En 2019, Mateus et ses collègues décrivaient Portugalosuchus sur la base d’un crâne partiel, particulièrement bien préservé. L’holotype (ML1818) provient du Cénomanien de la formation géologique de Tentugal (Coimbra, Portugal). L’espèce nommée par Mateus et ses collègues est P. azenhae, et le genre a alors été classé comme un potentiel Crocodylia basal. Les études neuroanatomiques sur les eusuchiens fossiles sont rares, et la boîte crânienne de ML1818 est bien conservée. Puértolas-Pascual et ses collègues analysent ainsi la neuroanatomie de Portugalosuchus afin de connaître les caractéristiques sensorielles des premiers Crocodylia.

Puértolas-Pascual et ses collègues ont ainsi scanné le spécimen ML1818 avec un scanner CT, ce qui a permis une modélisation en 3D du spécimen. Sur la base de cette modélisation, il leur a été possible de visualiser en détail la morphologie du spécimen, mais aussi de reconstruire son endocrâne. A partir de l’endocrâne de ML1818, une reconstitution du cerveau de Portugalosuchus a ainsi été possible.

Grâce aux nouvelles informations anatomiques obtenues avec le scan de ML1818, Puértolas-Pascual et ses collègues ont pu modifier le diagnostic de plusieurs caractères de Portugalosuchus. Ils ont ainsi pu modifier son codage phylogénétique, permettant d’effectuer une analyse phylogénétique plus précise, qui place Portugalosuchus en taxon-soeur de Thoracosaurus au sein de Gavialoidea. Il se place dans le clade paraphylétique des thoracosauridés, dont la phylogénie n’est toujours pas claire. Puértolas-Pascual et ses collègues confirment donc le classement de Portugalosuchus comme un Crocodylia, mais précisent sa position.

Puértolas-Pascual et ses collègues ont ainsi reconstruit en détail la neuroanatomie de Portugalosuchus. Il a notamment été possible d’en reconstituer les bulbes olfactifs, la région postérieure des canaux nasopharyngés, le cerveau, les nerfs crâniens, les vaisseaux sanguins et l’oreille interne. L’analyse de ML1818 leur permet de connaître ses caractéristiques sensorielles. Puértolas-Pascual et ses collègues ont ainsi calculé les ratios olfactifs, l’acuité auditive, l’acuité visuelle et les capacités cognitives de Portugalosuchus.

Selon Puértolas-Pascual et ses collègues, le ratio olfactif de Portugalosuchus est de 1,64, ce qui est un peu faible pour un eusuchien. Ils ont calculé l’acuité auditive de Portugalosuchus sur la base de la taille du canal cochléaire endo-osseux, situé dans l’oreille interne. Comparé à celui des autres eusuchiens, ce canal se trouve être d’une taille proche de celle estimée pour d’autres grands eusuchiens comme Alligator, Crocodylus ou Lohuecosuchus. Pour estimer l’acuité visuelle de Portugalosuchus, Puértolas-Pascual et ses collègues ont mesuré le volume des lobes optiques par rapport à la taille de l’endocaste. Ce volume, d’environ 10%, est assez proche de celui des eusuchiens adaptés à un environnement avec des eaux boueuses comme Tomistoma et Arenysuchus.

Les capacités cognitives de Portugalosuchus ont été estimées en calculant son quotient d’encéphalisation reptilien (le QER, ou REQ en anglais). Ce quotient s’obtient en comparant la masse cérébrale par rapport à la masse corporelle. Le QER estimé par Puértolas-Pascual et ses collègues pour Portugalosuchus est de 0,97. Ce QER se trouve dans la gamme des QER des autres eusuchiens de grande taille, comme Alligator, Crocodylus ou Tomistoma. On peut ainsi en déduire que Portugalosuchus était un gavialoidé aux performances sensorielles et cognitives assez similaires à celles des autres eusuchiens. Les performances visuelles de Portugalosuchus laissent penser qu’il vivait dans des eaux boueuses.

Références : Puértolas-Pascual, E.; Kuzmin, I.T.; Serrano-Martínez, A.; Mateus, O, 2023, Neuroanatomy of the crocodylomorph Portugalosuchus azenhae from the late cretaceous of Portugal. Journal of Anatomy.
Mateus, O.; Puértolas-Pascual, E.; Callapez, P.M., 2019, A new eusuchian crocodylomorph from the Cenomanian (late cretaceous) of Portugal reveals novel implications on the origin of Crocodylia. Zoological Journal of the Linnean Society. 186: 501– 528.
Toutes les images proviennent de Puértolas-Pascual et al., 2023