Les archosaures actuels, les oiseaux et les crocodiliens, sont de parfaits opposés en termes de posture avec les premiers qui sont des bipèdes exclusifs, et les seconds qui sont des quadrupèdes exclusifs. Au cours de leur évolution, les archosaures ont connu plusieurs transitions et changements de posture, avec des pseudosuchiens bipèdes (Shuvosauridae, Poposauridae…) ou des dinosaures quadrupèdes (Sauropoda, Ceratopsia…). Euparkeria est un genre particulièrement intéressant pour étudier l’évolution des Archosauriformes car il présente une multitude de caractères ancestraux. Connaître sa posture est intéressant pour connaître la position ancestrale des Archosauriformes. Celle-ci est controversée, avec des études considérant Euparkeria comme un quadrupède et bipède facultatif et d’autres comme un quadrupède exclusif. Demuth et ses collègues analysent ainsi la posture d’Euparkeria pour résoudre ce débat.

Pour reconstruire le mode de locomotion d’Euparkeria, Demuth et ses collègues ont réalisé un modèle musculosquelettique du genre. Ce modèle reconstituant le squelette mais aussi les muscles permet de comprendre les forces appliquées au corps d’Euparkeria et les réponses qu’il pouvait fournir. Il a été constitué à partir de plusieurs spécimens bien préservés, dont la combinaison permet de connaître l’entièreté de son squelette. La musculature d’Euparkeria a quant à elle été reconstruite à partir de celle de l’alligator. Le centre de masse d’Euparkeria a ainsi été déterminé par Demuth et ses collègues, se situant un peu à l’avant des membres postérieurs. Des modèles mathématiques ont permis de connaître les forces appliquées au corps d’Euparkeria. Sur la base de cette modélisation, Demuth et ses collègues ont testé la viabilité d’une position bipède pour Euparkeria.

Les résultats de Demuth et ses collègues révèlent que les membres postérieurs d‘Euparkeria ont pu lui permettre de se maintenir debout en position bipède à l’arrêt. Toutefois, lorsque l’animal se met en mouvement, le tangage de la queue et plus globalement du corps ne lui permettent pas de se maintenir en équilibre en position bipède. Selon Demuth et ses collègues, il semble donc peu probable qu’Euparkeria adopte habituellement la bipédie. Pour maintenir la locomotion bipède, le mouvement autour du centre de masse qui est généré lors de chaque foulée doit être nul. Sur la base d’études précédentes sur sa morphologie et sur leur étude biomécanique, Demuth et ses collègues en concluent qu’Euparkeria était un quadrupède exclusif.

Le fait qu’Euparkeria ait été un quadrupède exclusif suggère que cette posture était la condition ancestrale chez les Archosauriformes, et probablement chez les archosaures. Demuth et ses collègues ont analysé l’évolution de la posture au sein d’Archosauria, avec la quadrupédie comme posture ancestrale. Cette analyse a révélé que les pseudosuchiens étaient des quadrupèdes et que la bipédie a indépendamment évolué deux à trois fois au sein de ce groupe (Poposauridae, Shuvosauridae et Postosuchus).

Au sein d’Avemetatarsalia, l’émergence de la bipédie est quelque peu ambiguë. Les aphanosaures basaux sont des quadrupèdes exclusifs. Elle est potentiellement présente chez les pterosauromorphes basaux, mais perdue chez les ptérosaures qui sont des quadrupèdes exclusifs. La bipédie est présente chez la grande majorité des dinosauromorphes basaux, les silesauridés ayant développé la quadrupédie au cours de leur évolution. La bipédie semble ainsi s’être développée chez les Ornithodira ou bien au sein de Dinosauromorpha. Ensuite, plusieurs lignées de dinosaures ont développé un retour à la position quadrupède, comme les sauropodes et une grande majorité des ornithischiens dérivés.
Référence : Demuth, O.E.; Wiseman, A.L.A.; Hutchinson, J.R., 2023, Quantitative biomechanical assessment of locomotor capabilities of the stem archosaur Euparkeria capensis. Royal Society Open Science. 10(1): 221195.
Nesbitt, S.J.; Norell, M.A., 2006, Extreme convergence in the body plans of an early suchian (Archosauria) and ornithomimid dinosaurs (Theropoda). Proceedings of the Royal Society B: Biological Sciences. 273(1590): 1045–1048.
Toutes les images proviennent de Demuth et al., 2023 à l’exception de la première qui provient de Nesbitt et Norell, 2006 et de la troisième qui est une œuvre de Nobumichi Tamura