Nouvelle espèce de phytosaure : Mystriosuchus alleroq

En 2012, des fouilles dans le Norien de la formation géologique de Malmros Klint (Groenland, Danemark) mettent au jour les restes de plusieurs individus de phytosaures. En 2012, Milan et ses collègues mentionnent leur découverte dans un article, et annoncent la nécessité de publier un article sur le sujet. Mateus et al., 2014 et Clemmensen et al., 2016 mentionnent également ces restes de phytosaures. De nouvelles fouilles en 2016 permettent la découverte de plus de fossiles. En 2018, Marzola et ses collègues assignent ces fossiles de phytosaures de la formation géologique de Malmros Klint à Phytosauria indet. López-Rojas et ses collègues décrivent ainsi en détail ces fossiles comme appartenant à une nouvelle espèce du genre Mystriosuchus : M. alleroq.

Photographies de plusieurs éléments postcrâniens référés à Mystriosuchus alleroq

L’holotype (NHMD-916731) de Mystriosuchus alleroq est une mâchoire inférieure gauche quasi complète. Son paratype (NHMD-916728) est un quadratojugal gauche partiel. Des éléments crâniens, des vertèbres, des côtes, des gastralias, des éléments de la ceinture scapulaire, un ischium gauche, des éléments des membres et des ostéodermes ont été référés à Mystriosuchus alleroq. L’ensemble de ces fossiles appartient à au moins quatre individus au stade ontogénique différents, tous trouvés sur le même site. López-Rojas et ses collègues n’ont pas discuté des implications d’un tel regroupement. Il est toutefois fort probable que cela ait été un regroupement familial, comme cela a déjà été rapporté plusieurs fois chez les phytosaures.

Photographies de l’holotype (A et B – NHMD-916731) et du paratype (C – NHMD-916728) de Mystriosuchus alleroq

L’analyse phylogénétique de López-Rojas et ses collègues a placé M. alleroq dans une position dérivée au sein du genre Mystriosuchus, en espèce-soeur de M. westphali. Ils retrouvent un genre Mystriosuchus monophylétique, taxon-soeur de Machaeroprosopus + Protome au sein de Mystiosuchini.

Résultats de l’analyse phylogénétique de López-Rojas et ses collègues, classant Mystriosuchus alleroq en espèce-soeur de Mystriosuchus westphali

López-Rojas et ses collègues ont effectué une analyse ostéohistologique de l’humérus droit NHMD-916843, référé à M. alleroq. Ils révèlent que le taux de croissance de Mystriosuchus alleroq était similaire à celui des autres phytosaures mais assez faible pour un archosaure. Ils observent des lignes d’arrêt de croissance, avec des changements dans la vitesse de croissance. Au total, 12 lignes d’arrêt de croissance sont visibles, indiquant 12 cycles de croissance, mais 1 à 3 lignes de croissance doivent être ajoutées à ce total car les premières lignes de croissance disparaissent au cours de l’ontogenèse. López-Rojas et ses collègues n’assimilent pas ces cycles de croissances à ces années car ce mode de calcul de l’âge s’avère ambigu. Ces pauses régulières dans la croissance de M. alleroq indiquent qu’il vivait dans un environnement au climat saisonnier.

Coupe ostéohistologique d’un humérus référé à Mystriosuchus alleroq, montrant des lignes d’arrêt de croissance (B, flèches blanches)

Mystriosuchus alleroq présente une morphologie typique des phytosaures dérivés, avec un museau allongé et des narines placées à l’arrière du museau, légèrement surélevées. M. alleroq était un prédateur semi-aquatique, avec des dents adaptées pour la piscivorie et l’invertivorie. Les fémurs et les fibulas de M. alleroq présentent des trochanters bien développés, suggérant la présence de puissantes attaches musculaires. Ces muscles puissants ont pu jouer un rôle dans la nage ou pour la marche.

Photographies d’un tibia (A), d’un fémur (B) et d’une fibula (C) référés à Mystriosuchus alleroq ; on remarque les grands trochanters (tc) du fémur et de la fibula

Mystriosuchus alleroq devait être un prédateur chassant en embuscade au fond de l’eau, une écologie que l’on retrouve chez les crocodiliens actuels. Comme les gavials actuels, il est possible que M. alleroq se soit regroupé en colonies de dizaines d’individus ayant un lien de parenté. Il vivait en compagnie de temnospondyles, de tortues, du sauropodomorphe Issi et de cynodontes.

Référence : López-Rojas, V.; Clemmensen, L.B.; Milàn, J.; Wings, O.; Klein, N.; Mateus, O., 2023, A new phytosaur species (Archosauriformes) from the Upper Triassic of Jameson Land, central East Greenland. Journal of Vertebrate Paleontology.

Milàn, J.; Clemmensen, L.B.; Adolfssen, J.S.; Estrup, E.J.; Frobøse, N.; Klein, N.; Mateus, O.; Wings, O., 2012, A preliminary report on coprolites from the Late Triassic part of the Kap Stewart Formation, Jameson Land, East Greenland. New Mexico Museum of Natural History and Science Bulletin. 57: 203–206.

Mateus, O.; Clemmensen, L.B.; Klein, N.; Wings, O.; Frobøse, N.; Milan, J.; Adolfssen, J.S.; Estrup, E.J., 2014, The Late Triassic of Jameson Land revisited: new vertebrate findings and first phytosaur from Greenland. Journal of Vertebrate Paleontology. 34 (Program and Abstracts): 182.

Clemmensen, L.B.; Milàn, J.; Adolfssen, J.S.; Estrup, E.J.; Frobøse, N.; Klein, N.; Mateus, O.; Wings, O. 2016, The vertebrate-bearing Late Triassic Fleming Fjord Formation of central East Greenland revisited: stratigraphy, palaeoclimate and new palaeontological data. Geological Society, London, Special Publications. 434: 31–47.

Marzola, M.; Mateus, O.; Milàn, J.; Clemmensen, L.B., 2018, A review of Palaeozoic and Mesozoic tetrapods from Greenland. Bulletin of the Geological Society of Denmark. 66: 21–46.

Toutes les images proviennent de López-Rojas et al., 2023

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