Ecologie de plusieurs paraviens sur la base de leurs pieds

Les pieds des oiseaux sont des indicateurs précieux sur leur écologie. En effet, la morphologie de leurs pieds varie beaucoup en fonction de leur rôle écologique, leur permettant de nager, se percher, capturer des proies… La morphologie des os, mais également des écailles des coussinets doivent être pris en compte dans un telle analyse écologique. Deux morphologies principales se distinguent chez les oiseaux modernes : une morphologie arthrale dans laquelle les coussinets sont alignés aux articulations, et la morphologie mésarthrale dans laquelle les coussinets sont alignés aux phalanges. La condition arthrale se retrouve chez les rapaces actuels tandis que la condition mésarthrale se retrouve chez les autres oiseaux actuels. Pittman et ses collègues analysent ainsi l’anatomie du pied de plusieurs théropodes aux fossiles très bien conservés, afin de connaitre leur écologie.

Reconstitution squelettique (à gauche, par Scott Hartman) et du vivant (à droite, par Nobumichi Tamura) du paravien Anchiornis

Pittman et ses collègues ont analysé des spécimens préservant en détail les tissus mous, afin de pouvoir connaître en détail l’anatomie de leurs pieds. Ils ont ainsi analysé les pieds du dromaeosauridé Microraptor, du scansoriopterygidé Ambopteryx, du troodontidé Anchiornis et des oiseaux Archaeopteryx, Confuciusornis, Sapeornis, Fortunguavis et Yanornis. En plus d’une analyse morphologique détaillée, Pittman et ses collègues ont également procédé à une analyse morphométrique pour connaître la gamme morphologique des pieds de ces genres parmi les oiseaux actuels. Cette analyse permet ainsi de connaître l’écologie de ces genres en se basant sur celle des oiseaux actuels.

Arbre phylogénétique montrant les relations phylogénétiques entre les paraviens étudiés par Pittman et ses collègues, ainsi que la morphologie de leurs pieds

Les spécimens d’Ambopteryx, d’Archaeopteryx et de Fortunguavis ne sont pas assez bien préservés pour connaître la morphologie de leurs coussinets. Pittman et ses collègues se sont contentés d’analyser leur anatomie osseuse pour la comparer aux autres genres étudiés.

Photographies et reconstitution squelettique de l’holotype d’Ambopteryx provenant de Wang et al., 2019

Le pied de Microraptor a été analysé sur la base des spécimens STM 5–75, STM 5–109 et STM 5–172. Il présente une condition arthrale avec trois morphologies d’écailles présentes, comprenant des écailles réticulaires de très petite taille sur le dessous des coussinets, des écailles scutellées sur les côtés des coussinets et des écailles scutées sur le dessus des doigts. Les griffes de Microraptor sont enveloppées d’une gaine de kératine bien visible sur les spécimens étudiés par Pittman et ses collègues.

Photographie et dessin interprétatif du pied du spécimen STM 5–109 de Microraptor

Le pied d’Anchiornis a été analysé sur la base des spécimens STM 0–1, STM 0–7, STM 0–114, STM 0–125, STM 0–144 et STM 0–147. Les coussinets d’Anchiornis sont en condition arthrale et présentent trois morphologies d’écailles, tout comme Microraptor. Des écailles réticulaires de très petite taille se trouvent sur le dessous des coussinets, des écailles scutellées sur les côtés des coussinets et des écailles scutées sur le dessus des doigts. Les griffes d‘Anchiornis sont enveloppées d’une gaine de kératine bien visible sur les spécimens étudiés par Pittman et ses collègues.

Photographie et dessin interprétatif du pied du spécimen STM 0–147 d‘Anchiornis

Le pied de Confuciusornis a été analysé sur la base de plus de 500 spécimens mais les données les plus précises ont été obtenues sur les spécimens STM 13–55 et IVPP V13156. Toutefois ces spécimens ne sont pas assez bien préservés pour savoir si les coussinets de Confuciusornis étaient en condition arthrale ou mésarthrale. Deux morphologies d’écailles ont pu être observées : des écailles réticulaires se trouvent sur le dessous et le côté des coussinets tandis que des écailles scutées se trouvent sur le dessus des doigts. Les griffes de Confuciusornis sont enveloppées d’une gaine de kératine bien visible sur les spécimens étudiés par Pittman et ses collègues.

Photographie et dessin interprétatif du pied du spécimen STM 13–55 de Confuciusornis

Le pied de Sapeornis a été analysé sur la base du spécimen 41HIII0405. Il présente des coussinets en morphologie arthrale et une seule morphologie d’écailles a pu être observés. Des écailles réticulaires de se trouvent sur tous les coussinets, et des gaines de kératine de grande taille ont également été observées sur ses griffes.

Photographie et dessin interprétatif du pied du spécimen 41HIII0405 de Sapeornis

Le pied de Yanornis a été analysé sur la base du spécimen STM 9-531. Le fossile n’est pas préservé dans des conditions favorables pour observer la morphologie de ses coussinets, mais Pittman et ses collègues ont observé une condition mésarthrale sur les coussinets de l’un de ses doigts. Deux morphologies d’écailles ont pu être observées : des écailles scutellées se trouvent sur le dessous et le côté des coussinets tandis que des écailles scutées se trouvent sur le dessus des doigts. Les griffes de Yanornis sont enveloppées d’une gaine de kératine bien visible sur le spécimen étudié par Pittman et ses collègues.

