Un mammifère dans le contenu stomacal d’un spécimen de Microraptor

Microraptor est un genre de théropode dromaeosauridé capable de pratiquer le vol plané sur des distances courtes à moyennes. Il est connu de nombreux spécimens magnifiquement préservés, provenant du Barrémien-Aptien de Chine, appartenant à plusieurs espèces. L’écologie de Microraptor est particulièrement bien connue puisque sa morphologie a été étudiée en détail, révélant de nombreuses particularités de son mode de vie. Plusieurs spécimens de Microraptor préservent même un contenu stomacal, ce qui a révélé que le genre pouvait se nourrir de poissons, de mammifères et de squamates. Ces contenus stomacaux ont été décrits en détail à l’exception de celui contenant le mammifère. Hone et ses collègues entreprennent ainsi de décrire en détail le spécimen de Microraptor contenant un mammifère afin d’en tirer des conclusions sur son écologie.

Reconstitution squelettique (à gauche, par Scott Hartman) et du vivant (à droite, par Fred Wierum) d’Archaeopteryx

Le spécimen de Microraptor étudié est un squelette assez complet mais aussi l’holotype (IVPP V 12330) de Microraptor zhaoianus, l’espèce-type de Microraptor. Ce spécimen a été étudié pour la première fois par Xu et ses collègues en 2000 et devait mesurer environ 50 centimètres de longueur de son vivant. Le spécimen IVPP V 12330 de Microraptor zhaoianus contient un pied droit articulé de mammifère dans sa cage thoracique. Des os longs autour de ce pied suggèrent que d’autres parties de membres ce mammifère sont préservées, mais elles sont indistinguables. Hone et ses collègues ont analysé la morphologie de ce pied et en ont conclu qu’il appartenait à un mammifère terrestre. Ce mammifère, à l’identification indéterminée du fait de la nature fragmentaire des restes préservés, aurait pesé entre 13 et 43 grammes.

Photographie du spécimen IVPP V 12330, l’holotype de Microraptor zhaoianus, avec le détail (rectangle jaune) du pied de mammifère préservé dans sa cage thoracique que l’on distingue plus facilement (en jaune) sur le dessin interprétatif

La présence de ce pied de mammifère dans la cage thoracique d’un spécimen de Microraptor suggère que Microraptor se nourrissait très probablement de mammifères. Avec une alimentation comprenant des poissons, des oiseaux, des squamates et des mammifères, Microraptor était un prédateur actif de proies de taille bien plus petite que lui. En effet, Hone et ses collègues ont estimé la masse du spécimen IVPP V 12330 à environ 150 grammes, ce qui fait que sa proie pesait environ 15-20% de son poids. Ce ratio est encore plus faible pour les autres contenus stomacaux de Microraptor où la proie peut représenter jusqu’à seulement 1% de la masse du spécimen de Microraptor.

Tableau présentant le rapport de taille entre les spécimens de Microraptor et la proie associée à leur contenu stomacal

Hone et ses collègues remarquent que le seul élément consommé par IVPP V 12330 est un pied. Bien qu’articulé, ce pied représente selon eux un élément d’une charogne plutôt que celui d’une proie venant d’être tuée. Ils avancent le fait que si ce mammifère avait été tué par IVPP V 12330, d’autres éléments du squelette auraient été retrouvés dans sa cage thoracique. Hone et ses collègues notent également que l’oiseau ou le poisson contenus dans les cages thoraciques d’ autres individus de Microraptor pourraient également être des éléments de charognes. Selon eux, le comportement charognard opportuniste des prédateurs fossiles est sous-estimé, mais n’empêche pas le fait que Microraptor ait également chassé des oiseaux et mammifères vivants.

Photographie et dessin interprétatif d’un autre spécimen (IVPP V17972A) de Microraptor (appartenant à l’espèce M. gui), avec les restes d’un oiseau préservés dans sa cage thoracique (en bleu sur le dessin interprétatif)

Cette écologie alimentaire déduite sur la base des contenus intestinaux est confirmée par l’analyse morphologique des mâchoires de Microraptor. Hone et ses collègues notent que les proportions de ses mâchoires correspondent à celles des dromaeosauridés Achillobator et Saurornitholestes. Ces deux genres sont des prédateurs généralistes, s’attaquant à des proies de petite taille comme à des proies de taille moyenne. Cela indique qu’à son échelle de prédateur de très petite taille, Microraptor présentait une morphologie crânienne adaptée à la chasse de petits vertébrés plutôt qu’à la chasse d’invertébrés. Microraptor se nourrissait de proies faciles à saisir, mais dont la mise à mort ou la désarticulation nécessitait une certaine force de morsure.

Reconstitution du vivant de Microraptor, chassant des vertébrés de plus petite taille que lui, en l’occurrence ici des oiseaux

Hone et ses collègues en concluent que Microraptor était un prédateur de vertébrés plus petits que lui, et qu’il pouvait se livrer à des activités de charognage de manière bien plus fréquente qu’on ne le pensait. Ces preuves basées sur le contenu stomacal viennent s’ajouter aux nombreuses études sur la biomécanique et sur l’anatomie de Microraptor qui sont en faveur d’une alimentation principalement basée sur les petits vertébrés. Hone et ses collègues font également remarquer qu’une étude de la micro-usure dentaire de Microraptor pourrait être réalisée pour affiner nos connaissances sur son régime alimentaire et ainsi déterminer quelles proies étaient ses préférées et lesquelles n’étaient chassées qu’occasionnellement.

Références : Hone, D.W.E.; Dececchi, T.A.; Sullivan, C.; Xu, X.; Larsson, H.C.E., 2022, Generalist diet of Microraptor zhaoianus included mammals. Journal of Vertebrate Paleontology. e2144337.

Xu, X.; Zhou, Z.; Wang, X., 2000, The smallest known non-avian theropod dinosaur. Nature. 408: 705–708.

O’Connor, J.; Zhou, Z.; Xu, X., 2011, Additional specimen of Microraptor provides unique evidence of dinosaurs preying on birds. Proceedings of the National Academy of Sciences. 108(49): 19662-19665.

Toutes les images proviennent de Xu et al., 2022 à l’exception de la première qui est composée d’une œuvre de Scott Hartman et d’une œuvre de Fred Wierum, et des deux dernières qui proviennent de O’Connor et al., 2011

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