L’intelligence des dinosaures et des ptérosaures

La mesure de l’intelligence ainsi que des capacités cognitives des animaux s’effectue généralement en calculant le quotient d’encéphalisation, c’est-à-dire le rapport entre la masse corporelle et la masse cérébrale. Cette mesure est différente selon si le taxon étudié est endotherme ou ectotherme, et ce calcul peut également s’appliquer aux dinosaures. Ainsi, le calcul de l’intelligence des dinosaures a longtemps identifié les dinosaures les plus intelligents au sein des clades paraviens, comme les dromaeosauridés ou les troodontidés. Herculano-Houzel propose ainsi une nouvelle méthode de calcul de l’intelligence des dinosaures, en se basant plutôt sur le nombre de neurones du télencéphale (la structure du cerveau comprenant les deux hémisphères cérébraux).

Différents graphiques présentant la méthode de calcul du nombre de neurones télencéphaliques, en se basant sur la masse corporelle, la masse cérébrale, la masse du télencéphale qui en découle et son volume, puis enfin le nombre de neurones télencéphaliques

Herculano-Houzel a calculé le nombre de neurones du télencéphale de plusieurs proches parents des dinosaures actuels (crocodiliens et squamates) ainsi que de la dernière lignée vivante des dinosaures, les oiseaux. Elle a effectué ce calcul sur la base du volume du cerveau, tout en remarquant que ce nombre de neurones varie en fonction du mode de thermorégulation (endotherme ou ectotherme) pour un même volume cérébral. Herculano-Houzel a ensuite calculé le nombre de neurones du télencéphale de plusieurs dinosaures et ptérosaures sur la base de la taille du cerveau, calculée en analysant les scans CT de leurs endocrânes.

Graphiques présentant le ratio de la masse cérébrale/masse corporelle chez les Sauria, montrant que celui-ci est globalement identique, ce qui permet donc de calculer le nombre de neurones du télencéphale en se basant sur celui des animaux modernes

Herculano-Houzel a utilisé le fait que le ratio de la masse cérébrale/masse corporelle est à peu près identique chez tous les avemetatarsaliens (ptérosaures et dinosaures, y compris les oiseaux). Il lui a donc été possible d’utiliser cette relation, combinée aux scans CT, pour calculer leur nombre de neurones du télencéphale. Sur la base des résultats obtenus, elle a identifié la plupart des clades des avemetatarsaliens comme des animaux endothermes, à l’exception de nombreux ornithischiens et peut-être d’une partie des sauropodes et des ptérosaures. Ces résultats ont notamment été comparés au nombre de neurones du télencéphale de plusieurs primates, afin d’en tirer des conclusions par rapport au degré d’intelligence.

Arbre phylogénétique de Sauria, montrant le mode de thermorégulation des différents clades (ectotherme en vert et endotherme en rouge/orange) selon deux hypothèses : la première est qu’au sein d’Avemetatarsalia, seuls les ornithischiens sont ectothermes et la seconde, basée sur les résultats de Herculano-Houzel, est que seule une partie des ptérosaures, des sauropodes et des ornithischiens sont endothermes

Herculano-Houzel a ainsi mis en évidence le fait que les dinosaures possédant le plus grand nombre de neurones du télencéphale sont les théropodes coelurosauriens de grande taille, comme Tyrannosaurus. Viennent ensuite les théropodes géants plus basaux comme Allosaurus ou Acrocanthosaurus, puis les ornithopodes de grande taille comme Iguanodon ou Edmontosaurus (appelé Anatosaurus dans l’article). Les ptérosaures, les sauropodes, les ankylosaures, les cératopsiens et les stégosaures ont un nombre de neurones du télencéphale plus faible. Les théropodes de petite taille possèdent un nombre de ces neurones assez faible par rapport aux formes de grande taille, ce qui suggèrerait que les grands prédateurs tyrannosauridés ou allosauroidés seraient plus intelligents que les troodontidés ou les dromaeosauridés.

Schéma représentant l’estimation du nombre de neurones télencéphaliques chez plusieurs dinosaures et ptérosaures, comparé à celui de plusieurs primates ; On note que le nombre le plus élevé de ces neurones chez les dinosaures se retrouve chez les grands théropodes (Allosaurus, Tyrannosaurus)

Ainsi, Tyrannosaurus présente un nombre de neurones télencéphaliques d’environ 3 milliards alors que Troodon n’en possède qu’environ 650 millions. De même, Allosaurus possède environ 2 milliards de ces neurones alors que le dromaeosauridé Tsaagan n’en a qu’environ 100 millions. En guise de comparaison, les grands théropodes possèdent environ le même nombre de neurones télencéphaliques que les macaques voire les babouins, tandis que celui des petits théropodes se rapproche de celui des singes douroucoulis ou ouistitis. Ces valeurs sont bien inférieures à celles obtenues pour le chimpanzé, mais largement supérieures à celles des ptérosaures, des sauropodes, des ankylosaures, des cératopsiens et des stégosaures.

Tableau présentant le nombre de neurones télencéphaliques de plusieurs genres ne figurant pour la plupart pas sur l’image plus haut, ainsi que plusieurs autres caractéristiques notables pour les comparer, réalisé à partir des données de Herculano-Houzel, 2023

Herculano-Houzel en conclut donc que les dinosaures les plus intelligents étaient les grands théropodes comme Allosaurus ou Tyrannosaurus. Leurs fonctions cognitives ont pu être développées au point de s’approcher de celles de primates comme les babouins ou les macaques. Les ptérosaures ainsi que les autres dinosaures semblent avoir une intelligence plus faible, se rapprochant d’une certaine norme pour des animaux de leur taille. Il convient toutefois de noter que ces calculs et ces conclusions sont encore à tester et à vérifier, d’autant que Herculano-Houzel ne se base que sur le nombre de neurones et non sur leur agencement.

Référence : Herculano-Houzel, S., 2023, Theropod dinosaurs had primate-like numbers of telencephalic neurons. Journal of Comparative Neurology.

Toutes les images proviennent de Herculano-Houzel, 2023 à l’exception de la dernière que j’ai réalisée à partir des données de Herculano-Houzel, 2023

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