Photographie et dessin interprétatif du pied du spécimen STM 9-531 de Yanornis

Dans l’analyse morphométrique de Pittman et ses collègues, Ambopteryx occupe un morphospace unique. Anchiornis et Yanornis sont retrouvés dans le morphospace des oiseaux terrestres tandis que Microraptor occupe le morphospace des rapaces qui saisissent leurs proies avec leurs pieds. Archaeopteryx et Confuciusornis sont retrouvés entre les morphospaces des oiseaux terrestres et des rapaces qui broient leurs proies avec leurs pieds. Sapeornis et Fortunguavis se trouvent quant à eux dans le morphospace des oiseaux percheurs. Pittman et ses collègues notent toutefois que la suppression de certains paramètres instables entraîne la modification des positions dans le morphospace de certains des genres étudiés.

Résultats de l’analyse morphométrique de Pittman et ses collègues, plaçant les paraviens étudiés dans les différents morphospaces occupés par les oiseaux actuels

L’analyse du pied d’Ambopteryx suggère que c’était un animal terrestre, mais son plan corporel global montre des spécialisations pour un mode de vie arboricole. Pittman et ses collègues en concluent qu’Ambopteryx était un arboricole sans adaptation particulière pour ce mode de vie au niveau de ses pieds. La morphologie du pied de Microraptor suggère qu’il capturait ses proies avec ses pieds et qu’il en était capable dans les airs. Pittman et ses collègues en concluent que Microraptor était un chasseur de petites proies, incluant les oiseaux, certains théropodes non-aviens, les petits ptérosaures et les mammifères planeurs.

Reconstitution squelettique (à gauche, par Scott Hartman) et du vivant (à droite, par Fred Wierum) d’Archaeopteryx

Le pied d’Anchiornis suggère que c’était un prédateur terrestre adapté pour la capture de proies non-volantes. En effet, Anchiornis manque d’adaptations pour le vol qui sont présentes chez Microraptor, et ses coussinets sont moins bien adaptés pour la préhension des proies. Archaeopteryx est un genre qui pose problème à Pittman et ses collègues puisqu’il présente un mélange de caractères observés chez les oiseaux terrestres et les rapaces modernes. Ce devait donc être un prédateur de petits animaux occupant une niche écologique inexistante de nos jours.

Reconstitution squelettique (à gauche, par Scott Hartman) et du vivant (à droite, par Nobumichi Tamura) d’Archaeopteryx

Confuciusornis présente une morphologie des pieds qui est à la fois adaptée pour saisir des proies mais aussi pour un mode de vie terrestre. Pittman et ses collègues en concluent donc que Confuciusornis était un oiseau à l’écologie généraliste, capable de s’adapter à son environnement. Le pied de Sapeornis suggère que c’était un oiseau percheur, ce qui est cohérent avec son alimentation herbivore. Toutefois, il était également capable de saisir des proies, ce que Pittman et ses collègues interprètent comme une capacité à compléter son alimentation par de petites proies.

Reconstitution squelettique (à gauche, par Scott Hartman) et du vivant (à droite, par Velizar Simeonovski) de Confuciusornis

L’analyse du pied de Fortunguavis suggère qu’il pouvait s’accrocher aux branches d’arbres, et donc qu’il s’agissait d’un oiseau percheur. Il est toutefois possible qu’il ait même été un oiseau grimpeur mais l’analyse de ses pieds ne l’a pas confirmé. Yanornis présente des coussinets à la disposition mésarthrale, ce qui s’oppose à une écologie de prédateur attrapant ses proies avec ses pieds. Au contraire, ce devait être un oiseau terrestre, probablement pêchant sur les berges au vu du poisson retrouvé dans le contenu stomacal de l’un de ses spécimens.

Reconstitution du vivant de Fortunguavis (à gauche, œuvre de Scott Reid) et de Yanornis (à droite, œuvre d’Entelognathus)

Référence : Pittman, M.; Bell, P.R.; Miller, C.V.; Enriquez, N.J.; Wang, X.; Zheng, X.; Tsang, L.R.; Tse, Y.T.; Landes, M.; Kaye, T.G., 2022, Exceptional preservation and foot structure reveal ecological transitions and lifestyles of early theropod flyers. Nature Communications. 13: 7684.

Wang, M.; O’Connor, J.K.; Xu, X.; Zhou, Z., 2022, A new Jurassic scansoriopterygid and the loss of membranous wings in theropod dinosaurs. Nature. 569: 256–259.

Toutes les images proviennent de Pittman et al., 2022 à l’exception de la troisième qui provient de Wang et al., 2019, des reconstitutions squelettiques de la première, de la neuvième, de la dixième et de la onzième image qui sont des œuvres de Scott Hartman, des reconstitutions du vivant qui sont des œuvres de Nobumichi Tamura pour la première et la dixième, de Fred Wierum pour la neuvième, de Velizar Simeonovski pour la onzième et de Scott Reid ainsi que d’Entelognathus pour la dernière

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