Contrainte de taille chez les théropodes

Au cours de l’histoire de la paléontologie, aucun théropode de plus de 12-13 mètres n’a jamais été décrit. Les seuls mentions de théropodes dépassant ces dimensions se basent sur du matériel fragmentaire, comme pour Spinosaurus. L’absence de théropodes plus grands apparaît comme le signe de l’existence d’une sorte de limite biologique. Henderson analyse ainsi cette limite de taille en cherchant la taille et la masse maximale théoriques atteignables pour un théropode.

Reconstitutions squelettiques de deux des plus grands théropodes connus, dont la taille ne dépasse pas les 12-13 mètres de longueur : Giganotosaurus et Tyrannosaurus, par Scott Hartman

Henderson a analysé 15 genres de théropodes de dimensions très variées, comprenant les genres basaux Herrerasaurus, Coelophysis et Dilophosaurus, les cératosaures Ceratosaurus et Carnotaurus, les allosauroidés Allosaurus et Acrocanthosaurus, les tyrannosauridés Daspletosaurus, Gorgosaurus, Teratophoneus et Tyrannosaurus ainsi que les coelurosaures Compsognathus et Struthiomimus. Ces genres sont suffisamment connus et assez complets pour en faire des reconstitutions musculaires et des modélisations 3D. Henderson a ainsi reconstitué les os, les muscles, la masse et la taille de ces 15 genres. Il en a également étudié la musculature du bassin, qui est essentielle pour permettre l’accélération.

Modélisations 3D de plusieurs des théropodes étudiés par Henderson, mettant en évidence la taille des muscles du bassin

En effet, Henderson a mis en évidence la relation entre la taille et masse et l’accélération. Au-delà d’une certaine taille et d’une certaine masse, les muscles du bassin ne sont plus assez efficaces pour permettre une accélération suffisante pour mettre en mouvement le corps. Le corps d’un théropode bipède est bâti de telle sorte qu’un mouvement de changement d’orientation nécessite une grande force musculaire pour stabiliser le corps. Après 12 à 14 mètres, la taille d’un théropode bipède est trop importante pour permettre cette stabilisation ainsi que la production d’une accélération suffisante pour marcher.

Graphique présentant la relation entre la taille et le poids et l’accélération, mise en évidence par Henderson ; on remarque qu’au-delà de 12 à 14 mètres, l’accélération devient trop faible par rapport à la masse corporelle pour permettre au corps de se mouvoir

Le besoin de stabilisation lors de la marche est commun à tous les théropodes et celle-ci est assurée par des muscles de la région du bassin. Ainsi, Henderson a remarqué que la surface des os du bassin et la longueur du corps sont proportionnelles. Par cette relation, il a pu calculer les dimensions théoriques de plusieurs théropodes fragmentaires mais possédant un bassin relativement complet. Giganotosaurus a ainsi une taille comprise entre 11,5 et 13,5 mètres, tandis que Suchomimus a une taille comprise entre 8,5 et 9,5 mètres. Étonnamment, Henderson a trouvé une taille assez réduite pour Spinosaurus avec cette méthode, comprise entre 6,5 et 7,3 mètres. Selon lui, une si petite taille estimée alors que des restes de très grande dimension sont connus est le signe que le matériel utilisé pour décrire le genre est probablement composite.

Graphique présentant la relation entre la surface des os du bassin et la taille du corps des théropodes, mise en évidence par Henderson

Référence : Henderson, D.M., 2023, Growth constraints set an upper limit to theropod dinosaur body size. The Science of Nature. 110: 4.

Toutes les images proviennent d’Henderson, 2023 à l’exception de la première qui est une œuvre de Scott Hartman

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