En 2005, Schweitzer et ses collègues ont attesté la présence de tissus mous dans la cavité médullaire des os longs du spécimen MOR 1125 de Tyrannosaurus rex. Le tissu médullaire est un type de tissu osseux particulier qui ne se forme que chez les oiseaux femelles prêts à pondre. Cette découverte était très importante et permettait de déterminer sans aucun doute le sexe de cet individu. La présence de tels tissus mous sur un spécimen fossile a soulevé de nombreux doutes, et vingt études ont été menées pour analyser la biochimie du spécimen MOR 1125. Anné et ses collègues analysent ainsi à leur tour la biochimie de MOR 1125, afin de proposer leur point de vue sur la présence ou non de tissu médullaire.

Anné et ses collègues ont analysé un fragment de fémur de MOR 1125 avec un synchrotron utilisant la fluorescence des rayons X. Ils ont comparé leurs résultats avec ceux de l’analyse d’un os d’oiseau actuel (un radius de cacatoès, NCSM 17977) et d’un tibia de Tenontosaurus (OMNH 34784). La réaction des éléments chimiques face au rayonnement X projeté par l’action du synchrotron permet de les identifier.

L’analyse au synchrotron des éléments chimiques de MOR 1125 montre que la proportion des éléments Calcium et Zinc mais aussi d’autres espèces chimiques, corrélée à des caractéristiques osseuses, est similaire à celle de l’os de cacatoès actuel. En revanche, elle est bien différente de la proportion d’espèces chimiques pour le tibia de Tenontosaurus. Pour Anné et ses collègues, les éléments détectés dans MOR 1125 sont très probablement de source endogène, c’est-à-dire qu’ils proviennent directement de l’individu et non de l’environnement extérieur. Ces éléments chimiques présents dans MOR 1125 sont les témoins d’un remodelage osseux, mais aussi de la présence d’os médullaire.

Sur la base de leur analyse au synchrotron, Anné et ses collègues indiquent que chez MOR 1125, le processus de diagénèse ne s’est réalisé que partiellement. Une partie de la chimie d’origine se trouve encore présente dans le spécimen, mais une partie des éléments se sont trouvés altérés par la fossilisation. Ainsi, des biomolécules sont bel et bien présentes au sein de cet individu de Tyrannosaurus, ce qui confirme la présence d’os médullaire. La confirmation d’Anné et ses collègues permet également de certifier l’identification de MOR 1125 comme un individu femelle.
Références : Anné, J.; Canoville, A.; Edwards, N.P.; Schweitzer, M.H.; Zanno, L.E., 2023, Independent Evidence for the Preservation of Endogenous Bone Biochemistry in a Specimen of Tyrannosaurus rex. Biology. 12: 264.
Schweitzer, M.H.; Wittmeyer, J.L.; Horner, J.R., 2005, Gender-specific reproductive tissue in ratites and Tyrannosaurus rex. Science. 308: 1456–1460.
San Antonio, J.D.; Schweitzer, M.H.; Jensen, S.T.; Kalluri, R.; Buckley, M.; Orgel, J.P., 2011, Dinosaur peptides suggest mechanisms of protein survival. PLoS ONE. 6: e20381.
Toutes les images proviennent d’Anné et al., 2023 à l’exception de la première qui provient de San Antonio et al., 2011