Nouveau jinguofortisidé : Cratonavis

Il y a quelques années, le squelette d’un oiseau fut découvert près du village de Xiaotaizi, dans l’Aptien de la formation géologique de Jiufotang (Liaoning, Chine). Li et ses collègues décrivent ainsi ce spécimen comme l’holotype (IVPP V31106) du nouveau genre Cratonavis (en référence au craton de Chine du Nord, un bloc continental détruit juste avant l’apparition du genre) avec C. zhui pour espèce.

Reconstitution du vivant/squelettique de Cratonavis, par Zhao Chuang

L’holotype (IVPP V31106) de Cratonavis zhui est un squelette complet articulé, présentant plusieurs restes de plumes. Il représente un adulte qui aurait eu une masse d’environ 670 grammes. La grande qualité de préservation de cet individu ainsi que les scans CT du spécimen ont pu permettre à Li et ses collègues d’obtenir de nombreuses informations sur sa morphologie.

Photographies et scan CT de l’holotype (IVPP V31106) de Cratonavis zhui

L’analyse phylogénétique réalisée par Li et ses collègues a placé Cratonavis au sein de la famille des Jinguofortisidae. Le genre y est retrouvé en taxon-soeur de Chongmingia tandis que la famille des jinguofortisidés est retrouvée au sein de Pygostylia, en polytomie avec Sapeornis et les confuciusornithidés en tant que clades les plus proches d’Ornithothoraces.

Résultats de l’analyse phylogénétique de Li et ses collègues, classant Cratonavis chez les jinguofortisidés en taxon-soeur de Chongmingia

Les caractéristiques notables que l’on remarque chez Cratonavis sont ses scapulas et ses métatarsiens I très allongés. Son crâne présente une morphologie typique d’un Avialae basal, très proche de celle des théropodes moins dérivés. Le palais de Cratonavis montre que son crâne était akinétique, comme les autres Avialae basaux. En revanche, son squelette postcrânien présente des caractéristiques typiques des oiseaux plus dérivés, comme des membres antérieurs allongés, un sternum ossifié ou encore un pygostyle.

Scan CT et reconstitution du crâne de l’holotype (IVPP V31106) de Cratonavis zhui

Chaque scapula de Cratonavis est allongée, une adaptation souvent retrouvée au cours de l’évolution des oiseaux, et qui permet d’améliorer les capacités de vol. En effet, une plus grande scapula permet une zone d’attache plus grande pour les muscles impliqués dans le vol, mais permet aussi d’augmenter l’amplitude de mouvement des ailes. Li et ses collègues notent toutefois que l’évolution de la scapula chez les théropodes a jusque là été peu étudiée. Leur analyse a montré qu’une scapula proportionnellement grande par rapport à l’humérus est un caractère assez répandu chez les théropodes, et peut revêtir différents rôles selon l’écologie des taxons. Cela a également pu permettre a Li et ses collègues de constater qu’une grande scapula est un caractère apparu au moins deux fois dans l’histoire évolutive des oiseaux : une chez les jinguofortisidés et une fois chez les Ornithothoraces.

Arbre phylogénétique montrant l’évolution de la scapula et de l’humérus chez les théropodes (a) et analyses des ratio entre la taille de la scapula et de l’humérus (b) et de la scapula et du fémur (c) chez les théropodes

La seconde particularité de Cratonavis, la grande taille de son hallux, est encore plus notable car elle permet de déterminer son écologie. La tendance évolutive des théropodes est une régression de la taille de l’hallux, car cela permet d’améliorer les performances de course de ces bipèdes digitigrades. On remarque toutefois des exceptions avec des groupes au hallux bien développé, chez les énantiornithes pengornithidés , les dromaeosauridés et les thérizinosaures. Les jinguofortisidés apparaissent donc également comme une famille avec une ré-augmentation de la taille du métatarsien I. Cette augmentation secondaire du hallux chez les paraviens s’explique par une nécessité de se percher, chasser ou encore grimper avec l’aide des membres postérieurs.

Arbre phylogénétique montrant l’évolution du métatarsien I (hallux) chez les théropodes (a) et résultats de l’analyse morphospaciale de Li et ses collègues basée sur la morphologie de l’hallux, plaçant Cratonavis dans le morphospace des oiseaux de proie mais aussi des oiseaux arboricoles

L’analyse morphométrique de ses dimensions montre que l’hallux de Cratonavis se situe dans le morphospace des hallux des oiseaux de proie et des oiseaux arboricoles. Li et ses collègues ont donc catégorisé Cratonavis comme un oiseau arboricole d’après ces résultats. Ainsi, on peut supposer que les jinguofortisidés ont développé un hallux de plus grande taille pour améliorer leurs prises dans les arbres, et peut-être aussi pour capturer des proies. Cratonavis était un oiseau chasseur de petits animaux, qui vivait dans un environnement forestier assez froid en compagnie de squamates, de tortues, de choristoderes, de nombreux autres oiseaux, de nombreux ptérosaures et d’une grande variété de dinosaures.

Référence : Li, Z.; Wang, M.; Stidham, T.A.; Zhou, Z., 2023, Decoupling the skull and skeleton in a Cretaceous bird with unique appendicular morphologies. Nature, Ecology & Evolution.

Toutes les images proviennent de Li et al., 2023 à l’exception de la première qui est une œuvre de Zhao Chuang

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