Ecologie alimentaire des pengornithidés

Les oiseaux fossiles sont de plus en plus étudiés, et de récentes avancées ont permis de mieux comprendre leur mode de croissance, de reproduction ou encore de locomotion. Toutefois, pour bien comprendre leur rôle dans les écosystèmes, une donnée importante reste obscure : leur alimentation. Peu d’études ont traité de l’alimentation des premiers oiseaux, et l’écologie alimentaire des énantiornithes est largement inconnue. Les énantiornithes sont un clade intermédiaire entre les néornithes et les Avialae basaux, particulièrement abondants au crétacé. Miller et ses collègues analysent ainsi l’écologie alimentaire des pengornithidés, une famille d’énantiornithes connue du crétacé inférieur de Chine.

Arbre phylogénétique présentant les écologies alimentaires des différents groupes des théropodes Pennaraptora

La famille des pengornithidés comprend actuellement cinq genres : Yuanchuavis, Eopengornis, Parapengornis, Chiappeavis et Pengornis. Eopengornis provient de l’Hauterivien de la formation géologique d’Huajiying tandis que les quatre autres genres proviennent de l’Aptien de la formation géologique de Jiufotang. Les pengornithidés sont parmi les plus grands énantiornithes connus, et possèdent de nombreuses plumes caudales (rectrices). Tous les spécimens de pengornithidés sont très bien conservés, ce qui a permis à Miller et ses collègues d’analyser en détail leur morphologie pour connaître leur mode d’alimentation.

Photographie de l’holotype (IVPP V15336) de Pengornis houi

Miller et ses collègues ont procédé à l’étude de la masse des pengornithidés car chez les oiseaux, la masse corporelle est un bon indicateur de l’écologie alimentaire. Les pengornithidés ont une masse corporelle comprise entre 180 et 325 grammes. Pengornis, Parapengornis, Yuanchuavis et Chiappeavis ont une masse corporelle qui correspond à des oiseaux actuels aux régimes alimentaires folivores, frugivores ou vertivores. La masse d’Eopengornis correspond à des oiseaux actuels aux régimes alimentaires herbivores et carnivores. Toutefois, les données obtenues pour la masse de Chiappeavis et Eopengornis sont fragiles, car ces deux genres ne sont connus que d’individus juvéniles.

Graphiques comparant la masse des pengornithidés avec les masses corporelles correspondant aux différentes écologies alimentaires des oiseaux

Les pieds de Pengornis et Parapengornis présentent des caractéristiques typiques d’une adaptation à la préhension. Miller et ses collègues suggèrent que leurs pieds jouaient un rôle important dans la capture des proies. La morphologie des pieds d’Eopengornis suggère qu’ils étaient adaptés pour la préhension, mais sur une courte durée. Ses pieds serviraient uniquement à saisir, et non à tuer. Miller et ses collègues notent qu’un équivalent actuel pour ce comportement serait la pie-grièche. Les pieds de Chiappeavis sont assez similaires à ceux des oiseaux terrestres, et ne présentent pas d’adaptations pour la préhension. La morphologie des pieds de Yuanchuavis est malheureusement inconnue car aucun pied n’est connu pour le genre.

Photographies des pieds de Parapengornis (A), Pengornis (B) et Eopengornis (C)

Selon Miller et ses collègues, la morphologie des mâchoires des pengornithidés ne permet pas de leur attribuer un régime alimentaire précis. La seule certitude est que cette famille n’était pas granivore, car leurs mâchoires ne possèdent pas d’adaptations pour augmenter la force de morsure. L’analyse des mâchoires de Pengornis suggère que c’était un généraliste. Cette même analyse suggère que Parapengornis était un piscivore ou un invertivore et que Yuanchuavis était un nectarivore. Les crânes de Chiappeavis et Eopengornis sont trop mal conservés pour que Miller et ses collègues obtiennent des informations viables pour l’analyse de leurs mâchoires.

Reconstitution des crânes de Pengornis (A), Parapengornis (B) et Yuanchuavis (C)

Miller et ses collègues ont réalisé un ensemble d’analyses morphométriques prenant en compte plusieurs caractéristiques morphologiques. Ils ont déterminé les morphospaces occupés par les oiseaux actuels selon leurs régimes alimentaires, afin d’y déterminer la position des pengornithidés. Suite à ces analyses, il apparaît que Pengornis se trouve dans le morphospace des rapaces actuels, et que Parapengornis se trouve dans celui des petits rapaces. Eopengornis niche au milieu de nombreux morphospaces alimentaires, tandis que Chiappeavis se trouve dans le morphospace des oiseaux percheurs.

Résultats des analyses morphométriques de Miller et ses collègues ; on remarque que Pengornis (Pe) se place parmi les rapaces, Parapengornis (Pa) parmi les petits rapaces, Chiappeavis (C) parmi les oiseaux terrestres ou percheurs, Eopengornis (E) entre plusieurs morphospaces sans y rentrer

La combinaison de ces différentes analyses a pu permettre à Miller et ses collègues de proposer une écologie alimentaire pour plusieurs des pengornithidés. Pengornis apparaît ainsi comme un oiseau généraliste, peut-être aussi piscivore, chassant de grandes proies à la manière des rapaces. Parapengornis se trouve être un oiseau piscivore chassant de petites proies à la manière des rapaces. L’alimentation de Yuanchuavis est moins claire, mais Miller et ses collègues pensent qu’il a pu être un oiseau piscivore ou bien chassant les invertébrés aquatiques. L’écologie alimentaire de Chiappeavis et Eopengornis n’a pu être déterminée avec confiance. Miller et ses collègues supposent toutefois qu’Eopengornis a pu avoir une écologie alimentaire similaire à celle de Parapengornis.

Référence : Miller, C.V.; Pittman, M.; Wang, X.; Zheng, X.; Bright, J.A., 2023, Quantitative investigation of pengornithid enantiornithine diet reveals macrocarnivorous ecology evolved in birds by Early Cretaceous. iScience.

Zhou, Z.H.; Clarke, J.; Zhang, F.C., 2008, Insight into diversity, body size and morphological evolution from the largest Early Cretaceous enantiornithine bird. Journal of Anatomy. 212: 565-577.

Hu, H.; O’Connor, J.K.; Zhou, Z.H., 2015, A new species of Pengornithidae (Aves: Enantiornithes) from the Lower Cretaceous of China suggests a specialized scansorial habitat previously unknown in early birds. PLoS ONE. 10: e0126791.

Wang, X.L.; O’Connor, J.K.; Zheng, X.T.; Wang, M.; Hu, H.; Zhou, Z.H., 2014, Insights into the evolution of rachis dominated tail feathers from a new basal enantiornithine (Aves: Ornithothoraces). Biological Journal of the Linnean Society. 113: 805-819.

Toutes les images proviennent de Miller et al., 2023 à l’exception de la seconde qui provient de Zhou et al., 2008 et de la quatrième qui est composée d’une figure de Hu et al., 2015 et d’une figure de Wang et al., 2014

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