Chez les dinosaures, la posture ancestrale est la posture bipède. Toutefois, on observe un retour à la quadrupédie chez plusieurs groupes comme les sauropodes, les ornithopodes, les cératopsiens et les thyreophores. Chez les thyreophores, les membres les plus basaux sont des bipèdes exclusifs comme Lesothosaurus tandis que des membres plus dérivés comme Scelidosaurus sont majoritairement quadrupède. Les thyreophores intermédiaires entre Lesothosaurus et Scelidosaurus sont souvent fragmentaires, empêchant ainsi d’étudier leur posture. Une exception à cela est Scutellosaurus, qui est considéré comme un bipède obligatoire par certaines études, et comme un quadrupède facultatif par d’autres. Ces études ont proposé des arguments incomplets ou réfutés, ce qui rend la posture de Scutellosaurus encore floue. Anderson et ses collègues proposent ainsi une méthode complète pour connaître la posture de Scutellosaurus, et ainsi en savoir plus sur l’évolution de la quadrupédie chez les thyreophores.

Anderson et ses collègues ont créé un modèle squelettique de Scutellosaurus, basé sur son holotype (MNA V175) et sur des taxons proches. Ils ont ensuite ajouté les muscles et du volume au modèle, sur la base de sauropsides actuels. Ce travail de reconstitution a abouti à la création d’un modèle musculosquelettique relativement fiable. Anderson et ses collègues ont ensuite soumis ce modèle à divers algorithmes pour reconstruire les possibilités de mouvement de Scutellosaurus. Cet algorithme a élaboré une multitude de possibilités de posture et de marche, tout en calculant leur coût énergétique.

L’algorithme employé par Anderson et ses collègues a reconstruit majoritairement des postures bipèdes, mais a également reconstruit des postures quadrupèdes. Ainsi, bien que plus probable, la posture bipède n’est pas l’unique hypothèse de posture pour Scutellosaurus. Dans ces deux scénarios de posture, les membres antérieurs jouent un rôle moindre, ce qui est cohérent avec leur morphologie. Bien que physiquement possible, la posture quadrupède apparaît comme étant plus coûteuse énergétiquement que la posture bipède. Sur la base d’équations de vitesse, Anderson et ses collègues estiment la vitesse de course maximale bipède pour Scutellosaurus à 8,4 à 11,7 mètres par seconde (soit entre 30 et 42 km/h). Les simulations de course avec l’algorithme donnent des valeurs de vitesse similaires pour la posture bipède, les rendant cohérentes avec la réalité. Ces valeurs sont par ailleurs bien supérieures à celles obtenues pour la vitesse de course quadrupède.

Anderson et ses collègues ont également évalué la stabilité de la marche de Scutellosaurus selon la posture adoptée. Il en résulte que la démarche avec le moins d’oscillation du corps est la bipédie en course, les autres postures ne présentant pas de grandes différences entre elles. Ainsi, la quadrupédie n’apparaît pas comme un avantage morphologique pour stabiliser la posture, que ce soit en course ou en marche. La bipédie est donc plus avantageuse au niveau de la vitesse, du coût énergétique et de la stabilité par rapport à la quadrupédie chez Scutellosaurus.

La présence de simulations en posture quadrupède pour Scutellosaurus implique le fait qu’une posture quadrupède pour ce genre était physiquement possible. Elle s’avère moins efficace que la posture bipède en cas de mouvement, mais peut avoir été utilisée en position stationnaire. La posture quadrupède permet de tenir la tête plus près du sol qu’une posture bipède, la rendant utile pour s’alimenter ou boire. En étant employée dans ces situations, le coût énergétique de la posture quadrupède aurait été grandement réduit. Anderson et ses collègues en concluent que Scutellosaurus était principalement bipède, une posture moins coûteuse en énergie et lui permettant de fuir les prédateurs à une vitesse élevée. Il aurait toutefois été capable de passer en position quadrupède, notamment pour se nourrir ou s’abreuver.

Référence : Anderson, L.; Brassey, C.; Pond, S.; Bates, K.; Sellers, W. I., 2023, Investigating the quadrupedal abilities of Scutellosaurus lawleri and its implications for locomotor behavior evolution among dinosaurs. The Anatomical Record.
Toutes les images proviennent d’Anderson et al., 2023, à l’exception de la dernière qui est une œuvre de Scott Hartman