En 1999, Sennikov décrivit le nouveau rauisuchidé Scythosuchus, sur la base de plusieurs restes fragmentaires de l’Olénékien de la formation géologique de Lipovskaya (Volgograd, Russie). En 2022, la révision du genre par Sennikov révéla que la vertèbre cervicale holotype (PIN 1043/144) de Scythosuchus est identique aux vertèbres cervicales de Tsylmosuchus donensis. Sennikov synonymisa ainsi Scythosuchus à T. donensis, et classa Tsylmosuchus chez les ctenosauriscidés. Toutefois, de nombreux spécimens référés à Scythosuchus s’avèrent bien représenter un « rauisuchidé ». Sennikov entreprend ainsi de redécrire ces spécimens, en les attribuant au nouveau genre Scolotosuchus (« crocodile des Scythes », un peuple qui vivait dans la région où ses fossiles ont été découverts), avec S. basileus comme espèce.

L’holotype de Scolotosuchus basileus est un arc neural cervical (PIN 1043/833), et de nombreux os isolés lui ont été référés. Il s’agit d’une vertèbre cervicale (PIN 1043/828), d’un fragment d’une vertèbre cervicale (PIN 1043/834), de 10 fragments de vertèbres dorsales (PIN 1043/822, PIN 1043/1584, PIN 1043/824, PIN 1043/1323, PIN 1043/1324, PIN 1043/1325, PIN 1043/1340, PIN 1043/751, PIN 1043/759, et PIN 1043/1583), d’un ilium gauche (PIN 1043/1117), d’un ischium gauche (PIN 1043/1472), de l’extrémité proximale d’un fémur droit (PIN 1043/961) et d’un fémur partiel (PIN 1043/962).

Une partie des spécimens attribués à Scolotosuchus basileus faisaient partie des spécimens référés en 1999 à Scythosuchus basileus par Sennikov. Ces spécimens sont une vertèbre cervicale (PIN 1043/658), 3 fragments de vertèbres cervicales (PIN 1043/531, PIN 1043/506, PIN 1043/507), 3 fragments de vertèbres dorsales (PIN 1043/657, PIN 1043/143 et PIN 1043/630), une extrémité proximale d’un humérus gauche (PIN 1043/511), un fragment d’ilium droit (PIN 1043/652), un tibia droit (PIN 1043/515), un fragment de fibula (PIN 1043/516), un calcanéum droit (PIN 1043/547), deux tarses IV (PIN 1043/544 et PIN 1043/545) et un tarse III (PIN 1043/546).

Sennikov n’a pas effectué d’analyse phylogénétique pour classer Scolotosuchus, et s’est limité à des comparaisons morphologiques. Il a proposé de placer le genre au sein de Rauisuchidae. Toutefois, selon les analyses les plus récentes, la famille des rauisuchidés telle que Sennikov la conçoit est paraphylétique. Les « Rauisuchidae » sont en réalité un ensemble de genres plus ou moins dérivés au sein de la lignée évolutive menant aux crocodylomorphes : Loricata. Ainsi, en l’absence d’analyse phylogénétique pour en savoir plus sur ses relations de parenté, Scolotosuchus peut être considéré comme un Loricata au placement incertain.

Sennikov souligne a remarqué que les épines neurales cervicales de Scolotosuchus sont bifurquées, une morphologie qui témoigne de la présence de muscles et de ligaments puissants. Les faces rugueuses des vertèbres suggèrent également la présence de fortes attaches ligamenteuses. Une telle musculature suggère que Scolotosuchus avait un cou assez fort pour supporter et déplacer rapidement une tête lourde. Il aurait ainsi pu bouger très rapidement sa tête, peut-être afin de secouer ses proies. La morphologie de ses vertèbres suggère en outre que le cou de Scolotosuchus était très mobile, avec une large amplitude de mouvement. Les autres Loricata ne présentent pas ce genre d’adaptations, ce qui suggère que le mode de capture des proies de Scolotosuchus était unique au sein de ce clade.

Chez les pseudosuchiens, les ostéodermes, en plus de fournir une protection efficace, sont des points d’ancrage pour des muscles permettant le maintien de la posture du corps. Pour Sennikov, la rugosité des vertèbres de Scolotosuchus est également le témoin qu’il ne possédait pas d’ostéodermes. Il prend comme argument le fait que les poposauroidés sont des pseudosuchiens qui en sont dépourvus et qui présentent également des vertèbres rugueuses. De plus, Sennikov signale qu’aucun ostéoderme attribuable à un pseudosuchien n’a été découvert avec les fossiles de Scolotosuchus. Cette rugosité des vertèbres est le signe de la présence de muscles puissants, qui permettaient le soutien du corps et le maintien de la posture. De tels muscles ont pu permettre à Scolotosuchus d’avoir un maintien de sa posture similaire à celui des mammifères, des poposauroidés ou des dinosaures, et différent des autres pseudosuchiens.

Scolotosuchus mesurait environ 3 mètres de longueur, et était ainsi le plus grand animal qui vivait dans l’écosystème de Lipovskaya. Il était dépourvu d’ostéodermes, mais ce type de protection lui était inutile, car ce devait être le prédateur au sommet du réseau trophique de son environnement. Scolotosuchus utilisait sa tête massive pour agripper ses proies et les secouer, les mettant ainsi à mort. Il vivait en compagnie de cynodontes, de temnospondyles, des ctenosauriscidés Tsylmosuchus et Bystrowisuchus, de l’ érythrosuchidé Garjainia, du tanystropheidé Augustaburiania et des trilophosauridés Coelodontognathus, Vitalia et Doniceps.
Références : Sennikov, A.G., 2023, A New Pseudosuchian from the Early Triassic of Eastern Europe. Paleontological Journal. 56(11): 1391–1418.
Sennikov, A.G., 1999, The evolution of the postcranial skeleton in archosaurs in connection with new finds of the Rauisuchidae in the Early Triassic of Russia. Paleontological Journal. 33(6): 648–659.
Sennikov, A.G., 2022, On the Pseudosuchians Tsylmosuchus donensis and Scythosuchus basileus from the Early Triassic of Eastern Europe. Paleontological Journal. 56(1): 91–96.
Toutes les images proviennent de Sennikov, 2023 à l’exception de la première qui provient de Sennikov, 1999