Entre 2017 et 2018, des fouilles paléontologiques ont été organisées à Charmouth, suite à la découverte d’un squelette partiel de crocodylomorphe par Paul Turner. Le fossile s’avère alors provenir du Pliensbachien de la formation géologique de Charmouth Mudstone (Dorset, Angleterre). Wilberg et ses collègues décrivent ainsi ce spécimen sous le nom de Turnersuchus (en hommage à son découvreur) avec T. hingleyae pour espèce.

L’holotype (LRM 2021/45) de Turnersuchus hingleyae est un squelette partiel composé du crâne partiel, de nombreuses vertèbres cervicales et dorsales articulées, de vertèbres caudales isolées, de côtes cervicales et dorsales, de gastralias, de la scapula droite, du coracoïde droit partiel, de l’humérus droit partiel, de l’ulna droit, d’un tibia partiel et d’un ostéoderme. Le spécimen est préservé en trois dimensions, au sein de cinq blocs différents, à l’exception de quelques éléments isolés détachés du sédiment. Wilberg et ses collègues ont procédé au scan CT des éléments de l’holotype afin de pouvoir les étudier dans le plus grand des détails.

L’analyse phylogénétique réalisée par Wilberg et ses collègues a classé Turnersuchus comme le thalattosuchien le plus basal. Il se place en taxon-soeur de Teleosauroidea + Metriorhynchoidea et représente l’un des thalattosuchiens les plus anciens connus. Sa description permet de trouver une origine de Thalattosuchia remontant au tout début du jurassique, voire au trias supérieur. Wilberg et ses collègues privilégient également un classement de Thalattosuchia en tant que crocodylomorphes basaux ou bien en tant que mesoeucrocodyliens basaux.

Turnersuchus présente des similitudes à la fois avec Pelagosaurus, le Metriorhynchoidea le plus basal, et avec Plagiophthalmosuchus, le Teleosauroidea le plus basal. Turnersuchus présente ainsi une combinaison de caractères plésiomorphes, partagés par l’ensemble des thalattosuchiens. Toutefois, son museau ne semble pas aussi allongé que chez les autres thalattosuchiens, suggérant qu’un museau allongé n’est pas la condition ancestrale du crâne des thalattosuchiens. Selon Wilberg et ses collègues, Turnersuchus présentait des membres antérieurs plus développés que les thalattosuchiens plus dérivés. Cette caractéristique illustre bien la tendance évolutive à la régression de la taille des membres antérieurs chez les thalattosuchiens.

L’holotype de Turnersuchus n’est pas assez complet pour connaître les détails de son écologie, les membres postérieurs et le museau étant manquants. Nous pouvons donc seulement supposer que c’était un prédateur côtier, chassant probablement des proies assez lentes et molles, comme les céphalopodes et certains poissons. Turnersuchus vivait dans des eaux assez peu profondes, en compagnie de plésiosaures rhomaleosauridés, pliosauridés et plesiosauridés, d’ichthyosaures et de ptérosaures.

Référence : Wilberg, E.W.; Godoy, P.L.; Griffiths, E.F.; Turner, A.H.; Benson, R.B.J., 2023, A new early diverging thalattosuchian (Crocodylomorpha) from the Early Jurassic (Pliensbachian) of Dorset, U.K. and implications for the origin and evolution of the group. Journal of Vertebrate Paleontology.
Toutes les images proviennent de Wilberg et al., 2023 à l’exception de la dernière qui est une œuvre de Júlia d’Oliveira