand morphospace occupé par les taxons insectivores rend difficile l’attribution d’une écologie spécifique à Longipteryx et Longirostravis sur la base de cette analyse.

Longipteryx présente des dents crénelées, avec un émail très épais et une morphologie correspondant aux dents de carnivores. La combinaison de la morphologie des dents et de émail suggère que Longipteryx était un insectivore et un carnivore opportuniste. Clark et ses collègues en concluent que les dents de Longipteryx semblent avoir été adaptées pour percer la carapace épaisse des insectes au corps dur. Par comparaison, ils généralisent ces conclusions à l’ensemble des longipteryginés. Les dents de Longirostravis semblent avoir été plus adaptées pour perforer et maintenir. Clark et ses collègues en concluent que les dents de Longirostravis semblent avoir été adaptées pour capturer les insectes à corps plus mou. Par comparaison, ils généralisent ces conclusions à l’ensemble des longirostravinés.
Références : Clark, A.D.; Hu, H.; Benson, R.B.; O’Connor, J.K., 2023, Reconstructing the dietary habits and trophic positions of the Longipterygidae (Aves: Enantiornithes) using neontological and comparative morphological methods. PeerJ. 11: e15139.
Miller, C.V.; Pittman, M.; Wang, X.; Zheng, X.; Bright, J.A., 2022, Diet of Mesozoic toothed birds (Longipterygidae) inferred from quantitative analysis of extant avian diet proxies. BMC Biology. 20(1): 101.
O’Connor, J.K.; Chiappe, L.M.; Gao, C.; Zhao, B, 2011, Anatomy of the Early Cretaceous enantiornithine bird Rapaxavis pani. Acta Palaeontologica Polonica. 56(3): 463–475.
Toutes les images proviennent de Clark et al., 2023 à l’exception de la première qui provient d’O’Connor et al., 2011
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