En 2020, Datta et ses collègues décrivaient un lit d’os dans le Carnien-Norien de la formation géologique de Tiki (Madhya Pradesh, Inde), contenant les restes d’une vingtaine d’individus d’une espèce inconnue de phytosaure. Ils ont décrit l’arrangement taphonomique du lit d’os ainsi que le stade ontogénique des spécimens, mais n’ont pas décrit l’anatomie des spécimens. Datta et Ray procèdent ainsi à la description détaillée des spécimens de phytosaures de ce lit d’os, et créent pour eux le genre Colossosuchus (en référence à sa grande taille) avec l’espèce C. techniensis.

L’holotype (IITKGPR749) de Colossosuchus techniensis est un crâne partiel préservant la partie postérieure du crâne, représentant un individu juvénile. Les 26 éléments crâniens et 339 éléments postcrâniens également découverts dans le lit d’os lui ont été référés. Tous ces spécimens appartiennent au minimum à 21 individus, et permettent de bien connaître l’ensemble du squelette de Colossosuchus. Le crâne et la colonne vertébrale sont relativement bien connus, mais des éléments de la cage thoracique, des membres, du bassin et de la ceinture pectorale sont manquants.

L’analyse phylogénétique de Datta et Ray permet de classer Colossosuchus chez les parasuchidés, au sein de la sous-famille des mystriosuchinés. Le genre se place hors de Leptosuchomorpha et est le taxon-soeur d’un taxon encore non décrit de la formation géologique de Maleri. Datta et Ray suggèrent l’existence d’un clade de mystriosuchinés indiens endémiques, avec la proximité phylogénétique de Colossosuchus, du taxon de Maleri et potentiellement Volcanosuchus.

Le crâne de Colossosuchus est typique des parasuchidés, avec un museau allongé et des narines placées à l’arrière du museau, légèrement surélevées. L’extrémité de son museau est particulière, en étant orientée vers le bas. Le squelette de Colossosuchus indique que c’était un animal semi-aquatique, comme les autres phytosaures. Datta et Ray estiment que la queue de Colossosuchus mesurait environ 50% de la longueur totale du corps. De plus, les épines neurales des vertèbres caudales de Colossosuchus sont très hautes, contrairement à celles des vertèbres dorsales, ce qui suggère que sa queue était massive. Sa queue jouait ainsi un rôle important dans la nage, en étant très efficace dans la propulsion.

Le lit d’os décrit par Datta et ses collègues en 2020 est composé uniquement des individus de C. techniensis, retrouvés désarticulés en association. Dans ce lit d’os, 9 individus sont des juvéniles, 8 sont des subadultes et 4 sont des adultes. Pour Datta et ses collègues, ils sont regroupés ensemble car ils ont vécu une partie de leur vie ensemble. Ils n’ont pas détecté d’évènement catastrophique qui aurait justifié un regroupement exceptionnel de ces individus de Colossosuchus. Datta et ses collègues en concluent que ce lit d’os est le témoin d’un comportement grégaire chez Colossosuchus. La majorité des individus du lit d’os ne sont pas adultes, avec une dominance des individus juvéniles. Datta et ses collègues suggèrent que Colossosuchus prenait soin de ses jeunes après l’éclosion, ce qui justifie le surnombre de juvéniles par rapport aux adultes.

En se basant sur la taille du plus grand crâne connu de Colossosuchus et sur les proportions des autres mystriosuchinés, Datta et Ray ont estimé que Colossosuchus aurait pu mesurer plus de 8 mètres de longueur. Les juvéniles mesuraient moins de 5 mètres, les subadultes entre 5 et 7 mètres, et les adultes auraient pu atteindre 9 mètres. Ces estimations font de Colossosuchus l’un des plus grands phytosaures connus, et le prédateur semi-aquatique principal de son environnement.

Colossosuchus devait être un prédateur chassant en embuscade au fond de l’eau, une écologie que l’on retrouve chez les crocodiliens actuels. Comme les gavials actuels, il est possible que Colossosuchus se soit regroupé en colonies de dizaines d’individus ayant un lien de parenté. Il vivait en compagnie de cynodontes, de temnospondyles, du rhynchosaure Hyperodapedon, de pseudosuchiens comme Tikisuchus, de dinosaures, de sphenodontiens et des phytosaures plus petits Parasuchus et Volcanosuchus.
Références : Datta, D.; Ray, S., 2023, A giant phytosaur (Diapsida, Archosauria) from the Upper Triassic of India with new insights on phytosaur migration, endemism and extinction. Papers in Palaeontology. e1476.
Datta, D.; Mukherjee, D.; Ray, S., 2020, Taphonomic signatures of a new Upper Triassic phytosaur (Diapsida, Archosauria) bonebed from India: aggregation of a juvenile-dominated paleocommunity. Journal of Vertebrate Paleontology. e1726361.
Toutes les images proviennent de Datta et Ray, 2023 à l’exception des deux dernières qui proviennent de Datta et al., 2020