Entre 1987 et 1990, une expédition paléontologique sino-canadienne mit au jour les restes d’un sauropode géant dans l’Oxfordien de la formation géologique de Shishugou (Xinjiang, Chine). En 1993, Russell et Zheng décrivent ce spécimen comme l’holotype (IVPP V10603) d’une nouvelle espèce de Mamenchisaurus, Mamenchisaurus sinocanadorum. Russell et Zheng ont sommairement décrit M. sinocanadorum, et ont suggéré qu’il représentait le plus grand sauropode d’Asie, possédant l’un des plus longs cous parmi les sauropodes connus. Toutefois, M. sinocanadorum était jusque là mal connu, et les estimations concernant sa taille étaient douteuses. Moore et ses collègues redécrivent ainsi Mamenchisaurus sinocanadorum, afin d’identifier ses caractéristiques distinctives et d’en fournir une estimation de taille fiable.

L’holotype (IVPP V10603) de Mamenchisaurus sinocanadorum est un squelette partiel qui se compose du crâne partiel, de trois vertèbres cervicales et d’une côte cervicale. Moore et ses collègues notent que certains des éléments crâniens décrits par Russell et Zheng n’ont pas pu être retrouvés. Ils constatent qu’IVPP V10603 était un individu proche de la maturité squelettique, peut-être un adulte ou un subadulte âgé. Moore et ses collègues signalent également que deux spécimens ont été référés à M. sinocanadorum. Le premier a été mentionné par Paul en 2019 et le second par une exposition muséale. Manquant de caractéristiques identifiables et d’une description dans la littérature scientifique, Moore et ses collègues en ont conclu que ces deux spécimens ne peuvent être référés à Mamenchisaurus sinocanadorum.

Moore et ses collègues ont décrit en détail l’holotype de M. sinocanadorum, permettant de déterminer ses caractéristiques distinctives. Ils ont ensuite testé la position de l’espèce au sein des mamenchisauridés dans une analyse phylogénétique. L’analyse de Moore et ses collègues classe Mamenchisaurus sinocanadorum proche de Xinjiangtitan, souvent en taxon-soeur. Comme de nombreuses études récentes, ils constatent que le genre Mamenchisaurus n’est pas monophylétique, avec ses différentes espèces dispersées au sein de Mamenchisauridae. Moore et ses collègues signalent qu’une révision taxonomique du genre Mamenchisaurus est nécessaire. M. sinocanadorum pourrait être le même taxon que Xinjiangtitan mais aucune conclusion taxonomique ne peut être tirée de leur analyse, à cause de l’instabilité du genre Mamenchisaurus. Toutefois, Moore et ses collègues mettent l’accent sur le fait que M. sinocanadorum représente actuellement bien un genre valide.

Les sauropodes Bellusaurus et Daanosaurus sont uniquement connus de spécimens juvéniles du jurassique chinois. Leur classement est assez instable, avec des positions proposées au sein de Diplodocoidea, Macronaria ou Eusauropoda. Dans leur analyse phylogénétique, Moore et ses collègues ont testé la position phylogénétique de ces deux genres, car ils pourraient représenter en réalité des mamenchisauridés juvéniles. Il en résulte que selon les analyses, Bellusaurus et Daanosaurus se trouvent au sein de Mamenchisauridae ou Diplodocoidea. Moore et ses collègues en concluent que ces deux genres peuvent soit représenter des mamenchisauridés juvéniles soit des diplodocoidés à la morphologie convergente avec les mamenchisauridés.

Lors de la description de Mamenchisaurus sinocanadorum, Russel et Zheng ont estimé qu’il mesurait 21,6 mètres de longueur, avec un cou de 10,9 mètres. Moore et ses collègues ont estimé que le cou de M. sinocanadorum aurait pu atteindre une taille de 15,1 mètres. Le squelette de cette espèce étant grandement inconnu, ils se sont abstenus de fournir une estimation de la taille corporelle totale. Ils supposent que le cou de Mamenchisaurus sinocanadorum a pu atteindre une telle taille grâce à sa pneumaticité vertébrale. En effet, les vertèbres de M. sinocanadorum sont très pneumatisées, avec un volume d’air dans les cavités des vertèbres compris entre 69% et 77%. Cette pneumatisation rendait le cou assez fragile, qui était stabilisé par des côtes cervicales ossifiées robustes. En contrepartie, ces côtes cervicales diminuaient la flexibilité du cou de M. sinocanadorum.

La présence d’un cou de taille démesurée chez Mamenchisaurus sinocanadorum est très certainement le fruit d’une tendance évolutive propre aux mamenchisauridés. Cette tendance à posséder des cous de plus en plus longs s’explique par la présence de végétation à des hauteurs élevées, inexploitées par les autres sauropodes. Un cou de 15 mètres aurait ainsi permis à Mamenchisaurus sinocanadorum de ne pas être en concurrence avec les autres sauropodes de son environnement, qui se nourrissaient à des hauteurs plus basses.

Références : Moore, A.J.; Barrett, P.M.; Upchurch, P.; Liao, C.-C.; Ye, Y.; Hao, B.; Xu, X., 2023, Re-assessment of the Late Jurassic eusauropod Mamenchisaurus sinocanadorum Russell and Zheng, 1993, and the evolution of exceptionally long necks in mamenchisaurids. Journal of Systematic Palaeontology. 21: 1, 2171818.
Russell, D.A.; Zheng, Z., 1993, A large mamenchisaurid from the Junggar Basin, Xinjiang, People’s Republic of China. Canadian Journal of Earth Sciences. 30: 2082– 2095.
Paul, G., 2019, Determining the largest known land animal: a critical comparison of differing methods for restoring the volume and mass of extinct animals. Annals of Carnegie Museum. 85: 335–358.
Toutes les images proviennent de Moore et al., 2023, à l’exception de la dernière qui est une œuvre de Júlia d’Oliveira